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Procès du siècle pour un banquier suisse

Josef Ackermann, directeur exécutif de la Deutsche Bank, est en mauvaise posture. swissinfo.ch

Directeur exécutif de la Deutsche Bank, le banquier Josef Ackermann doit répondre, entre autres, de gestion déloyale qualifiée.

Son procès s’ouvre, mercredi à Düsseldorf en Allemagne. Il devrait se prolonger jusqu’au mois de juin.

Considéré comme le procès le plus spectaculaire de l’après-guerre en Allemagne, l’affaire devrait avoir des répercussions importantes sur le fonctionnement de la gouvernance d’entreprise dans ce pays.

Pour Josef Ackermann, considéré comme l’un des meilleurs produits du monde bancaire helvétique, c’est aussi le début de six mois d’une procédure qui s’annonce épuisante.

Le banquier devra en effet comparaître à 40 occasions, ce qui va l’occuper en moyenne deux jours par semaine.

Si, de toute évidence, diriger l’une des plus importantes banques européennes n’est pas une sinécure, ce procès pourrait en outre jeter le discrédit sur la carrière du banquier, longtemps considérée comme exemplaire.

L’accusation

Parmi les six accusés, des anciens managers de Mannesmann, Josef Ackermann, administrateur du géant allemand des télécommunications, est le plus illustre.

Tous doivent répondre d’abus de confiance lors de l’OPA hostile lancée sur la société allemande par le britannique Vodafone en 2000, pour la somme de 280 milliards de francs suisses.

Ils doivent également répondre du versement aux managers de Mannesmann de «primes de reconnaissance» et de bonus de retraite totalisant plus de 90 millions de francs.

La vente a permis de doper l’expansion globale de Vodafone, mais certains l’ont considérée comme le bradage de l’un des plus anciens fleurons de l’industrie allemande.

Le procureur souhaite particulièrement savoir pourquoi Klaus Esser, à l’époque directeur exécutif de Mannesmann, a empoché une prime de 45 millions de francs suisses, alors qu’il s’était opposé à l’offensive de Vodafone.

Il y a six autres chefs d’accusations, dont les experts disent qu’ils dépendent de l’interprétation que fera la cour d’un paragraphe du code pénal allemand.

Il s’agit de la définition de l’«abus de confiance» («Untrue» en allemand), ou atteinte au «devoir fiduciaire», terme qui est à la source d’innombrables désaccords.

Mais la question clé est de savoir si les dirigeants de Mannesmann ont failli à leur devoir de protéger les intérêts de la société et de ses actionnaires.

Enjeux importants

S’il est jugé coupable, Josef Ackermann risque jusqu’à dix ans d’emprisonnement et la fin de sa carrière bancaire en Allemagne.

Récemment, le magazine allemand Der Spiegel a désigné comme «le banquier au sourire de Robert Redford», celui qui a bâti sa réputation sur un style «à l’américaine».

Né à Mels, dans le canton de Saint-Gall, il est titulaire d’un doctorat de sciences économiques et sociales de l’université de son canton. Entré au Credit Suisse en 1977, il a travaillé aux Etats-Unis, à Zurich et à Londres.

Il est devenu directeur exécutif de la seconde banque suisse en 1993, avant de perdre sa position lors de la restructuration de 1996. La même année, il rejoignait la Deutsche Bank, dont il prit la tête en 2002, devenant une figure de premier plan en Allemagne.

«C’est un chevalier de l’industrie à une époque où les banques allemandes luttent pour faire de l’argent dans un marché miné par les dettes et des obstacles structurels», commentait le Financial Times la semaine dernière.

Récemment, Josef Ackermann a déclaré que ce procès risquait de ternir à la fois son image personnelle et celle de l’Allemagne.

swissinfo, Jacob Greber à Zurich
(Traduction: Isabelle Eichenberger)

– Josef Ackermann, 55 ans, est directeur exécutif et président de la Deutsche Bank. Il est accusé de gestion déloyale qualifiée.

– Le verdict devrait avoir d’importantes répercussions sur la gouvernance des entreprises en Allemagne.

– Le procès concerne l’OPA hostile du britannique Vodafone sur le groupe Mannesmann en 2000.

– Josef Ackermann, administrateur de Mannesmann, et cinq anciens dirigeants de l’entreprise allemande sont accusés d’avoir lésé les intérêts des actionnaires en approuvant la reprise.

– L’affaire porte sur le versement de «primes de reconnaissance» atteignant 90 millions de francs suisses en faveur des dirigeants de l’entreprise après sa reprise.

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