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Procès d’un agent du Mossad: les enjeux du verdict

Une des preuves présentées lors du procès: l'équipement d'enregistrement que l'agent du Mossad avait tenté d'installer dans la résidence d'un Suisse d'origine libanaise, en 1998. Keystone

Les avocats de l'agent du service de renseignements israélien jugé à Lausanne par la Cour pénale fédérale ont plaidé l'acquittement. De son côté, l'accusation, a réclamé la prison ferme. Le verdict doit tomber vendredi.

Le procureur de la Confédération a requis contre l’accusé 15 mois de prison ferme et 5 000 francs suisses (3100 dollars) d’amende. Selon Felix Baenziger, l’agent du Mossad est coupable d’activités illégales, d’espionnage et de falsification de documents.

La défense, elle, a plaidé l’acquittement. Les avocats ont justifié une telle mesure en déclarant, entre autre, que leur client avait agi pour prévenir des actions terroristes contre Israël.

Le tribunal fédéral de Lausanne doit donc trancher vendredi. Mais avant même que le verdict ne soit tombé, le procès a déjà eu un premier impact. Les agents du Mossad ont manifesté leur colère contre leur patron, le Premier ministre Ehud Barak. Ils accusent le chef de gouvernement israélien de les avoir laissé tomber en envoyant l’un des leurs se faire juger en Suisse.

Un verdict clément des juges suisses arrangerait très certainement les affaires du Premier ministre israélien. Bien que l’acquittement pur et simple de l’agent du Mossad paraisse peu probable. L’accusé a, en effet, reconnu les faits qui lui sont reprochés. Et côté israélien, on s’attend plutôt à une peine avec sursis.

Mais cette condamnation-là poserait un sérieux problème de droit. Car, précise l’avocat genevois Dominique Poncet, l’octroi d’un sursis repose sur l’évaluation de la personnalité de l’accusé. Or, tout au long du procès de Lausanne, l’identité de l’agent du Mossad est demeurée secrète.

Cet anonymat remet d’ailleurs en question le principe même d’un jugement. Le droit pénal suisse juge en effet des personnes et non des faits. Mais, ajoute Dominique Poncet, ce n’est pas une première pour la justice suisse qui doit faire face à un tel problème lorsqu’elle se trouve face à des étrangers sans papier d’identité. Les juges fédéraux peuvent donc bel et bien condamner l’agent du Mossad.

Cela dit, la marge de manoeuvre de la Cour pénale fédérale est très étroite. En prononçant un verdict trop clément, voire en acquittant l’accusé, elle donnerait l’impression d’avoir plié devant la raison d’Etat. Et, en suivant le réquisitoire du procureur de la Confédération, elle risque de heurter les autorités israéliennes et leur service de renseignements.

Reste une option qui ménagerait toute les parties: le président du tribunal pourrait en effet prononcer une peine de deux mois de prison ferme. Qui correspond à la durée durant laquelle l’accusé a été placé en détention préventive en 1998.

Avec un tel verdict, la crédibilité de la Cour pénale fédérale ne serait pas entamée. Et l’agent du Mossad pourrait retourner immédiatement en Israël. Quant aux relations bilatérales entre la Suisse et Israël, elles sortiraient intactes de toute cette affaire.

Frédéric Burnand

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