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Quand la photo devient miroir

Stefan Rohner au Salon de San Sebastian. swissinfo.ch

Le 1er Salon international de la photographie contemporaine a attiré 10'000 visiteurs le week-end dernier à San Sebastian, en Espagne.

Parmi des artistes du monde entier, le Suisse Stefan Rohner y a présenté son travail plein d’humour et de nostalgie.

«Quand j’étais petit, je voulais être un Beatle!» Comme d’autres veulent devenir footballeur ou star. «Ensuite, je voulais être acteur.» A 45 ans, Stefan Rohner est photographe. Comme sa mère. Comme son grand-père.

Mais il est tout de même acteur, un peu, puisqu’il se représente lui-même dans son travail, faisant des acrobaties avec un tambour, une balançoire, une échelle, un ballon, un miroir déformant, etc. Des acrobaties qui, en défiant les lois de l’équilibre, provoquent une sensation de fragilité.

Stefan Rohner peint volontiers les collines ou les ciels de son Appenzell natal. Comme si son objectif était un pinceau. Parfois il se plante lui-même dans le décor, au premier plan ou en arrière, même flou, en observateur attentif du monde.

Il réalise aussi des vidéos. Pas comme des films, mais comme de courtes performances, quasiment des sculptures. L’artiste ne renie pas ces inspirations venues tout droit des beaux-arts: «Je travaille avec des médias techniques, mais c’est vrai que j’essaie de travailler en trois dimensions.»

Mise en scène

Il met aussi en scène des instants volés au hasard des voyages. Ou, dans le secret de son atelier saint-gallois, il se livre à des mises en scène dans lesquelles il s’amuse à jouer des rôles de composition. L’enfant qu’il a été n’est jamais très loin.

«C’est vrai, et ça me fait beaucoup rire!», admet-il avec ses yeux brillants, un peu écarquillés derrière ses grosses lunettes et sous son éternel chapeau.

Mais il y a aussi une raison pratique, économique, à se mettre en scène: «Au début, j’engageais des acteurs. Mais c’est devenu compliqué alors que moi, je suis un modèle toujours disponible et gratuit.»

Fétichisme et nostalgie

Autre thème important: les objets, jouets, outils, machines, animaux vrais ou faux. L’Appenzellois marche sur un chemin de campagne avec une bouillotte en guise de sac à dos. Il fait du patin à glace sur un tapis d’Orient. Enfile ses pieds dans deux ballons de basket. S’enferme dans une fusée ou une voiture-jouet, se déguise lui-même en jouet, etc.

Fétichisme? Non, plutôt de la nostalgie. «La bouillotte, c’est l’intimité et la chaleur du lit de mon enfance.» Et des cauchemars nocturnes? Peut-être.

Si l’artiste utilise des objets qui lui ont été chers, comme la balançoire ou les petites voitures, il recourt aussi à ceux qui ont appartenu à son père ou son frère, «c’est ma façon de me souvenir de ceux qui ne sont plus».

Ces installations de choses hétéroclites sorties de leur contexte créent une tension à la fois cocasse, surréaliste, mais qui pose aussi des questions sur l’essence humaine.

«Je veux montrer la réalité sous un angle différent, déconcertant, pour faire réfléchir et sourire. Avec des objets qui m’accompagnent depuis l’enfance et donnent une note intimiste», explique Stefan Rohner.

Un reflet de la société

Si l’artiste se met en scène, ce n’est pas seulement pour jouer, mais aussi parce qu’il se voit «comme une sorte de segment de la société que j’observe».

Il nous tend un miroir universel plein de tendresse et de poésie, mais aussi d’ironie et de questionnements plus vertigineux. Un peu comme Buster Keaton ou Jacques Tatie qui seraient revenus dans les collines appenzelloises.

Stefan Rohner ne renie pas cette paternité: «Pour moi, la photo c’est un peu comme les films muets. Je suis aussi très influencé par le noir et blanc des débuts».

Un succès encourageant

Pour ce premier Salon de la photo de San Sebastian, le public est venu en nombre: plus de 10’000 personnes, qui ont pris le temps de faire le tour de tout ce qu’il y avait à voir.

L’artiste appenzellois est ravi: «Je suis content d’être venu. Il y a bien un salon de la photo à Paris, je vais aussi régulièrement aux Journées de la photographies à Arles, mais ici, c’est un public de non-spécialistes, très jeune, et j’aime ça.»

De manière générale, cet art souvent jugé mineur par les milieux artistiques est en plein boom. «C’est vrai, confesse Stefan Rohner, j’ai souvent été le premier photographe à exposer dans des galeries qui montraient plutôt de la peinture et ça a commencé à changer il y a quelques années.»

Tant mieux pour le public, qui pourra voir sa prochaine exposition de vidéos à Katharinen Saint-Gall, du 14 mai au 6 juin prochains.

swissinfo, Isabelle Eichenberger, San Sebastian

Stefan Rohner est né en 1959 à Herisau (Appenzell, Rhodes Extérieures).
Après son apprentissage à Fribourg, il travaille depuis 1985 comme photographe indépendant, artiste et documentaliste pour d’autres artistes.
Il vit à Saint-Gall et expose dans plusieurs galeries de Suisse, Allemagne, France, Islande et à New York.
Au Salon de San Sebastian, il était présenté par la Galerie Schwarz de Greifswald (Allemagne).
Organisée par les services culturels de la ville, sa prochaine exposition se tiendra du 14 mai au 6 juin à Katharinen Saint-Gall.

– Le 1er Salon international de photographie contemporaine et de vidéo s’est tenu du 15 au 18 avril au Kursaal de Donostia-San Sebastian, en Espagne.

– Il a réuni quarante galeries, dont une suisse.

– Il a attiré plus de 10’000 visiteurs, selon les organisateurs.

– Il a été organisé par la Fondation Ordóñez-Falcón de Photographie de San Sebastian, laquelle projette un musée de la photographie dans la ville basque.

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