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Prix de Lausanne: les filles plutôt en retrait

Alexandra Valavanis. Une Suissesse primée à Lausanne, ce n’était plus arrivé depuis des années. Mais pour le reste, cinq des sept bourses en jeu vont à des garçons. Keystone

Prix de Lausanne 2010: tout est dit. Le prestigieux concours international de danse qui réunit chaque années des jeunes candidats du monde entier s’est tenu du 26 au 31 janvier. Réactions à chaud de deux spécialistes sur un palmarès très masculin.

L’enjeu est grand et l’ambition l’est tout autant. De jeunes danseurs entre 15 et 18 ans, de différentes nationalités, se cherchent un avenir. Le Prix de Lausanne leur offre l’occasion d’obtenir une bourse d’études ou d’apprentissage dans l’une des meilleures écoles ou compagnies de danse du monde. De renommée internationale, ce Prix constitue donc une rampe de lancement pour les talents en herbe.

Sept danseurs et danseuses ont été primés lors de la finale de cette 38e édition qui s’est tenue à Lausanne dimanche après-midi. Ils ont reçu le Prix de la Bourse. Le Prix du Meilleur Suisse est allé à Alexandra Valavanis. Il faut dire que depuis plusieurs années il n’y avait pas eu de candidat helvétique au palmarès.

A l’issue de la finale, nous avons recueilli séparément les propos de Claude Ratzé, directeur artistique de l’ADC (Association pour la danse contemporaine), à Genève, et de Bénédicte Jarrasse, critique chorégraphique et responsable du Blog du Prix. Leurs réactions à chaud.

swissinfo.ch: Un mot sur Alexandra Valavanis…

Bénédicte Jarrasse: Je me contenterai de dire que c’est pour moi une surprise. Parmi les 73 candidats sélectionnés cette année au départ, il y avait deux Suisses: une fille, un garçon. Ce n’est pas elle que j’aurais forcément choisie si j’étais membre du jury.

Claude Ratzé: Je ne veux pas me montrer méchant, mais je n’ai pas trouvé chez elle un talent hors normes. Elle n’est pas pire ou mieux que les autres. Trop formatée à mon goût. Le jury a ses raisons, des raisons que je ne m’explique pas. Mais bon… disons que c’est déjà très bien qu’elle soit allée en finale. Bien sûr, j’aurais souhaité la voir aussi exceptionnelle que le lauréat du Prix de la Bourse, un Argentin de 18 ans…

swissinfo.ch: … oui, Cristian Emanuel Amuchastegui. En quoi vous a-t-il séduit ?

C. R.: Il est charmant et possède déjà un savoir-faire. Ce garçon sait entretenir une très bonne relation avec le public. Sa variation contemporaine, il l’a interprétée torse nu et en caleçon. C’est très important pour la danse, surtout contemporaine, où l’on vous demande de puiser dans votre imagination, dans vos propres émotions. Tout le contraire du classique où tout est codifié.

B. J.: Sa variation classique était impressionnante, car très bien maîtrisée techniquement. Il a d’ailleurs séduit tout le monde puisqu’il a reçu également le Prix du public. C’est quelqu’un qui vous donne le frisson, car outre son talent, il sait aussi communiquer avec une salle.

swissinfo.ch: Pour cette 38e édition, les garçons étaient plus nombreux que les filles. Qu’est-ce que cela traduit ?

B. J.: Les garçons, ils étaient là sur le papier; ils ont suivi, c’est tout. Il faut croire qu’ils avaient cette année des personnalités plus saillantes que celles de leurs consœurs. Ils ont su se montrer plus inventifs, ou plutôt plus hétérogènes que les filles dont les interprétations étaient répétitives. En clair, les danseuses se ressemblaient toutes, aussi bien dans leur silhouette que dans leur technique trop soumise aux codes, trop corsetée.

C. R.: Cela traduit une bonne ouverture d’esprit. Ceci dit, les filles sont plus difficiles à juger. J’ai trouvé qu’elles se ressemblaient toutes. Il n’est donc pas aisé de déceler chez elles la subtilité, la particularité. On observe, en revanche, davantage de diversification chez les garçons, moins enfermés dans des règles.

swissinfo.ch: Il y avait moins d’Européens sélectionnés cette année que d’Asiatiques, de Latinos ou d’Américains. Faut-il s’en alarmer ?

C. R.: Pas du tout, je suppose que le Prix de Lausanne a des réseaux plus développés dans certains pays d’Asie ou d’Amérique, ce qui permet à leurs ressortissants d’être présents en nombre au concours. Mais bon… un des responsables du Prix saura sans doute mieux répondre que moi à cette question.

B. J.: Il est vrai que la participation asiatique était très forte cette année. Maia cela est dû à un état d’esprit des candidats. Vous savez, les Chinois ou les Japonais sont fabriqués pour gagner des concours. Dans leurs écoles, ils bossent comme des fous. Les candidats européens, eux, sont, je dirais, moins animés par l’esprit de compétitivité.

Wim Broechx, Président de la commission artistique du Prix, disait récemment que «les Européens sont des enfants gâtés». J’ajouterai que pour les Asiatiques, et même pour les Américains, ce Prix est un formidable tremplin car il leur permet de rejoindre l’Europe, d’entrer, de se perfectionner et plus tard de travailler au sein de nos meilleures compagnies. Après tout, le ballet est un art européen, c’est ici qu’il est né.

Ghania Adamo, swissinfo.ch

Créé en 1973, le Prix de Lausanne est un concours international pour jeunes danseurs non professionnels (encore en formation) entre 15 et 18 ans.

Il se tient toutes les années, au mois de janvier, à Lausanne et représente une plateforme de découverte pour les professionnels de la danse. Son objectif est de repérer, promouvoir et aider les meilleurs talents du monde.

Son jury, international, se compose de 9 personnes.

Une soixantaine de prestigieuses écoles et compagnies de danse mondiales sont associées au Prix de Lausanne et soutiennent son activité. Un soutien est également apporté par de nombreux sponsors et mécènes, banques et multinationales, entre autres.

Pour l’édition 2010, 73 candidats, sur 226, ont été sélectionnés. Parmi eux deux Suisses, une fille et un garçon. Vingt nationalités sont représentées cette année.
Vingt candidats sont retenus pour la finale. Ils doivent exécuter des variations de danse classique et contemporaine.
Les lauréats, au nombre de six ou sept, reçoivent des bourses de formation.

Prix de la Bourse:
Cristian Emanuel Amuchastegui, Argentine
Francisco Mungamba Reina, Espagne
Mariko Sasaki, Japon
Caitlin Stawaruk, Australie
Aaron Sharratt, Etats-Unis
Christopher Evans, Etats-Unis
Lewis Turner, Grande Bretagne

Prix d’interprétation contemporaine:
Lewis Turner, Grande Bretagne

Prix du public:
Cristian Emanuel Amuchastegui

Prix du Meilleur Suisse:
Alexandra Valavanis

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