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Pop Polar

Photo: Yann Orhan

Le chanteur genevois Polar s'apprête à présenter son nouvel album «French Songs» sur quelques scènes estivales helvétiques. Et, en préambule, au légendaire «Trois Baudets» à Paris. Entretien.

En une dizaine d’années, Polar – Eric Linder de son vrai nom – est passé du statut de chantre de la contre-culture genevoise à celui de vedette d’une chanson francophone qu’on dira «différente» plutôt que «nouvelle», la nouveauté ayant pour principal défaut de rapidement ne plus l’être, nouvelle.

Après trois albums en anglais (il est né en Irlande), une première expérience en français en collaboration avec le Breton Miossec («Jour blanc», 2006), Polar nous revient donc avec 13 ‘french songs’ élégantes et accrocheuses.

swissinfo: Le titre «French Songs» évoque-t-il la question de la langue ou celle du genre musical?

Eric Linder: Un peu les deux. Ce titre induit la question de base que je me suis posée, faire un disque en français ou en anglais. Pour moi, la question n’était pas claire. Pour cet album, je me suis même installé à Montréal, où je me trouvais pour des concerts. Dans cette ville bilingue, j’ai pris un appartement sur la rue qui sépare les deux zones linguistiques… et finalement j’ai basculé du côté français.

Mais ce titre induit aussi que ma culture musicale relève plutôt d’un bagage anglophone. Brel, Gainsbourg ou Aznavour sont des gens que j’adore aujourd’hui, mais ils ne m’ont pas accompagné dans mon enfance ou mon adolescence.

swissinfo: «Pop Songs» aurait aussi convenu, non? C’est un album plutôt lumineux, parfois léger, musicalement en tout cas. Cela correspond-il à un changement profond d’Eric Linder?

E.L.: Je ne dirais pas changement, parce que la vie est plutôt une évolution, un chemin qu’on suit. Quand j’ai commencé la musique, je me posais beaucoup de questions sur ce que je voulais faire, qui j’étais etc. J’avais 24 ans et maintenant j’en ai 36. La musique est devenue ma vie, elle m’a apporté beaucoup de plaisir, je crois que je peux dire que je suis assez heureux. La nature assez mélodique et pop de l’album retrace assez bien ce parcours-là.

swissinfo: Quel regard portez-vous aujourd’hui sur vos débuts très minimalistes, sombres, austères parfois… C’était une étape obligée?

E. L.: Oui, c’était sincère. Mon premier disque, je l’ai même fait sans avoir la conscience que j’étais en train de faire un disque. J’étais dans ma cuisine, à enregistrer des chansons par nécessité. J’essayais de donner un certain sens à ma vie en faisant des espèces de polaroïds en chansons de ce que je vivais à l’époque.

Quand je réécoute ces chansons aujourd’hui, je crois que cela traduit bien ce que j’étais à l’époque. J’ai l’impression de regarder un film super 8, comme un film de famille. Mon premier album était un disque qui était aussi très lié à mon adolescence, à des problèmes de communication que j’avais eus dans ma famille, par exemple.

Ce disque était très sincère, et je crois que chacun de mes disques l’a été. A l’époque, je ne pouvais rien faire d’autre comme musique que ce que je faisais. Aujourd’hui, mon chemin, toutes les rencontres que j’ai faites ont étoffé, panaché tout ça.

swissinfo: La chanson, c’est une démarche artistique, mais commerciale également. Le choix du français est-il aussi lié au fait que votre carrière se porte bien en France et en Belgique?

E.L.: Non. Chanter en français, à l’origine, je voyais ça comme un ‘side project’. Je pensais que je ferais simplement un disque, avec Miossec. Et puis finalement Miossec m’a donné bien plus que des textes: il m’a donné l’envie d’écrire moi-même mes textes, d’avoir un vrai projet.

Non, je n’ai pas ce talent – je crois que c’en est un aussi – d’être carriériste, d’avoir une stratégie pour séduire le public, les médias ou les maisons de disque. Si je voulais faire ça, je pense que je ferais les choses tout différemment. Personne autour de moi ne pense d’ailleurs dans ces termes. Cela n’existe pas dans «l’équipe Polar».

