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Quand être jeune est une faute

Proportionnellement à leur nombre, les jeunes sont plus souvent au chômage que les autres. Keystone

Fait inhabituel en Suisse, plusieurs mouvements de jeunesse occupent les avant-postes de la campagne pour la votation populaire du 26 septembre. Ils se révoltent contre la révision de l’assurance-chômage, dont les jeunes se sentent victimes. Pas tous les jeunes toutefois.

«Discriminatoire et injuste». C’est ainsi que plusieurs organisations de jeunesse qualifient la 4e révision de la Loi sur l’assurance-chômage (LACI). Réunies au sein du Comité des organisations de jeunesse contre la discrimination des jeunes dans la révision de la LACI, elles s’opposent aux modifications de la base légale approuvées par le Parlement fédéral.

Une révision «discriminatoire», parce que selon le comité, elle introduit le critère de l’âge comme restriction. Et «injuste», parce que les jeunes payent les pots cassés d’une crise économique qu’ils n’ont pas provoqué, mais qu’ils subissent de plein fouet. De fait, c’est dans cette tranche de la population que le taux de sans emploi est le plus élevé.

Hormis les sections jeunes des syndicats et du camp politique rose-vert, la Fédération suisse des associations de jeunesse (FSAJ), qui représente une septantaine d’organisations regroupant plus d’un million de jeunes, l’Union des étudiant-e-s (UNES), et l’Union des conseils d’étudiants CH/FL (UCE), se sont aussi ralliés à cette cause.

Ensemble, ils ont formés le «Comité des organisations de jeunesse contre la discrimination des jeunes dans la révision de la LACI». Le 4 septembre prochain, le comité organisera une journée d’action dans toute la Suisse.

Abstention critique

Chez les Jeunes libéraux radicaux (JLR, droite) non plus, la révision de l’assurance-chômage n’a pas la cote. Les JLR avaient lancé un appel au Parlement, afin qu’il retire le projet de révision. En vain. Dans leur missive adressée aux députés des Chambres fédérales, les jeunes militants avaient évoqué un «moment inopportun pour une réformette», effectuée surtout «sur le dos des jeunes».

Ils plaidaient pour une réforme «courageuse» de l’assurance-chômage, et qui en garantisse la solidité financière à long terme. Ils soulignaient aussi le besoin de lancer une telle révision dans un contexte conjoncturel favorable, et visant une répartition équitable des coûts entre toutes les tranches de la population. Mais leurs revendications sont restées lettre morte auprès des parlementaires de droite et du centre droit, dont le Parti libéral radical (PLR).

Bien qu’ils contestent la décision des Chambres, les JLR suisses ne se sont pas mobilisés dans la campagne contre la 4e révision de la LACI. Les JLR ont privilégié la voie de l’abstention pour éviter une scission générationnelle au sein du PLR et aussi, parce qu’ils ne souhaitent pas s’allier dans cette lutte à la gauche, «dont la position sur les assurances sociales nous déplaît», a expliqué à l’agence de presse Ats le vice-président des JLR suisses, Philippe Nantermod.

Disparité de traitement

Une position que ne partagent néanmoins pas tous les JLR. Ainsi, la section neuchâteloise a décidé de se ranger du côté des promoteurs du référendum. D’autres décisions analogues pourraient émaner d’autres sections cantonales, pour l’essentiel en Suisse romande.

Les arguments des Jeunes libéraux radicaux ne divergent guère de ceux avancés par les militants issus de la gauche. Tous dénoncent la disparité de traitement qui frappe les jeunes: «Les mesures d’économies sont presque exclusivement concentrées sur les jeunes, qui sont les sacrifiés de cette révision», dénoncent les JLR neuchâtelois dans un communiqué.

Pour les jeunes sans emploi, «l’assurance-chômage se transformera en une assurance d’exclusion», qui les conduira tout droit à l’assistance sociale, a prévenu Jérôme Hayoz, secrétaire Jeunesse du Syndicat du personnel des transports (SEV). Une perspective contre laquelle les membres du Comité des organisations de jeunesse exhortent leur pairs à protester en votant «Non» le 26 septembre.

