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Premier Euro en tant que spectateur

Keystone

L'ancienne vedette du Borussia Dortmund et de l'équipe de Suisse prédit une finale Allemagne-Italie. Selon Stéphane Chapuisat, la Suisse a une bonne carte à jouer. swissinfo l'a interviewé.

Stéphane Chapuisat a raccroché ses crampons il y a deux ans. Désigné ambassadeur de l’Euro 2008, il travaille aujourd’hui à la promotion du grand rendez-vous footballistique du mois de juin.

Même si jouer un Eurofoot dans son propre pays est un honneur immense, Stéphane Chapuisat n’éprouve aucune nostalgie de ne pas y prendre part en tant que joueur.

Ayant eu le bonheur de disputer deux phases finales d’un Championnat d’Europe (1996 en Angleterre et 2004 au Portugal), le Vaudois a toujours dit qu’il ne serait plus sur le terrain en 2008.

swissinfo: Le manque d’enthousiasme des Suisses pour cet Euro a souvent été décrié. Sentez-vous un changement de tendance?

Stéphane Chapuisat: Je suis convaincu que ceux qui aiment le football attendent ce rendez-vous avec impatience. Plus l’événement va s’approcher, plus les l’enthousiasme va gagner ceux qui ne sentent pas encore totalement concernés à l’heure actuelle. Ce sera une fête magnifique. Et la Coupe du Monde de 2006 en Allemagne a montré que les Suisses savent se mobiliser pour le ballon rond.

swissinfo: Vous avez participé en tant que joueur au Mondial de 1996 aux USA et aux Championnats d’Europe de 1996 en Angleterre et de 2004 au Portugal. Quels sont vos plus beaux souvenirs?

S.C.: La partie d’ouverture contre l’Angleterre dans le stade de Wembley reste un souvenir très émouvant et constitue sans aucun doute un des meilleurs moments de ma carrière de footballeur.

L’aventure américaine dans son ensemble est également quelque chose qui me tient à cœur car nous avions réalisé de très bons matches avant de perdre en huitièmes de finale. Les résultats sportifs en Angleterre et au Portugal ont été un peu plus mitigés.

swissinfo: Malgré les résultats en dents-de-scie des matches amicaux, l’entraîneur de l’équipe nationale Köbi Kuhn et certains joueurs importants de l’équipe n’hésitent pas dire que leur but est de remporter le tournoi. Est-ce réaliste?

S.C.: Il est très difficile de répondre à cette question. L’équipe de Suisse est capable de faire de bons résultats contre n’importe quel adversaire. Dans son groupe, aucune équipe ne ressort véritablement du lot et tout dépendra à mon sens du résultat du match d’ouverture contre la Tchéquie. Si la Suisse commence bien, alors elle peu aller loin.

swissinfo: République tchèque, Turquie et Portugal. Quel regard portez-vous sur ces trois équipes?

S.C.: La Tchéquie possède de bons joueurs dans ses rangs même si elle a perdu son capitaine Pavel Nedved. Ses prestations risquent donc fort de dépendre de la forme de Thomas Rosicky, le coéquipier de Philippe Senderos à Arsenal.

La Turquie est un adversaire que nous connaissons bien. Les joueurs turcs sont très vifs et très rapides. Contre eux, les matches sont toujours intenses. Depuis la double confrontation des qualifications pour le Mondial 2006, nous savons que nous sommes en mesure de les battre et cela est très important.

Enfin dans ce groupe, le Portugal fait un peu figure de favori. C’est une bonne chose pour la Suisse d’affronter cet adversaire en dernier.

swissinfo: Hottiger, Geiger, Herr, Sutter; en 1994, les noms de famille les plus exotiques de l’équipe de Suisse étaient ceux de Sforza ou Subiat. Aujourd’hui, l’équipe de Suisse est composée de joueurs d’origine espagnole, italienne, portugaise, kosovare ou turque… Cela a-t-il apporté un «sang» nouveau?

