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Quelle loi pour expulser les criminels étrangers?

Le renvoi des criminels étrangers bute toujours sur des questions d'application. Keystone

Acceptée par le peuple suisse en novembre 2010, l’initiative pour le renvoi des criminels étrangers doit maintenant être traduite dans la législation fédérale. Parmi les quatre variantes proposées, les représentants du comité d’initiative soutiennent sans surprise la version la plus dure.

Les fronts restent figés concernant l’initiative pour le renvoi des criminels étrangers. Quatre variantes d’application sont sur la table. L’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) soutient la version la plus dure. Mais la majorité du groupe de travail préfère les options respectant le droit international et basées sur la gravité des peines.

Mis sur pied par la ministre socialiste Simonetta Sommaruga après l’acceptation, le 28 novembre, de l’initiative, le groupe de travail a publié mardi ses travaux. Prochaine étape: la mise en consultation d’un projet par le Conseil fédéral (gouvernement).

Sur les quatre propositions présentées, une n’est soutenue que par le comité d’initiative. Les représentants de la majorité et de l’UDC n’ont pas caché leurs dissensions devant la presse. Pour le démocrate du centre Gregor Rutz, les options retenues par la majorité visent à diluer l’initiative dans le droit actuel. Elles ne seraient rien d’autre que l’application du contre-projet du Parlement, rejeté par le peuple en novembre.

Une accusation réfutée par le président du groupe Heinrich Koller. Contrairement au texte concocté en son temps par les Chambres, les variantes présentées font l’impasse sur l’intégration des étrangers. Mais, surtout, elles tiennent davantage compte des demandes des initiants. Ainsi, le seuil de la peine pour exiger une renvoi est-il fixé à six mois alors que le contre-projet prônait un an, a expliqué Heinrich Koller.

Version dure de l’UDC

Toutes les variantes prévoient une expulsion d’au moins cinq ans et d’au plus quinze ans. La première, soutenue par l’UDC, retranscrit le plus fidèlement l’initiative. Selon les données de l’Office fédéral de la statistique, elle déboucherait sur quelque 16’400 renvois par an, contre 3400 pour les autres options. Cette estimation ne tient pas compte des abus à l’aide sociale.

Le texte du comité met l’accent sur les délits sexuels et les actes de violence. Il comprend une large liste allant de crimes comme l’assassinat jusqu’à des infractions comme des lésions corporelles simples. Il suffirait qu’un étranger soit condamné pour une de ces infractions pour être expulsé. La gravité de la peine ne joue aucun rôle.

La compétence d’ordonner le renvoi reviendrait au juge ou au ministère public. Elle devrait être exécutée immédiatement par les cantons. A l’exception du non-refoulement, l’examen d’aucun autre obstacle au renvoi n’est prévu.

Violation du droit international

Pour la majorité du groupe de travail, cette option est à rejeter car elle viole les principes de base du droit constitutionnel et du droit international. Elle ne dit mot sur des motifs pouvant s’opposer au renvoi comme l’absence de documents de voyage, le refus de coopérer de l’Etat de destination ou la maladie de la personne concernée, selon Heinrich Koller

L’automatisme ne laisse en outre pas assez de place à l’examen individuel de chaque cas. Cette option entraînerait donc la condamnation de la Suisse par des tribunaux internationaux ou exigerait la renégociation voire la dénonciation d’accords comme celui sur la libre circulation des personnes.

Le groupe plaide donc pour les variantes 2 et 3, basées sur le droit pénal. Fondée sur le droit des étrangers, l’option 4 reprend sur le fond les propositions de la variante 2. Tous ces modèles prévoient qu’une expulsion n’est en principe obligatoire que si l’étranger a été condamné à une peine d’au moins six mois (2) ou de plus de six mois (3). Une disposition (cumul des peines sur dix ans) est prévue pour les récidivistes.

La variante 2 comprend une liste indicative d’infractions pouvant être considérées comme crimes graves sur la base de la peine mais aussi une clause générale qui couvre d’autres infractions de gravité comparable. Elle permettrait en outre certaines expulsions pour une peine moins lourde si les intérêts publics sont prépondérants. Cette précision vise notamment à lutter contre le tourisme de la criminalité.

Les options 2 et 3 permettent l’examen d’obstacles au renvoi et donc de reporter, d’interrompre voire de lever l’expulsion. Dans la variante 2, cet examen se fait d’office pendant la phase d’exécution et avec un délai de recours de dix jours tandis qu’avec la variante 3, il est laissé à la compétence du juge.

L’initiative «Pour le renvoi» a été acceptée par 52,9% des votants.

Seuls six cantons l’ont refusée: Genève, Vaud, Jura, Neuchâtel, Fribourg et Bâle-Ville.

Le contre-projet à l’initiative a été refusé par 54,2% des citoyens.

Tous les cantons l’ont refusé.

Par son initiative, l’UDC entend systématiquement priver de titre de séjour et expulser les étrangers qui ont été condamnés par un jugement entré en force pour différents motifs, notamment meurtre, viol, mais aussi brigandage, trafic de drogue, effraction ou encore perçu abusif des prestations des assurances sociales.

Dans le texte accepté par le peuple, ces personnes sont expulsées indépendamment de leur statut. Avec l’expulsion, elles sont frappées d’une interdiction d’entrer sur le territoire qui irait de 5 à 15 ans, 20 ans en cas de récidive.

Dans l’initiative, aucun principe de proportionnalité ne doit être examiné.

Si l’initiative a été acceptée par le peuple, le gouvernement devra pourtant adapter le texte pour le mettre en application. Car en l’état, il viole certaines obligations internationales de la Suisse.

En particulier, il viole certaines dispositions de l’accord sur la libre circulation des personnes conclu en 1999 entre la Suisse et l’Union européenne.

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