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Une sortie du nucléaire entre doutes et enthousiasme

Sortir du nucléaire, oui, mais après? Keystone

La presse suisse se réjouit du vote de la Chambre basse du Parlement, en faveur de la sortie du nucléaire, mais elle se montre aussi sceptique vis-à-vis de cette décision qui s’inscrit dans le contexte de Fukushima et d’année électorale.

«Un vote historique pour la Suisse, mais l’après nucléaire reste flou», titre le quotidien La Liberté. La décision de la Chambre basse du Parlement (Conseil national)  d’abandonner progressivement le nucléaire d’ici 2034, suscite un accueil en demi-teinte dans la presse suisse.

L’enthousiasme d’un côté, comme l’illustre le journal de boulevard le Blick, soulignant que c’est un triomphe de la confiance en ses propres capacités, qui promet de grandes opportunités pour l’économie et les PME. Et de l’autre côté le scepticisme. «C’est un signal clair qu’une majorité des Suisses attendaient après Fukushima. Mais pour l’instant, la décision n’est qu’un vœu pieux. Désormais, il faudra concrétiser le projet», souligne le quotidien romand 24 heures.

Un avenir flou

Et d’ajouter «force est de constater qu’il a fallu beaucoup de courage aux élus pour décider hier la sortie du nucléaire, il en faudra le double pour maintenir le cap.» Car si les élus du Conseil de national ont approuvé le changement de route du Gouvernement en matière de politique énergétique, le nouveau chemin s’annonce encore incertain et pavés de difficultés.

 

L’Aargauer Zeitung, tout en louant le succès éblouissant de l’alliance du centre et de la gauche, met en garde contre les embûches qui se dresseront sur le chemin d’un avenir sans centrales nucléaires. Un avenir, dont les contours sont encore flous. «Le schéma précis de cette métamorphose est encore dans les limbes», remarque le quotidien Le Temps.

Ainsi, comme le note Le Matin, il convient de faire attention à ce que ces «secousses politiques» ne se révèlent pas «éphémères». «Pour assurer dans la durée un nouveau mode de vie et d’autres formes d’énergie,  la coalition inédite née hier va donc devoir se solidifier. Et très vite se mettre au boulot, car le chantier de l’avenir sans atome est énorme», relève le quotidien. Un constat partagé par La Liberté «tout reste à faire pour permettre à la Suisse de se passer de l’atome sans menacer son approvisionnement énergétique et sans faire exploser la facture d’électricité.»

Dans un domaine, où, de la production à la distribution, en passant par l’utilisation, presque tout ressort du service public, l’Etat doit instaurer des bases claires, souligne la Neue Zürcher Zeitung (NZZ). Et Le Temps de rappeler que «l’électricité générée par les énergies vertes représente une part infinitésimale de la production totale.» Pour compenser les 39% d’électricité que fournissent les différentes centrales suisses, tous les acteurs seront donc obligés de s’unir.

S’inscrire dans la durée

Un rassemblement de forces qui devra s’inscrire dans la durée, au-delà des retombées de Fukushima et des élections fédérales. «Pour mener  la révolution à bien, il faut une volonté politique et entrepreneuriale sans faille», relève La Tribune de Genève. Même avec la lente sortie du nucléaire, le Tages Anzeiger affirme «nous n’avons pas vraiment confiance». Le quotidien alémanique s’interroge sur ce qui se passera au-delà des élections. Et souligne que le Conseil des Etats (Chambre haute) pourrait laisser la porte ouverte à l’énergie atomique à l’automne (puisque la décision du Conseil national devra passer devant cette chambre lors de la session d’automne).

Quant à la NZZ, elle affirme, cinglante, «vert, aussi longtemps que cela ne fait pas mal». Une critique, notamment destinée aux partis du centre et à leur réserve lorsqu’il s’agit de mettre sur la table des mesures concrètes. Elle note les mêmes inconséquences qu’en matière de politique climatique où l’on est pour sur le principe, mais contre de manière concrète. Le quotidien alémanique épingle également l’Union démocratique du centre (UDC/droite conservatrice). «Rester les bras croisés met aussi en danger la sécurité de l’approvisionnement.»

L’UDC, qui a eu sa petite revanche mercredi, puisqu’en même temps qu’il a validé la sortie progressive du nucléaire,  le Conseil national a approuvé une motion visant à supprimer le droit de recours des associations dans le domaine énergétique. «La majorité de droite veut ainsi montrer que, si elle accepte la mort dans l’âme de renoncer au nucléaire, elle attend des écologistes, dans une symétrie sacrificielle, qu’ils se montrent plus coopératifs lorsqu’il s’agit de trouver des solutions de rechange», relève Le Temps. Finalement, la décision de la Chambre basse représente donc «un succès doux-amer», comme le titre le quotidien genevois.

Thème porteur.

Suite à la catastrophe de Fukushima, le 11 mars dernier, une véritables montagne de propositions parlementaires concernant le nucléaire et les énergies renouvelables ont été déposées. Les Chambres fédérales ont donc décidé d’organiser une session extraordinaire sur ce thème.

Deux chapitres.

La Chambre du peuple a été la première à se  pencher sur cette question le 8 juin. Au total, 123 interventions parlementaires ont été inscrites à l’ordre du jour – 68 motions, 43 interpellations, 23 postulats – et divisées en deux grands chapitres. Le premier concerne l’énergie nucléaire, le second les énergies renouvelables.

Pas de date.

Sur le front de l’atome, trois motions exigeant l’abandon de l’atome ont été approuvées. La première a été présentée par le groupe des Verts, la deuxième par les bourgeois démocrates et la troisième par le démocrate-chrétien Roberto Schmidt. Cette dernière est très proche du projet présenté par le gouvernement le 25 mai. Elle ne fixe toutefois aucune date quant à la désactivation des cinq réacteurs nucléaires actuellement actifs en Suisse.

Approbation.

Par manque de temps, la Chambre du peuple n’a pas pu se prononcer mercredi sur toutes les motions et les postulats concernant les énergies renouvelables. Les votes se poursuivront jeudi. Les décisions prises par la Chambre du peuple devront encore être validées par la Chambre des cantons en automne.

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