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Quand Monsieur loup crie… au loup!

Le loup lâché par la Confédération? Keystone

Sous pression politique, l’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) met en consultation une refonte de son plan de gestion du loup.

Spécialiste indiscuté, Jean-Marc Landry y voit la porte ouverte à une dérive meurtrière à l’encontre du grand prédateur.

Le loup est toujours protégé en Suisse. Le parlement a refusé l’été dernier de mettre le canidé à la merci du premier fusil venu.

Mais dans le même temps, l’assemblée fédérale a aussi prié le gouvernement de revoir le «Concept Loup Suisse» pour le formater peu ou prou aux exigences des milieux de l’élevage ovin.

Conséquence, l’OFEFP a mis en consultation début février un «concept loup» repensé, qui tient également compte des restrictions budgétaires imposées à cet office.

Organisations de protection de la nature, chasseurs, éleveurs et cantons se prononceront sur ce projet d’ici au 22 mars prochain.

Mais par la voix de son chef du secteur faune, l’OFEFP dit déjà «s’attendre à tout!»… Difficile en effet de trouver sujet plus émotionnel que celui du loup en Suisse.

Un souci d’efficacité

S’agissant du projet lui-même, Hans-Jörg Blankhorn souligne le renforcement des mesures de prévention (la surveillance des troupeaux par les chiens de protection surtout).

Selon lui, si la Confédération n’est pas loin de vouloir se passer des biologistes, c’est uniquement par souci d’efficacité.

«Les biologistes sont mal perçus dans le monde agricole, explique Hans-Jörg Blankhorn. En matière de prévention, nous passerons donc directement par les professionnels de ces milieux».

Globalement, le projet en consultation fait subir une cure d’amaigrissement radicale aux programmes de suivi scientifique.

Priorité est dorénavant donnée à la gestion des dégâts provoqués par le grand prédateur.

Exemple: même en cas d’attaque douteuse sur leurs moutons, les éleveurs recevront une indemnité partielle, laissée au choix du canton concerné.

Un regard pessimiste

Toujours en cas d’attaque, les critères actuels menant à l’octroi d’une autorisation de tir subsisteront. 50 animaux de rente tués sur quatre mois consécutifs ou 25 durant un mois, et la traque au loup peut commencer.

La nouveauté se situe dans la possibilité laissée aux cantons d’adapter ces critères aux conditions locales ou régionales…

Cette possibilité fait bondir Jean-Marc Landry, spécialiste du loup dont le projet de recherche en Bas-Valais a été sacrifié.

«Ce plan de gestion permet de tirer quasiment tous les loups qui viendront en Suisse, estime Jean-Marc Landry. Je pense qu’aucune meute ne pourra s’installer».

Le biologiste se dit «très pessimiste» s’agissant de l’avenir du canidé en Suisse. Et il qualifie le nouveau plan de gestion de «bricolage» qui ne va pas mettre grand monde d’accord.

A l’échelle de l’arc alpin



D’un côté, Jean-Marc Landry estime souhaitable que la prévention soit confiée aux éleveurs. Mais pas tout de suite. A ses yeux, les données scientifiques sont par trop lacunaires.

«Nous n’avons même pas eu le temps de rédiger notre rapport final que l’OFEFP change de stratégie. Plutôt que le long terme et un suivi global, il choisi de confier la gestion du loup à des éleveurs-pompiers qui interviendront ponctuellement sur les alpages».

Monsieur Loup a la dent dure mais aussi des propositions. Il en appel à un véritable plan de gestion scientifique du loup, en prenant exemple sur le Canada.

Un plan à l’échelle de l’arc alpin de préférence (200’000 km2), plus conforme à la biologie du grand prédateur. Le biologiste estime également nécessaire la délimitation de zones réservées, excluant loups pour les unes, moutons pour les autres.

La chose est donc entendue. Pour Jean-Marc Landry, la gestion du loup ne peut faire l’économie d’une analyse de fond sur l’avenir de l’agriculture et des Alpes, et d’une prévention des dégâts pensée sur le long terme.

swissinfo, Pierre-François Besson

– Selon les scientifiques, le loup effectue un retour naturel en Suisse. Actuellement, moins d’une dizaine d’individus sont signalés périodiquement sur territoire fédéral.

– Le montant financier consacré au loup par la Confédération se montait jusqu’ici à 1,5 millions de francs. Avec la nouvelle mouture du plan de gestion, cette somme passera à 600’000 francs.

– Spécialiste reconnu du loup en Suisse, le biologiste Jean-Marc Landry prépare une thèse de doctorat à l’Université de Zurich consacrée aux chiens de protection des troupeaux.

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