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Le Centre culturel suisse de Paris célèbre 30 ans de «laboratoire»

Le conseiller fédéral Alain Berset (au centre de l'image) a participé activement au lancement des festivités du 30e anniversaire du Centre culturel suisse de Paris. Simon Letellier / CCS, Paris

Presque trois mois d’exposition et de festival, 46 artistes programmés et pour finir un grand livre bilan: le Centre culturel suisse de Paris a vu grand pour célébrer ses 30 ans.

Vendredi soir, sur le coup de 20h, l’artiste appenzellois Roman Signer tirait un coup de canon sur une pauvre petite tente de camping, sous le regard médusé du conseiller fédéral Alain Berset et du président de Pro Helvetia Charles Beer. La tente terminait sa course contre le mur gris du Centre culturel suisse de Paris (CCSP) Lien externeet une immense fumée remplissait la salle d’exposition. Mauvaise blague d’un sculpteur formé dans les turbulentes années 1970? Non, début des festivités du trentième anniversaire.

Le CCSP

Le Centre culturel suisse de Paris est situé 32-38 rue des Francs-BourgeoisLien externe, au cœur du quartier du Marais, dans l’Hôtel Poussepin. Il appartient à la Fondation suisse pour la culture Pro HelvetiaLien externe, dont le siège est à Zurich et qui est présidée par le Genevois Charles Beer. Avec un budget global d’environ 2 millions de francs le CCSP finance chaque année trois programmes pluridisciplinaires. Créé en 1985, il a d’abord été dirigé par Otto Ceresa (1986-1988). Walter Düggelin lui a succédé (1988-1990), puis Daniel Jeannet (1990-2002), Michel Ritter (2002-2007) et la paire Jean-Paul Felley-Olivier Kaeser.

Car la «performance»Lien externe est au cœur de l’expo des 30 ans. Un genre dans lequel les Suisses s’illustrent depuis un bon demi-siècle. Depuis les machines autodestructrices exposées par Jean Tinguely en 1960 dans les jardins du Musée d’art moderne de New York. Ou l’«Exposition de 7 minutes jusqu’à ce que l’œuf soit dur» de Daniel Spoerri.

Art visuel? Art vivant? Un mélange des deux. «Nous avons voulu les traiter sur le même plan», affirment en chœur les deux codirecteurs du CCSP, Jean-Paul Felley et Olivier Kaeser. Dans la grande salle du centre, les classiques de la performance sont présentés sous forme de photos ou de vidéos que l’on peut découvrir à l’horizontale, sur des caisses en plastique.

La boucle est bouclée

Certains n’ont pas pris une ride: notamment le génial «Numéro 10» de Massimo Furlan, où l’artiste rejoue dans un stade vide la demi-finale France-Allemagne du mondial de football de 1982. A côté de ces «archives», de nombreux artistes viendront présenter des performances au cours de douze «focus» qui s’étaleront sur les trois mois de l’expo. On y verra par exemple Dieter Meier, l’ex-chanteur de Yello et performer récidiviste, se produire avec le groupe Out of Chaos.

Peter Fischli et David Weiss, «sans doute les artistes suisses les plus célèbres au monde», note Jean-Paul Felley, feront aussi partie de l’expo trentenaire. Ainsi, la boucle est bouclée: c’est en effet par une exposition du fameux binôme qu’avait démarré le CCSP, en septembre 1985. «Et dire qu’ils seront l’année prochaine au Guggenheim Museum de New York», souligne Jean-Paul Felley, en hommage au flair de ses prédécesseurs.

Trente ans, l’âge de raison? En six ans de direction, Jean-Paul Felley et Olivier Kaeser ont gardé de l’ère précédente, sous la férule de Michel Ritter, décédé en 2007, le positionnement très art contemporain. Mais ils ont arrondi les angles. Fini les expos chocs, type «Swiss-Swiss Democracy»: en 2004, l’artiste Thomas Hirschhorn s’en prenait à la Suisse version Christoph Blocher, alors conseiller fédéral. Une expo perçue jusqu’à Berne comme bien trop politique.

L’attitude est moins combattante, plus centrée sur le travail de l’artiste, plus raffinée aussi, comme en témoigne le très beau journal du CCSP, Le Phare. Trop sage? Trois mois de PerformanceProcess donneront une bonne indication sur l’esprit polémique du centre.

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Un centre pas comme les autres

«Avec ses 40’000 visiteurs par an, le CCSP est bien ancré dans le paysage culturel parisien, se félicite le patron de Pro Helvetia, Charles Beer. Ce n’est pas une tomate hors sol. Contrairement à la plupart des centres culturels européens, il n’est pas chargé de faire la promotion du patrimoine national et sa programmation est indépendante», ajoute l’ancien conseiller d’Etat (ministre) genevois.

Avant sa visite à Paris, Alain Berset, chef du Département fédéral de l’IntérieurLien externe, chargé de la culture, s’est rendu à Aarau, pour la Fête de la musique populaire. Deux événements inconciliables? «Au contraire: cette manifestation traditionnelle et l’exposition du Centre culturel suisse de Paris font partie d’un même ensemble, la culture helvétique, affirme le conseiller fédéral. Oui, le CCSP est un laboratoire. Mais la culture, comme l’industrie, a besoin d’un secteur consacré à la recherche.»

Des personnalités du monde politique et culturel, dont le ministre de la Culture Alain Berset (3e depuis la droite) étaient réunies à Paris pour le lancement des festivités du 30e anniversaire du Centre culturel suisse. Simon Letellier / CCS, Paris

Avenir assuré

Installé depuis trente ans dans l’hôtel Poussepin, entre les Archives nationales et la Place des Vosges, dans le quartier touristique du Marais, le CCSP n’a pas trop de soucis à se faire pour son avenir proche. Adopté en juin dernier par le Parlement, le Message Culture 2016-2020 accroît en effet les moyens de Pro Helvetia. «Nous allons ouvrir de nouvelles antennes culturelles, ou bureaux de liaison, probablement à Londres, Berlin ainsi qu’en Amérique latine», assure Charles Beer.

Côté bilan, le centre publiera le 13 décembre un ouvrage de 444 pages retraçant trente années de foisonnement culturel. Avec notamment les portraits de trente artistes qui sont passés par l’hôtel Poussepin, dont Nicolas Bouvier, Robert Frank, Christoph Marthaler et Thomas Hirschhorn.

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