A part ça, faire de la pop music et passer à la radio n’est pas quelque chose que je trouve mal! Lorsque j’entends Beck, Radiohead, ou n’importe quel artiste que j’aime, passer à la radio ou à la télé, je considère ça comme une victoire sur l’ambiance générale qui règne dans ces différents médias.

Quand je parle avec des jeunes, je constate souvent que la réussite, pour eux, en un, c’est «passer à la télévision». Avant même de dire «chanter» ou «écrire une chanson et la chanter devant un public». La réussite sociale pour eux, c’est le prime time.

swissinfo: Le syndrome «Star Ac’» ou «Nouvelle Star»?

E.L.: Evidemment. Mon premier objectif, quand j’ai commencé la musique, c’était un concert dans un squat à Genève. J’ai apporté la sono, j’ai dû trouver une voiture pour transporter le matériel, et il y avait 32 personnes dans la salle! Pour moi, c’était déjà une réussite de faire ça. Et puis, petit à petit, ça a été de donner des concerts dans des salles officielles, puis le rêve de jouer dans un festival comme Paléo, puis d’aller à l’étranger.

J’aime cette idée d’aller pas après pas. Je n’ai jamais voulu sauter les marches quatre à quatre. Pour moi, ce qui compte, c’est d’être d’abord dans la création. Pour un public ou pas. Après, le fait de pouvoir présenter sa création à un public, c’est fantastique.

swissinfo: Le public, vous allez le retrouver dans quelques festivals suisses, mais aussi aux ‘Trois Baudets’ à Paris, salle légendaire ou passèrent Vian, Gréco, Brel, Brassens…

E.L.: Je suis content de venir chanter dans ces festivals, et on reviendra en tournée en Suisse à l’automne. A Paris, c’est vrai que le concert des Trois Baudets, symboliquement, est très important pour moi. C’est un des berceaux de la chanson française. J’ai vraiment envie d’y faire un beau concert! Une étape qui, j’espère, me permettra d’aller vers de nouveaux objectifs.

swissinfo: Polar dans un festival, un Zénith ou aux Trois Baudets, c’est le même?

E.L.: Oui. Les contextes changent, mais c’est le même Polar. J’ai même dû jouer, seul à la guitare, devant 10.000 personnes qui ne me connaissaient pas… J’essaie de faire passer ce que je suis, la sincérité de ce que je fais, où que je sois. Un exercice périlleux selon les contextes!

Les gens qui m’inspirent, dont j’essaie de suivre le chemin, sont des gens qui sont capables de faire passer la même émotion, avec une guitare et une voix, à dix personnes comme à vingt mille.

Bernard Léchot, swissinfo.ch

28 mai: «Les Trois Baudets», Paris

30 mai: «Corbak Festival», La Chaux-du-Milieu (canton de Neuchâtel)

10 Juin: «Festival’entre 2», Pully (canton de Vaud)

et à l’Estivale d’Estavayer-le-lac, canton de Fribourg (29 juillet au 1er août)

En automne, une tournée mènera Polar en Suisse et en France.

Irlande. Issu d’un père suisse-allemand et d’une mère irlandaise, Eric Linder, futur «Polar», passe les dix premières années de sa vie à Carlow, dans le sud de l’Irlande, avant d’émigrer à Genève.

Athlétisme. Adolescent, Eric est passionné par l’athlétisme. Il est plusieurs fois champion national sur 800 mètres.

Guitare. L’influence de son frère aîné et ses premières armes à la guitare vont le faire changer de cap. Il devient chanteur et guitariste du groupe Peeping Tom. Parallèlement, il se lance dans un parcours solo.

1997: CD «Polar 1», album dépouillé, enregistré seul à la guitare dans sa cuisine!

1998: CD «Bi», toujours aussi sombre et minimaliste.

2002: CD «Somatic».

2006: Tournée en 1ère partie du chanteur français Cali et publication du CD «Jour blanc», premier album en français, issu d’une collaboration avec un autre chanteur français, Miossec.

2009: CD «French Songs».

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