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Les Suisses ont cloué le Gripen au sol

Marco Zanoni/pixsil

C’est une première historique: ce dimanche 18 mai, le peuple suisse a refusé un crédit à ses forces armées. A 53,4%, les citoyens ont dit non à l’achat, pour 3,126 milliards de francs, de 22 avions de chasse suédois Gripen. Le ministre de la Défense Ueli Maurer a admis sa défaite, mais ne démissionnera pas.

Pas question d’annoncer tout de suite quelles mesures prendre après le refus du Gripen. Ueli Maurer souhaite d’abord mener une analyse approfondie des résultats. Il faudra encore du temps avant de trouver une solution, selon lui. Ce non populaire est une défaite pour le Gouvernement et le Parlement. «Pour moi aussi», a reconnu le ministre UDC (droite conservatrice)

Il ne tirera pas sa révérence pour autant. «Je peux très bien vivre avec ce résultat. Dans ma vie, j’ai vécu plus de défaites que de victoires», a commenté Ueli Maurer. Quant à la tournure que vont prendre les événements, il est resté très vague. Une acquisition d’avions de combat avant le remplacement des FA-18 n’est pas exclue.

Le ministre de la Défense est aussi resté flou sur l’utilisation des 300 millions de francs par an destinés au Gripen. L’armée ne demandera pas autant pour ses prochains achats. Quant à savoir si le surplus doit être affecté à d’autres domaines, il faudra que le Parlement et le Gouvernement tranchent, ce qui promet «encore des discussions animées».

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Echec annoncé

Les efforts menés en fin de campagne par les partisans du jet n’ont pas empêché l’échec prédit par les sondages. La droite n’a pas réussi à faire de ce scrutin un vote de principe sur l’armée. Car les Suisses y restent attachés. Ils l’ont encore montré l’an dernier en balayant une proposition d’abolir la conscription obligatoire.

Pour autant, on est loin des 57,2% qui avaient plébiscité le F/A-18 américain en 1993. Le nombre de cantons où une majorité s’est dégagée contre les avions de combat est passé de cinq à douze. La Suisse romande a voté en bloc contre le Gripen, avec Zurich, Bâle, Berne, Schaffhouse et le Tessin.

Les remous à répétition qui entourent cet achat depuis le début, la polémique sur le choix de l’avion suédois au détriment du Rafale et de l’Eurofighter et les gaffes d’Ueli Maurer n’ont fait qu’apporter de l’eau au moulin des opposants.

Réactions des partis

Dans le camp de vaincus, l’UDC se dit inquiète de la décision du peuple. Il s’agit désormais selon elle d’exploiter pleinement le budget annuel de 5 milliards de francs pour assurer la défense nationale et garantir une armée performante. Le contexte international a montré la nécessité de cet investissement.

Pour le Parti libéral-radical, le non au Gripen place l’armée suisse devant un énorme défi. La campagne a escamoté le débat sur les questions de sécurité et la nécessité d’une armée de l’air forte. Il s’agit dès lors d’entamer un nouveau processus d’évaluation objectif afin de garantir la sécurité future.

Le refus de l’achat du Gripen revient à une baisse de la sécurité, estime pour sa part le Parti démocrate-chrétien. La discussion sur le remplacement des F5 Tiger est désormais close et il faut reconsidérer la question dans le contexte du remplacement des F/A-18.

«La raison financière l’a emporté aujourd’hui», estime au contraire le Parti socialiste. Le peuple a refusé le Gripen, que ce soit à l’achat ou sous forme de location. Pour les socialistes , le budget de l’armée doit revenir à 4,7 milliards de francs au lieu des 5 milliards décidés par le Parlement en vue de l’achat du jet suédois.

Le peuple ne s’est pas laissé entraîner par l’alarmisme de la droite, se félicitent également les Verts. Il faut désormais consacrer les 300 millions de francs ainsi libérés à des projets sociaux, écologiques et dans le domaine de la paix.

Les pacifistes crient victoire

Le Groupe pour une Suisse sans Armée (GSsA) n’a pas attendu le résultat définitif pour crier victoire. Dès 15 heures, le mouvement antimilitariste publiait sa réaction, clamant que ce non «montre pour la première fois une résistance du peuple aux dépenses militaires excessives».

«Une majorité des votants a clairement exprimé que ces milliards de francs seraient mieux investis dans le civil que dans des projets de réarmement insensés», selon le GSsA. C’est un succès pour la politique de paix.

Le GSsA appelle le Gouvernement et le Parlement à baisser le budget de l’armée. Un chèque en blanc pour de nouvelles dépenses militaires serait en contradiction avec la volonté populaire, estime-t-il. Le fonds destiné au Gripen doit être réaffecté dans le domaine civil, insiste le mouvement.

«Armée bonsaï»

Le refus des Gripen marque la «poursuite de la transformation de l’armée en Armée bonsaï», a réagi de son côté Denis Froidevaux, président de la Société suisse des officiers (SSO). Selon le brigadier, «elle s’appelle armée mais n’en est pas une», car elle n’est pas équipée pour remplir ses fonctions principales, à savoir combattre, protéger et aider.

Denis Froidevaux estime que le non de dimanche est dû d’une part aux antimilitaristes – qui représentent une part d’environ 30% des votants – et d’autre part «à un assemblage de personnes» ayant refusé l’achat des avions suédois «pour une foultitude de raisons. Certains ont voté contre le bruit, d’autres contre Ueli Maurer, d’autres encore contre l’UDC».

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