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Prostitution: Zurich engrange quelques succès

A Zurich, la prostitution a quitté la rue pour les salons. Keystone

En rachetant des immeubles à la pègre ou en cautionnant les rachats, la municipalité rose-verte tente de redonner vie au quartier passablement sinistré de la Langstrasse.

Des «salons» ont plié bagages. Mais le nombre de prostituées augmente.

C’est un vrai travail de Sisyphe que le Zurichois Rolf Vieli a choisi. Il est en effet le chef du projet «Langstrasse Plus», qui vise à rendre une vie «normale» possible dans un quartier – la Langstrasse – gangrené par la drogue et la prostitution.

Or, les succès engrangés ne sont jamais définitifs. «Les bandes criminelles changent constamment de tactique», répète-t-il, à l’unisson avec la municipale chargée de la police Esther Maurer.

Ce projet municipal, lancé en 2001, se base tant sur une lutte policière contre le trafic de drogue et la prostitution illégale que sur la création de meilleures conditions de vie pour la population.

Nombreuses nuisances



Lundi, la municipalité a présenté un bilan encourageant. «Nous ne maîtrisons de loin pas tout, a déclaré Esther Maurer, mais nous empêchons la situation de se détériorer.»

La socialiste a souligné que des améliorations n’étaient possibles qu’avec le soutien des habitants, de ceux qui restent et qui aiment le quartier.

La vie, le long de cette «Langstrasse» qui traverse deux arrondissements (4 et 5) et passe sous les voies de chemin de fer juste avant l’arrivée à la gare principale, n’a pourtant toujours rien d’une sinécure.

La population résidente, quelque 40’000 personnes, y diminue d’ailleurs depuis dix ans et la ville table sur une baisse continue pour les vingt prochaines années. Les clients des prostituées et des trafiquants de drogue y génèrent des nuisances quasi constantes.

Un «marché» en progression



Plus de 3000 prostituées sont enregistrées en ville de Zurich et ont le droit d’exercer dans les quartiers où la population forme moins de 50% des locataires et dans certaines rues précises, dont la Langstrasse, ironie des choses, ne fait d’ailleurs pas partie.

La police estime le nombre d’illégales à plusieurs centaines, une estimation forcément très approximative.

Indicateur plus fiable de la progression incessante de ce marché: 513 nouvelles «recrues» ont été enregistrées (dont 30 hommes) à Zurich en 2003, un record. L’année précédente, 467 nouvelles venues s’étaient déclarées, contre 364 en 2001.

Dans toute la Suisse, le nombre de prostituées est estimé à 11’500, dont la moitié travaillent illégalement.

Le chiffre global est trois fois plus élevé qu’il y a dix ans, selon une enquête du magazine «Cash» (5.2.04), qui estime le chiffre d’affaires du marché du sexe à deux milliards de francs par an.

Pas de ghettoïsation



Zurich, comme l’a répété la municipalité lundi, n’est pas favorable à une stratégie qui limiterait l’exercice de la prostitution à un ou deux quartiers et placerait les prostitutions dans des «boîtes».

«La ghettoïsation, comme aux Pays-Bas, conduit à des conditions de vie et de travail extrêmement précaires pour les prostituées», explique Rolf Vieli.

«Nous sommes allés voir dans les villes où ce modèle est appliqué, a ajouté Esther Maurer. Mais ce n’est pas une solution pour Zurich.»

La ville mise donc sur une mixité supportable pour les habitants. Les succès se comptent en boulangerie de quartier sauvée, en parcs publics redonnés aux familles, mais aussi en immeubles soustraits au «milieu».

La municipalité de Zurich participe elle-même à certains rachats ou les cautionne, par le biais d’une fondation mixte. Elle a aussi financé des rénovations d’immeubles lui appartenant.

Résultat: une stabilisation. Les commerçants qui, il y a une année, disaient vouloir quitter le quartier sont finalement restés. De jeunes restaurateurs ou artisans se sont installés, malgré la réticence encore grande des banques à soutenir les investissements.

Depuis juillet 2003, le racolage des prostituées depuis leur fenêtre est interdit, ce qui, selon Esther Maurer, a aussi contribué à calmer la situation.

Déménagements des salons



En outre, «entre 10 et 20 salons ont plié bagages et se sont installées soit dans d’autres localités soit à la périphérie de Zurich, a expliqué Rolf Vieli. Ce que les tenanciers craignaient, une chute du chiffre d’affaires, s’est bel et bien produit, mais pour une courte période. Très vite, les affaires ont repris.»

«Or, poursuit Rolf Vieli, dans ces quartiers, les clients n’ont pas de problème de parking et n’embêtent personne. C’est comme ce salon très connu à deux pas de Paradeplatz, consacré à la prostitution de haut standing, tout le monde le connaît mais il n’a jamais dérangé personne…»

swissinfo, Ariane Gigon Bormann, Zurich

La ville de Zurich recense quelque 3000 prostituées enregistrées et estime le nombre d’illégales à quelques centaines.
En 2003, 513 nouvelles prostituées ont été enregistrées (dont 30 hommes).
Selon l’Office fédéral de la police, le nombre de prostituées atteint 11 500 sur l’ensemble du territoire helvétique, dont la moitié travaillent illégalement.

– Au printemps 2003, la municipalité de Zurich a décidé de participer au rachat de certains immeubles détenus par la pègre pour les soustraire à la prostitution.

– Un immeuble a été racheté pour 1,7 million de francs et rénové pour 900’000 francs. La ville y a créé des logements pour les jeunes en formation. D’autres rachats sont en négociation.

– Dans d’autres cas, la ville a donné sa caution pour des rachats, a modifié le droit de construction afin de permettre la construction de logements, ou encore a financé des rénovations d’immeubles lui appartenant.

– Les commerçants qui, il y a une année, disaient vouloir quitter le quartier sont finalement restés.

– La ville déploie des efforts pour attirer de jeunes artisans ou commerçants et installer des cafés branchés en lieu et place de bars à kebab qui sont souvent des vitrines pour des activités illégales.

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