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Pour un retour à l’accueil collectif des réfugiés

Deux requérants dans la salle d'attente du centre d'accueil de Bâle. Les contingents ne devraient pas défavoriser les demandeurs d'asile individuels. Keystone

En plus des cas individuels, la Suisse devrait revenir à l'admission des réfugiés par contingents, comme elle l'a fait jusqu'en 1995. Lancé à Berne à l'occasion du 3e Symposium sur l'asile de l'OSAR et du HCR, l'appel a été entendu.

Hongrois, Tibétains, Tchèques, Chiliens, Polonais, Iraniens, Soudanais, Somaliens, Irakiens ou Rwandais: depuis 1950, la Suisse a régulièrement pratiqué l’admission humanitaire des «réfugiés sur contingents».

A la fin des années 90 toutefois, l’explosion des demandes en provenance des Balkans ravagés par les guerres successives l’a amené à laisser tomber cette pratique. Et depuis, à l’exception de deux petits groupes d’Ouzbeks et de Palestiniens, plus personne n’a pu bénéficier d’une possibilité pourtant inscrite dans la loi.

Pour en débattre, le Symposium accueillait – à côté des officiels et des ONG suisses – plusieurs représentants des pays scandinaves. En Suède comme en Norvège en effet, on continue à pratiquer l’admission par contingents, selon les vœux du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés.

Il s’agit d’offrir une nouvelle perspective d’avenir à des personnes bloquées dans des camps, souvent proches des zones de conflit qu’elles ont dû fuir et où rien de ce qui peut faire une vie décente n’est assuré, pas même la sécurité.

Pour le HCR, qui gère la problématique au niveau mondial, cette réinstallation dans un pays tiers représente pour certains réfugiés l’unique solution durable. Actuellement, l’agence onusienne recherche des places pour 560’000 d’entre eux.

Pas de promesse, mais…

Comme les ONG et les églises, l’OSAR (Organisation suisse d’aide aux réfugiés) est largement favorable à cette pratique des contingents.

«Elle ne risque pas de prétériter les demandeurs individuels, explique Yann Golay, porte-parole de l’OSAR. Au contraire, elle contribuerait plutôt à en faire baisser le nombre. Car les réfugiés accueillis sur contingent ne sont pas des personnes qui iront demander l’asile au terme d’un voyage illégal et dangereux.»

Appel aux politiques donc, qui a été directement entendu. Eduard Gnesa, directeur de l’Office fédéral des migrations, a déclaré devant les participants au Symposium que les contingents de 200 à 300 personnes «pourraient être réintroduits d’ici un à deux ans».

Il n’en reste pas moins de nombreux milieux à convaincre, à commencer par les cantons. Présent lui aussi au Symposium, le président de la Conférence des ministres cantonaux de la Justice s’est borné à parler d’une «certaine ouverture» de la part de ses collègues.

Ensuite, il faudra également convaincre les partis. Et la population. Pas encore de quoi pavoiser donc pour Yann Golay, qui relève prudemment que si tout le monde accepte d’en parler, «personne n’a encore rien promis».

Pas de «contingent Guantanamo»

En attendant, l’accueil possible de détenus de la prison de Guantanamo – dont Barack Obama a annoncé la fermeture – serait-il une préfiguration du retour des contingents ?

«Rien à voir», a souligné Eduard Gnesa, rappelant que la chose n’est même pas encore acquise. Pour l’heure, le gouvernement suisse a simplement dit qu’il allait «en examiner la possibilité».

Yann Golay non plus ne voit pas dans l’arrivée hypothétique de ces quelques anciens prisonniers une sorte de «mini-contingent».

«Mais il est vrai qu’il y aurait des similitudes, souligne le porte-parole de l’OSAR. Ce serait l’expression par la Suisse d’une solidarité avec les autres pays, d’un partage des tâches au niveau international.»

Inégaux face à l’intégration

Autre thème au menu de ce Symposium: l’intégration. Une tâche que la loi révisée attribue depuis une année aux cantons, lesquels sont libres de la déléguer aux communes ou aux ONG.

«Cette délégation comporte des éléments intéressants, relève Yann Golay. Elle rend la tâche de l’intégration plus concrète. Les cantons sont plus proches des étrangers qui sont sur leur territoire, alors que la Confédération n’a pas de territoire. Mais à l’inverse, cela les soumet à des pressions dont la Confédération est préservée.»

Intentions louables donc, mais pratiques très diverses d’un canton à l’autre. En clair, il vaut mieux être requérant d’asile ou réfugié à Neuchâtel qu’à Schwyz, comme il a été noté au cours du Symposium.

Après seulement une année de pratique, l’OSAR se refuse toutefois à pointer du doigt les bons et les mauvais élèves. «Cela doit faire l’objet d’une évaluation qui n’a pas encore eu lieu, explique Yann Golay. Mais il est clair que les étrangers devraient pouvoir bénéficier de standards minimaux en matière d’intégration.»

swissinfo, Marc-André Miserez

En 2008, 16’606 personnes ont demandé l’asile en Suisse, soit 53,1% de plus que l’année précédente.

Comme en 2007, c’est d’Erythrée qu’est venu le plus grand nombre de demandes (2849). Suivent la Somalie (2014), l’Irak (1440), la Serbie et le Kosovo (1301), le Sri Lanka (1262) et le Nigeria (988).

Près d’un requérant sur quatre (23%) a effectivement obtenu l’asile en 2008, ce qui représente une hausse de près de 20% par rapport à 2007.

Selon les derniers chiffres (provisoires) des Nations Unies, en 2007, la planète comptait 16 millions de réfugiés et 51 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, à cause des guerres ou des catastrophes naturelles.

L’immense majorité de ces gens ne vient pas chercher refuge dans les pays riches. Les réfugiés qui doivent quitter leur pays sont entre 83% (Afrique et Amérique Latine) et 86% (Asie) à vivre dans un pays voisin.

Les pays du monde accueillant le plus de réfugiés sont le Pakistan (2 millions), la Syrie (1,5 million) et l’Iran (960’000). Quatrième et premier pays du Nord sur la liste, l’Allemagne en accueille 580’000.

L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) est l’organisation faîtière nationale des œuvres d’entraide actives dans l’aide aux réfugiés.

C’est est une organisation non-gouvernementale, indépendante sur le plan politique et confessionnel, qui s’engage juridiquement dans le domaine de l’asile et des réfugiés.

L’OSAR représente les intérêts des requérants d’asile, des réfugiés et les siens propres face à l’opinion publique, en politique et auprès des autorités. Elle s’engage pour que la Suisse applique une politique d’asile équitable.

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