Révision = opportunité

Mais tous les mouvements de jeunes ne partagent pas cette position. Ainsi, dans un communiqué, les Jeunes démocrates-chrétiens (JDC) et les Jeunes UDC (JUDC – droite conservatrice) se sont dit surtout «surpris» par le comportement «irresponsable» des Jeunes radicaux libéraux, dicté selon eux par la crainte de l’échec au scrutin populaire.

Le comité directeur des JDC a ainsi pris clairement position en faveur de la révision de la LACI, qualifiant les mesures de «raisonnables pour les jeunes aussi», lesquels trouveraient un avantage au travers des «mesures d’encouragement renforcées en vue d’une intégration rapide au marché du travail».

Selon les Jeunes démocrates-chrétiens, le projet de révision est équilibré et permet «d’asseoir l’assurance-chômage sur des bases financières solides, ce qui permettrait aux générations futures d’en bénéficier à leur tour». Pour le président des JDC, Simon Oberbeck, cité dans un communiqué, glisser un «Oui» dans l’urne le 26 septembre, revient à faire un acte de solidarité intergénérationnel.

Mais dans les sections romandes des JDC, les avis divergent. C’est notamment le cas à Fribourg et en Valais, comme l’ont révélé les propos livrés par les présidents de ces deux sections dans la presse.

Quant aux Jeunes UDC, les militants soutiennent la révision comme un seul homme. Le président des JUDC, Erich Hess, estime que «ce n’est pas une tragédie, si de temps en temps, les jeunes doivent exercer un métier différent de celui pour lequel ils ont été formés». «Cette solution est préférable à celle qui entrainerait une diminution des rentes de l’AC pour des pères de famille», a ajouté le député au parlement cantonal bernois.

Sonia Fenazzi, swissinfo.ch
(Traduction de l’italien: Nicole Della Pietra)

La 4e révision de la LACI vise à endiguer le déficit structurel de l’assurance-chômage qui se situe actuellement à 7 milliards de francs. Le but est aussi de l’assainir financièrement et à long terme, indépendamment du contexte conjoncturel.

La révision permettrait de rééquilibrer les comptes d’ici 17 ans. La nouvelle mouture de la base légale permettrait d’augmenter les rentrées de quelque 486 millions de francs par an et de diminuer les dépenses de près de 622 millions de francs.

Les revenus supplémentaires pourraient être obtenus par le biais de l’augmentation des contributions de 0,2 %, alors que les économies pourraient résulter d’une série de restriction des prestations.

Lors d’une conférence de presse donnée à Berne, le Comité des organisations de jeunesse contre la discrimination des jeunes dans la révision de la LACI, a dénoncé une série de mesures prévues par la révision qu’il a qualifié d’inéquitables.

Parmi celles-ci, figure l’obligation pour les chômeurs de moins de 30 ans d’accepter un poste de travail indépendamment de leurs qualifications, ce qui dévaloriserait la formation professionnelle.

Autre injustice selon le Comité: la réduction des prestations. Une année de contributions ne donnera plus que droit à 200 indemnités journalières pour les personnes de moins de 25 ans et sans enfant à charge. Une réduction de 60 indemnités par rapport aux personnes âgées de plus de 25 ans.

A la fin de leur formation ou de leurs études, ces chômeurs, qui n’auront jamais versé de contributions, devront aussi attendre 120 jours pour prétendre à des indemnités. De plus, ils ne percevront que 90 indemnités journalières au maximum, contre les 260 actuellement prévues par la loi.

En Suisse, le taux de participation des jeunes aux votations populaires est généralement plutôt faible. C’est pourquoi, le Comité des organisations de jeunesse a choisi de multiplier les supports afin d’informer les jeunes sur le scrutin du 26 septembre et de les impliquer dans la campagne et les stimuler à voter. Hormis les traditionnels stands et distribution de tracts, le Comité a décidé de recourir à des sites Internet, Facebook, Youtube, sms ou encore smartmob, dont se servent quotidiennement les jeunes.

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