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Procès Swissair: toujours la même stratégie

Lukas Mühlemann (à droite) et son avocat Bernhard Gehrig. Keystone

Les jours se suivent et se ressemblent au procès de Bülach. Jeudi, l'avocat de l'ex-patron du Credit Suisse Lukas Mühlemann a pris sept heures pour conclure à l'acquittement de son client.

Comme les défenseurs qui avaient plaidé avant lui, Me Bernhard Gehrig s’en est pris violemment à l’acte d’accusation, qu’il juge «manifestement infondé».

Pour Me Gehrig, l’acte d’accusation représente la suite logique de l’enquête, qui avait déjà laissé apparaître «de réelles insuffisances, tant qualitatives que quantitatives».

Et l’avocat de Lukas Mühlemann de dénoncer ce qu’il tient pour une violation des principes d’accusation: dans son plaidoyer, le Ministère public a, selon lui, évoqué des chiffres différents de ceux consignés dans l’acte d’accusation.

Selon Me Gehrig, ni le procureur ni les représentants des lésés n’ont d’expérience dans la gestion d’une entreprise. Ils n’ont donc «pas de leçons à donner» dans ce domaine.

La faillite impossible

L’accusation doit décrire le plus précisémment possible le dommage subi, a encore argumenté l’avocat. Or, le Ministère public n’indique pas quelles auraient été les conséquences d’un dépôt de bilan de la filiale SAirLines sur le groupe.

Pour Me Gehrig, si ces compagnies aériennes avaient été mises en faillite, les autres filiales – SAirLogistics, SAirServices et Flightlease – n’auraient pu survivre.

Devant un public dont les rangs se sont éclaircis au fil de sa plaidoirie-marathon, l’avocat a aussi rejeté l’affirmation selon laquelle SAirGroup et SAirLines auraient été surendettés en mars 2001.

L’organe de révision n’a rien décelé en auditant les résultats de l’année 2000. Sur la base des réserves disponibles de 3 milliards de francs, le conseil d’administration était en droit d’entreprendre un assainissement en mars 2001 pour permettre au groupe de poursuivre ses activités, a argumenté Me Gehrig.

A ce moment, aucun administrateur n’envisageait la disparition de la compagnie. Ainsi en avril 2001, Lukas Mühlemann a acquis 1000 actions du groupe, pour 129’000 francs, a révélé son défenseur, pour qui il n’aurait pas agi de la sorte s’il était conscient que SAirGroup pouvait faire faillite.

Me Gehrig a jugé absurde le reproche selon lequel il fallait demander le sursis concordataire pour SAirLines en mars 2001. Une telle décision aurait selon lui entraîné la faillite de l’ensemble du groupe, avec à la clef des dommages considérables pour les créanciers.

La faute aux attentats

Pour l’avocat, les dommages causés aux créanciers ne reflètent en aucun cas les décisions et agissements du conseil d’administration en mars 2001. Ils sont dûs aux attentats du 11 septembre, qui ont frappé les capacités opérationnelles du groupe et sensiblement réduit la valeur des ses sociétés annexes.

Dans une déclaration personnelle, Lukas Mühlemann a regretté la disparition d’emplois tout comme les pertes financières et émotionnelles consécutives à la déconfiture du groupe.

Selon l’accusation, les ex-administrateurs de SAirGroup auraient lésé les créanciers en décidant de restructurer SAirLines tout en la sachant surendettée. Ils seraient aussi coupables de gestion déloyale en raison d’un versement de 150 millions d’euros à Sabena, la compagnie belge.

Me Gehrig a estimé quant à lui que ce paiement était de l’intérêt du groupe dans son ensemble et qu’une liquidation de Sabena aurait conduit à d’importants dommages.

Le Ministère public a requis à l’encontre de Lukas Mühlemann sept mois de prison, assortis d’une peine pécuniaire de 540’000 francs avec sursis durant trois ans, et une amende de 10’000 francs.

Agé de 56 ans, l’homme qui dirigea le Credit Suisse de 1997 à 2002 a siégé au conseil d’administration de Swissair de mai 1995 à octobre 2001.

Suite lundi

Vendredi matin, l’avocat de l’ex-administrateur de SairGroup Thomas Schmidheiny a lui aussi demandé l’acquittement pour son client. Il a estimé que l’acte d’accusation était peu clair et prêtait à confusion.

Le Ministère public avait requis une peine de 8 mois de prison, assortie d’une peine pécuniaire de 180 jours à 3000 francs, soit 540 000 francs, avec sursis pendant trois ans, et une amende de 10’000 francs.

Les plaidoiries de la défense se poursuivront lundi.

swissinfo et les agences

Le procès de la débâcle du groupe Swissair a commencé le 16 janvier devant le Tribunal de district de Bülach et dure jusqu’au 9 mars. La comparution des 19 accusés s’est terminée le 5 février.

Les audiences sont publiques. La salle communale de Bülach peut accueillir jusqu’à 1500 personnes. La date de publication du verdict n’est pas arrêtée.

L’acte d’accusation occupe une centaine de pages. Les actes du dossier remplissent 4150 classeurs.

Le Ministère public zurichois a auditionné plus de 300 personnes pendant 40’000 heures et a ordonné vingt perquisitions.

Une première version de l’acte d’accusation, publiée de 30 mars 2006, avait été rejetée par la cour pour insuffisances. La version retravaillée a été rendue durant l’été et publiée début janvier.

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