Pourquoi les cigognes ne reviennent pas

De nombreux échassiers meurent électrocutés dès le départ de Suisse. Keystone

Seule une cigogne sur dix revient en Suisse après sa migration vers l'Afrique. Les pylônes électriques et le braconnage en sont les principales causes.

Réalisée depuis 1999 par la société «cigogne Suisse», en coopération avec les Musées d’histoire naturelle de Fribourg et de Berne, l’opération «SOS Cigogne» a pour objectif d’étudier le comportement des échassiers lors des migrations.

Pour y parvenir, 25 cigognes ont été équipées de balises «Argos» en l’an 2000. L’année suivante, 18 d’entre-elles en ont également bénéficié. Les oiseaux ont pu ainsi être suivis au mètre près, grâce au système de navigation par satellite, le GPS (Global Positionning System).

Une dramatique hécatombe

Publiés par la Société suisse d’information scientifique, les premiers résultats mettent en exergue la dramatique hécatombe des échassiers durant leur migration vers l’Afrique.

«De nombreux échassiers meurent électrocutés dès le départ de Suisse», explique Olivier Biber, biologiste et membre de la société «cigogne Suisse».

Selon lui, cette hécatombe se poursuit «jusqu’au détroit de Gibraltar en Espagne». A cause notamment des pylônes à haute tension. «Les échassiers s’électrocutent facilement en se posant sur les lignes, précise Olivier Biber. En raison, notamment, de la grande envergure des ailes qui permet plus facilement le contact».

Plus de dégâts en Espagne

Pour le biologiste, si les électrocutions se produisent déjà en Suisse pour près de 10% des jeunes cigognes, c’est l’Espagne qui affiche le plus grand taux d’électrocutions. «Plus les cigognes descendent vers Gibraltar, plus la concentration de pylônes est importante», précise Olivier Biber.

Comment stopper ce carnage? Rien de plus simple, souligne le biologiste. «Il est possible de placer des éléments dissuasifs ou des isolations sur les lignes à proximité des villages où se posent les échassiers. Cette solution n’est pas coûteuse».

D’ores et déjà, l’association «cigogne Suisse» a contacté les opérateurs d’électricité des trois pays concernés pour leur suggérer ces solutions.

Chasseurs également en cause

Mais, l’électrocution n’est pas la seule cause de mortalité des échassiers. «De nouveaux dangers guettent les oiseaux en France et en Espagne», affirme Olivier Biber. Ainsi, les chercheurs ont constaté la mort de 127 cigognes blanches en trois jours à proximité d’une décharge à Séville.

Pire encore, ajoute le biologiste, «l’animal, pourtant protégé, est tiré par des braconniers durant tout le parcours européen, décimant des dizaines d’oiseaux».

Autre cas de figure: la chasse pratiquée en Afrique. «Les cigognes sont tirées, ajoute le chercheur. Dans la mesure où cette chasse est pratiquée pour permettre à une population de se nourrir, cela devient plus compréhensible dans cette région du globe».

Des oiseaux du désert

Pour autant, si l’étude de «SOS Cigogne» prouve désormais le grave problème de l’électricité, elle a permis de découvrir le réel comportement de l’oiseau lors de son voyage vers l’Afrique.

«Auparavant, les chercheurs pensaient que les cigognes longeaient la côte africaine depuis Gibraltar et restaient près du delta du Niger», explique Olivier Biber. Or, grâce au suivi réalisé par GPS, on sait que «les échassiers traversent le désert du Sahel durant de longues périodes, et qu’ils s’adaptent très bien à la grande savane herbeuse».

Pour le biologiste, preuve est donc faite que la cigogne ne vit pas seulement dans les zones humides comme les chercheurs le pensaient.

Petit détail culinaire qui vaut son pesant d’or. «Nous avons également découvert que les cigognes sont friandes de sauterelles. Elles les trouvent facilement dans la savane».


swissinfo/Jean-Louis Thomas