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Quand les barrages mettent les rivières à sec

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, la Suisse s’est mise à construire des dizaines de barrages dans les vallées alpines. Keystone Archive

22 mars, Journée mondiale de l'eau. La Suisse n'en manque pas. Sauf dans les cours d'eau en aval des barrages de montagne. Des remèdes existent.

Ce contenu a été publié le 22 mars 2002 - 08:12

Débits résiduels: voilà les mots qu'emploient les spécialistes de l'environnement pour parler de la quantité d'eau qui reste dans les rivières après un prélèvement. C'est-à-dire en aval d'un barrage ou d'une prise d'irrigation par exemple.

Pendant longtemps, on ne s'en est guère préoccupé. Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, quand la Suisse s'est mise à construire des dizaines de barrages dans les vallées alpines, les sociétés hydroélectriques ont été autorisées à utiliser à peu près toute l'eau dont elles avaient besoin.

Ce n'est que plus tard que l'on en a mesuré l'impact environnemental. Sur des centaines de mètres, voire des kilomètres après les barrages, les rivières se sont asséchées, mettant en péril les équilibres écologiques.

Défis écologiques, réalismes économiques

Le poisson ne peut plus migrer dans les zones où il trouve sa nourriture et se reproduit, les stations d'épuration n'ont plus la masse d'eau suffisante pour garantir un retraitement de qualité, les nappes souterraines ne sont pas suffisamment alimentées, les zones alluviales s'appauvrissent.

Au début des années 90, la Suisse s'est alors dotée d'une Loi fédérale sur la protection des eaux. On y trouve tout un chapitre sur le «maintien de débits résiduels convenables». C'est le résultat d'un difficile compromis.

Car le problème était - et est toujours - que les sociétés hydroélectriques, compte tenu de l'importance de leurs investissements, ont obtenu des concessions à très long terme, en général pour 80 ans.

Le législateur avait deux options possibles, nous explique Rémy Estoppey, chef du service des débits résiduels à l'Office fédéral de l'environnement. La première était d'assainir tous les cours d'eau tout de suite. Mais il aurait fallu débourser d'énormes sommes d'argent pour indemniser les sociétés.

La seconde - celle qui a été retenue - préconisait de protéger sans attendre les biotopes les plus précieux et de prévoir l'assainissement des autres dès que les concessions hydroélectriques arrivent à échéance.

Autrement dit: la situation actuelle est économiquement réaliste mais reste peu satisfaisante d'un point de vue écologique. Car ce n'est que dans 30, voire 40 ans seulement, que la plupart de ces concessions seront renouvelées et prendront en compte les nouvelles règles de protection.

Priorité aux biotopes protégés

D'ici là, on parera en quelque sorte au plus pressé. Mais la Confédération dispose tout de même d'un fonds budgétaire dans lequel les cantons peuvent puiser pour réaliser les assainissements qui ne peuvent attendre.

La priorité est mise sur les cours d'eau qui traversent des sites classés. Les zones alluviales, entre autres, représentent de véritables réservoirs de biodiversité. Chaque inondation relance le processus d'un développement végétal dont profitent aussi de nombreuses espèces animales.

Là où les débits résiduels ont été revus à la hausse, on note que la chaîne alimentaire aquatique s'améliore, que l'eau est davantage oxygénée et de meilleure qualité, que sa température varie moins, que le poisson fraye dans de bonnes conditions... et que le paysage s'en retrouve aussi plus attrayant!

Mais faudra-t-il vraiment attendre encore un quart de siècle ou plus pour qu'un tel constat se généralise? Oui, en principe. Mais il se pourrait que d'autres facteurs favorisent un assainissement plus rapide.

Or bleu, électricité verte

Rémy Estoppey pense ainsi que la libéralisation du marché de l'électricité fera peut-être éclore un commerce de «courant vert». Une sorte de mouvement parallèle au phénomène de la production agricole bio.

Si les consommateurs ont vraiment le choix de leur énergie électrique et que la demande écologiste est forte, certaines sociétés pourraient opter pour une revitalisation plus rapide des cours d'eau à la sortie de leurs barrages.

D'autres entreprises pourtant prétendent être économiquement pénalisées par les normes suisses sur les débits résiduels. L'Office fédéral de l'environnement veut étayer sa réponse. Une étude comparative est en cours avec les quatre grands pays voisins.

«Les formules de calculs des débits minima y sont différentes, estime Rémy Estoppey, mais les exigences sont tout à fait comparables.» Une autre manière de dire que dans tout l'arc alpin les barrages posent les mêmes problèmes et que les rivières de montagne n'ont pas fini d'avoir soif.

swissinfo/Bernard Weissbrodt, Genève

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