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Programme d’armement: la situation est bloquée

Keystone

Avec des partis qui campent sur leurs positions, le programme d'armement 2008 du Gouvernement semble bon pour la corbeille. La gauche serait prête à un compromis, mais le centre-droit n'en veut pas. Quant aux nationalistes, ils veulent d'abord la tête de leur ex-ministre Samuel Schmid.

Sans surprise, le ministre de la défense a perdu la partie devant le Conseil national (Chambre basse). Par 104 voix contre 83 et 6 abstentions, les députés ont rejeté mercredi matin les 917 millions de francs du programme d’armement 2008.

Ce sont les voix cumulées de l’UDC (droite nationaliste) et de la gauche qui ont torpillé le projet, bien que les raisons des deux camps soient fort différentes..

Pour le Parti socialiste, ce programme serait acceptable à condition qu’on en retranche les 404 millions destinés à la modernisation des avions de combat F/A-18.

Le parti à la rose rappelle qu’il a toujours été en faveur d’une armée plus petite et plus efficace, orientée vers les menaces actuelles. Il est donc ouvert à des discussions avec les démocrates-chrétiens (PDC) et les radicaux (PRD), afin de trouver une solution.

«On doit vraiment réfléchir sur comment construire un projet d’armée qui trouve un consensus minimal, auquel les socialistes sont prêts à participer», confirme à swissinfo le député Carlo Sommaruga.

Pas de compromis possible

Mais au centre-droit, on ne veut pas entendre parler de compromis. Pour le président du PDC Christophe Darbellay, seuls son parti et le PRD soutiennent – avec le Gouvernement et le peuple – une politique de sécurité «crédible contre les menaces, notamment terroristes».

Même son de cloche chez les radicaux. Si le Conseil des Etats (Chambre haute), où il va passer maintenant, accepte ce programme et qu’il revient au National, le PRD le revotera en bloc, assure son président Fulvio Pelli.

«Les dés étaient quasiment pipés, explique à swissinfo le PDC Maurice Chevrier. Nous avons été minorisés, et nous l’assumerons. Mais ceux qui portent la responsabilité de ce refus devront l’assumer aussi».

«La sécurité est l’emblème de ce pays. Et le fait qu’on puisse s’en amuser à des fins strictement de politique politicienne est quelque part inquiétant», poursuit le député, pointant du doigt le camp UDC, qui refuse aujourd’hui le programme d’armement après l’avoir accepté en commission.

Qui veut la peau de Samuel Schmid ?

Chez les nationalistes en effet, on a d’abord voulu donner une leçon à Samuel Schmid, après l’avoir exclu des rangs de l’UDC. Le parti ne lui pardonne pas d’avoir, en décembre 2007, accepté son élection au Gouvernement alors que les Chambres renvoyaient le leader historique Christoph Blocher à la maison.

Bien sûr, on ne dit pas les choses aussi crûment. L’UDC Hans Fehr parle à swissinfo de «graves fautes dans la conduite» et de «conception erronée» d’une armée «qui veut toujours envoyer ses soldats à l’étranger».

Un désaveu pour Samuel Schmid tout de même ? «Oui, admet le député, qui est également lieutenant-colonel de milice. Mais en second lieu seulement. Nous voulons une armée prête à combattre les menaces actuelles et qui sache aussi défendre le pays en cas d’urgence. Et aujourd’hui, cette capacité n’est pas là. Nous voulons un changement, une mission claire pour l’armée, et avec Schmid, ça ne va pas. Donc, il faut changer Schmid».

Pas de démission

«Samuel Schmid va devoir se demander s’il peut encore gouverner, amener un projet en sachant que ses anciens amis font de l’opposition systématique», estime quant à lui le PDC Maurice Chevrier.

Pour Carlo Sommaruga, le ministre de la défense devrait plutôt «se poser la question de ce qu’il a pu faire de la réforme globale de l’armée tout au long de ses années au pouvoir». Le député socialiste juge en effet que Samuel Schmid «n’a pas réussi à mener cette réforme de manière claire». Et surtout, qu’il n’a «pas réussi à convaincre».

Quant à l’intéressé, il dit vouloir continuer à se battre pour son programme d’armement. La démission ? Samuel Schmid admet y avoir pensé, mais pour l’heure, «elle n’est pas une option».

swissinfo et les agences

Ce n’est pas la première fois que l’armée suisse fait les frais de coalitions contre nature entre nationalistes de l’UDC, socialistes et Verts.

En automne 2006, la même constellation politique avait fait échouer le projet de refonte de la réforme Armée XXI au Parlement. Un an plus tôt, le programme d’armement 2006 avait rencontré un front d’opposition identique. Et lors de la session d’été, les mêmes camps avaient rejeté l’obligation pour les soldats d’effectuer un cours de répétition à l’étranger.

En 2001 par contre, l’UDC, l’Action pour une Suisse indépendante et neutre et le Groupe pour une Suisse sans armée avaient échoué devant le peuple. Malgré leur opposition commune, les citoyens avaient accepté d’armer les soldats en mission de paix à l’étranger.

Dans un autre domaine, les tenants de l’isolationnisme et les forces roses-vertes ont pesé de tous leurs poids pour faire échouer l’entrée de la Suisse dans l’espace économique européen (EEE) en 1992.

Ces alliances contre-nature entre l’UDC et la gauche sont plus fréquentes ces dernières années, constate une étude publiée en 2006 par l’Institut de sciences politiques de l’Université de Berne.
Mais si l’on considère l’ensemble des décisions politiques prises en Suisse, leur rôle reste relativement marginal.

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