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Procès UBS: un accord est possible, mais improbable

Keystone

Le procès qui devait s'ouvrir lundi à Miami a été reporté jusqu'au 3 août, le temps de trouver une solution négociée. Pour le fiscaliste américain Scott Michel un tel accord serait «extrêmement inhabituel», mais possible au vu des intérêts américains de politique étrangère.

Le juge du Tribunal de district de Miami Alan Gold a accepté lundi la requête commune d’UBS et du Département américain de la justice de reporter le procès civil sur la remise d’informations concernant 52’000 comptes. Les deux parties ont jusqu’au 3 août pour trouver un accord extrajudiciaire. Mais selon Scott Michel, un accord semble improbable.

swissinfo.ch: Il y a moins d’une semaine, le juge fédéral chargé du dossier UBS, Alan Gold, a demandé au gouvernement américain s’il était disposé à saisir les biens de la banque aux Etats-Unis. Comment interprétez-vous cette question?

Scott Michel: Cette question est sans précédent. Mon sentiment est qu’il discerne une certaine incertitude de la part du gouvernement des Etats-Unis. D’un côté, celui-ci adopte une ligne dure dans la procédure juridique. De l’autre, il y a ces rumeurs de résolution diplomatique du contentieux. en fait, le juge essaie de savoir si Washington veut vraiment poursuivre cette affaire en justice. Il ne veut pas rendre une décision que l’Exécutif n’appliquerait pas.

swissinfo.ch: Il y a aussi cette déclaration de Kaspar Villiger, patron d’UBS et ancien président de la Confédération, qui estime que le différend est devenu une affaire d’Etat à Etat, plus seulement entre sa banque et le service américain des impôts (IRS).

S. M.: C’est certainement ce que les Suisses espèrent. Ce qui se passe, c’est que la question posée au gouvernement américain par le juge a sans doute capté l’attention de Washington une fois pour toutes par rapport à cette affaire et provoqué des discussions au plus haut niveau.

swissinfo.ch: Quelles sont les chances d’un règlement extrajudiciaire, solution évoquée par Hans-Rudolph Merz, le ministre suisse des Finances ?

S. M.: On peut très bien comprendre qu’à un certain point, les parties veuillent négocier un accord. Mais nous sommes face à des positions inconciliables. Le gouvernement américain veut les noms des clients d’UBS, ce que Berne considère comme une atteinte au droit suisse. Il n’y a pas de milieu.

Je serais surpris si l’IRS abandonnait, même si UBS acceptait de payer une amende. Pour celà, il faudrait que le gouvernement américain ait conclu, sur la base de sa politique étrangère, qu’il a un intérêt suprême à régler l’affaire à l’amiable. Ceci dit, si le règlement extrajudiciaire est négocié par le ministère américain de la Justice et l’IRS, ils insisteront pour avoir au moins certains noms. Par contre, si la négociation est menée par le ministère des Affaires Etrangères ou la Maison Blanche, il se peut qu’aucune divulgation supplémentaire ne soit exigée.

swissinfo.ch: Que pensez-vous de la déclaration du ministère suisse de la Justice qui se dit prêt à saisir la liste des 52’000 titulaires de comptes d’UBS, si le juge Gold ordonne la révélation de leur identité?

S. M.: C’est important. En cas de procès, le juge peut prendre le parti du gouvernement américain et ordonner à la banque de livrer les noms. Mais un tel ordre n’est appuyé par aucune sanction, si bien qu’UBS aurait le loisir d’obéir ou non. Si c’est non, l’IRS peut introduire une motion pour outrage à la Cour. C’est là qu’UBS pourrait sortir la déclaration du ministère suisse de la Justice et se déclarer dans l’impossibilité d’obtempérer parce que sa liste de clients est saisie par Berne.

C’est un mécanisme de défense parfaitement légitime. Ce que le gouvernement suisse fait, c’est donc d’aider UBS en lui évitant d’être pénalisée, même si elle n’obéit pas à une injonction du magistrat américain. Dans ce cas, l’IRS aurait alors gagné une bataille en obtenant une injonction, mais perdu la guerre en n’obtenant pas les noms.

swissinfo.ch: En même temps, la ministre suisse de l’Economie, Doris Leuthard, évoque la possibilité d’une amende pour UBS…

S. M.: La stratégie du gouvernement suisse et d’UBS est double. La banque signale qu’elle est prête à indemniser le gouvernement américain pour l’erreur commise en matière d’évasion fiscale. Mais elle n’est pas prête à dévoiler les noms de ses clients et, de toute façon, elle ne le pourrait pas même si elle le voulait, parce que le gouvernement suisse va saisir sa liste.

swissinfo.ch: Est-il fréquent aux Etats-Unis de voir un procès se transformer en accord extrajudiciaire?

S. M.: Oui. On peut négocier un accord avant, pendant et même après un procès et une décision judiciaire. Mais c’est très rare quand l’IRS demande une injonction à la justice. Un accord extrajudiciaire serait extrêmement inhabituel dans une telle affaire, où l’IRS veut obtenir une sommation pour obliger la banque à livrer les noms de ses clients et où il n’y a pas de demande d’indemnité ou de poursuites au pénal.

swissinfo.ch: L’affaire UBS ternit-elle l’image de la Suisse aux Etats-Unis?

S. M.: Je passe beaucoup de temps en Suisse. J’y ai des amis. J’ai des sentiments chaleureux envers ce pays. De mon point de vue personnel, j’estime que les Suisses font ce qu’ils pensent devoir faire. Cette affaire revêt une grande importance pour leur place financière. Aux Etats-Unis, certains considèrent que la Suisse veut protéger son statut de paradis fiscal. Moi, je crois que c’est plus une question d’importance économique pour la Suisse, pas nécessairement vitale, mais extrême.

Marie-Christine Bonzom, Washington, swissinfo.ch

Employés: 27’362.

Nombre de sites: 414.

Masse sous gestion: 600 milliard de francs, soit environ un tiers du poids de la banque dans le monde.

En février dernier, les autorités fiscales américaines (IRS) ont déposé une plainte auprès du tribunal du district de Miami, pour que celui-ci décide s’il faut obliger ou non UBS a fournir la liste de 52’000 clients soupçonnés de fraude fiscale.

Soutenue par les autorités suisses, UBS exige que l’IRS lui donne d’abord les noms des éventuels fraudeurs sur lesquels elle demande des informations.

Officiellement pour la Suisse, la plainte est contraire aux accords de double imposition en vigueur avec les Etats-Unis.

Berne a affirmé qu’elle poursuivrait UBS si la banque communiquait les 52’000 noms à l’IRS.

Scott Michel est un avocat américain spécialiste du droit fiscal.

Il représente une centaine de clients d’UBS aux Etats-Unis.

Il occupe la présidence tournante de Caplin & Drysdale, un cabinet juridique réputé de Washington, et figure au classement des «Meilleurs Avocats Américains» en 2008 et 2009.

Il est souvent appelé à consulter ou donner des conférences à Zurich et Genève.

Outre les représentants d’UBS, le procureur Stuart Wilson entendra également trois hauts-fonctionnaires fédéraux venus à Miami pour défendre le point de vue de la Confédération.

Il s’agit de Rudolf Wyss, directeur suppléant de l’Office fédéral de la justice, d’Urs Zulauf, directeur juridique de la Finma, et d’Eric Hess, de l’administration fédérale des contributions.

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