S.C.: Je pense en tous les cas qu’il s’agit de quelque chose de positif. La France a par exemple commencé à gagner des tournois importants lorsqu’elle a intégré des jeunes de la seconde générations en équipe nationale.

La Suisse fait un excellent travail de formation et tente d’intégrer tous les jeunes. Malheureusement, cela ne fonctionne pas toujours et certains talents comme Rakitic, Petric ou Kuzmanovic ont malheureusement choisi de jouer sous les couleurs de leur pays d’origine.

swissinfo: Les règles doivent-elles selon vous être changées?

S.C.: Pour l’Association suisse de football, perdre ainsi des joueurs qu’elle a formés est inadmissible. Mais les règles de la FIFA sont claires: un joueur double-national peut choisir de jouer pour l’équipe de son choix jusqu’à l’âge de 21 ans. Une règle un peu plus logique prenant en compte la formation devrait être trouvée, afin que le pays formateur puisse au moins toucher des indemnités.

swissinfo: Lorsque vous êtes parti jouer en Allemagne, peu de joueurs helvétiques défendaient les couleurs de clubs étrangers. Aujourd’hui, des jeunes talents suisses de 15 ou 16 ans rejoignent les centres de formations de clubs prestigieux. Font-ils le bon choix?

S.C.: Lorsque je suis parti jouer à Dortmund, peu de joueurs suisses évoluaient dans des championnats étrangers car seuls trois «étrangers» par clubs étaient autorisés. L’arrêt Bosman a fait sauter ces limitations.

La question des jeunes joueurs est effectivement difficile à résoudre. Il faut bien se rendre compte que lors d’une partie disputée par l’équipe de Suisse des moins de 16 ans, la moitié des 400 spectateurs présents sont soit des agents, soit des observateurs envoyés par des clubs.

A mon sens, un jeune joueur devrait surtout penser à être titulaire dans un club suisse avant de tenter l’aventure à l’étranger. Partir sans aucune expérience est un pari risqué. Mais cela peut fonctionner comme pour Johan Djourou par exemple. Mais dans bien des cas, cela se termine plutôt mal.

swissinfo: Ottmar Hitzfeld, le futur entraîneur de l’équipe de Suisse a été votre entraîneur à Dortmund. Pouvez-vous nous le décrire en quelques phrases?

S.C.: C’est avec lui que j’ai connu une des plus belles périodes de ma carrière. C’est un entraîneur qui réussit à tirer le meilleur de chaque joueur. Il inspire confiance et sait mieux que quiconque gérer un groupe. Je pense vraiment que s’il a accepté ce nouveau challenge, il croit réellement en l’équipe de Suisse.

swissinfo: Un pronostic pour conclure. Quelles seront selon vous les deux équipes qui parviendront en finale de l’Euro 2008?

S.C.: Je pense que la finale devrait opposer l’Allemagne et l’Italie. Mais chaque compétition réserve des surprises, j’espère que la Suisse saura nous surprendre.

Interview swissinfo, Daniele Mariani
(Traduction et adaptation de l’italien: Mathias Froidevaux)

Né le 28 juin 1969, Stéphane Chapuisat a débuté sa carrière de footballeur à Malley puis à Lausanne.

En 1990, il rejoint le club allemand d’Uerdigen puis, l’année suivante, celui du Borussia Dortmund.
Avec le club de la Ruhr, il remporte deux titres de champion d’Allemagne (1995 et 1996), la Ligue des Champions et le Championnat du monde des clubs (1997).
En 218 matches sous les couleurs de Dortmund, le Vaudois a inscrit 102 buts. Il figure dans les tabelles comme le deuxième meilleur buteur de l’histoire de la Bundesliga.

De retour en Suisse, Stéphane Chapuisat a encore été champion avec Grasshopper avant de terminer sa carrière à Young Boys (2005).

Le Vaudois a disputé le premier de ses 103 matches avec l’équipe de Suisse le 21 juin 1989 face au Brésil (victoire suisse 1 à 0). Au total, Stéphane Chapuisat a marqué 21 buts sous le maillot national.

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