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Qui sont les musulmans et les musulmanes de Suisse?

famille musulmane
La population musulmane est relativement jeune en Suisse. Keystone / Martin Ruetschi

Le débat sur l'initiative dite «anti-burqa», en votation le 7 mars, porte l'attention sur les communautés islamiques en Suisse. Qui sont ces personnes? D'où proviennent-elles? A quels courants appartiennent-elles? Tour d'horizon d'une population relativement jeune et diverse.

C’est dans les années 1960 que l’immigration musulmane a réellement débuté en Suisse. Jusque-là, cette population était marginale et ne comptait que quelques centaines de personnes. On note ensuite une augmentation, surtout entre 1990 et 2010. Depuis, elle tend à se stabiliser.

Selon les derniers chiffres de l’Office fédéral de la statistique (OFS) datant de 2019, 5,5% des résidents de 15 ans et plus se déclarent de confession musulmane en Suisse, soit environ 390’000 personnes. Les hommes constituent une légère majorité de 53%.

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Une population jeune

Ces communautés se caractérisent notamment par une moyenne d’âge relativement basse. En effet, près de la moitié de leurs membres ont entre 25 et 44 ans. Or, seul un tiers de la population suisse dans son ensemble entre dans cette catégorie (chiffres 2018). Cette différence s’explique par le fait que la migration musulmane reste un phénomène récent, indique le Centre suisse islam et société de l’université de Fribourg (CSIS).

Les seniors de 65 ans et plus ne représentent qu’une part marginale chez les musulmans (5,4%). Un taux qui s’élève à 20% pour la totalité des résidents helvétiques. Une différence que le CSIS explique par le retour de nombreux musulmans dans leur pays d’origine une fois leur vie professionnelle terminée.

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Les Balkans, principale provenance

Les pays des Balkans représentent actuellement la première région de provenance. Cela concerne près de 130’500 individus pour la période 2014-2018. «Ce sont d’abord des saisonniers qui sont venus en Suisse. Puis l’explosion de la Yougoslavie a poussé ces populations à se réfugier sur le territoire helvétique», a expliqué Christophe Monnot, chercheur à l’Institut de sciences sociales des religions de l’Université de Lausanne, lundi dans La Matinale de la Radio Télévision suisse (RTS, une des entités du groupe SSR auquel appartient aussi SWI swissinfo.ch).

Le chercheur note un changement dans les flux migratoires: «Dans les années 1970, deux tiers des musulmans provenaient de Turquie.» L’expert relève aussi un grand nombre de naturalisations au sein des communautés islamiques. En effet, 35% des musulmans sur sol helvétique possèdent aujourd’hui le passeport à croix blanche.

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Moins pratiquants que les chrétiens

Les statistiques de l’OFS montrent également que, parmi les différentes confessions, les musulmans sont les moins pratiquants. Près de la moitié d’entre eux déclarent ne pas participer aux services religieux et un quart dit y prendre part entre une et cinq fois par année. «Pour les première et deuxième générations, la religion est un facteur culturel important qui marque l’identité. Elle fait partie du pack culturel. Mais ce n’est pas parce que ces personnes se disent musulmanes qu’elles sont pratiquantes», indique Christophe Monnot.

A titre de comparaison, un catholique sur cinq ne se rend pas à l’église alors que 43% y vont au moins une fois tous les ans. Des chiffres similaires à ceux des protestants et autres communautés chrétiennes.

Une majorité sunnite

Les communautés islamiques se composent de plusieurs courants en Suisse, dont le principal est le sunnisme (85%). «C’est un courant assez classique et ouvert, qui est notamment majoritaire dans les Balkans et en Turquie», rapporte Christophe Monnot.

On note également la présence de 7 à 10% de chiites provenant surtout d’Iran et d’Afghanistan, relève le CSIS. Celui-ci estime à une dizaine le nombre de mosquées chiites en Suisse.

Il existe aussi une petite part d’alévis. Moins connus, ces derniers appartiennent à une mouvance qui se détache de l’islam classique: «C’est un courant mystique, libéral et très politisé qui appartient à l’opposition en Turquie», précise Christophe Monnot.

Le salafisme en Suisse

Avec le débat sur l’initiative dite «anti-burqa» se pose la question du fondamentalisme de la religion musulmane. Nul doute qu’un islam rigoriste existe en Suisse, selon les experts. Même si aucune enquête n’a été menée sur le sujet, il semblerait que leurs adeptes soient peu nombreux.

La Confédération a d’ailleurs mandaté l’Université de Lucerne pour étudier le salafisme, qui constitue l’un de ces courants rigoristes. Cette mouvance fondamentaliste – la plus visible en Suisse – nourrit d’ailleurs passablement d’incompréhension et de crainte. «On a vu dans beaucoup de religions au 19e siècle apparaître des branches piétistes, qui se retirent de la société. C’est le cas du salafisme», fait savoir Christophe Monnot.

La sociologue des religions Mallory Schneuwly Purdie ajoute: «Le salafisme est lui-même pluriel. Il y a des personnes salafistes engagées dans une piété qui vont essayer d’appliquer à la lettre les différents commandements du Coran. Il y a aussi des salafistes plus politisés qui vont essayer d’utiliser les outils de la démocratie pour faire valoir des droits aux musulmans qu’ils estiment être bafoués.» Il existe aussi un troisième type de salafisme, selon la sociologue: «C’est celui que l’on appelle salafiste djihadiste, qui appelle à une forme de révolution et qui n’a pas de problème à utiliser la violence pour faire valoir sa cause.»

Mallory Schneuwly Purdie et Christophe Monnot insistent: un terroriste ne sommeille pas derrière chaque salafiste. Même si certains individus en Suisse trouvent toutefois dans cette mouvance les bases idéologiques au djihad armé.

La sociologue des religions Mallory Schneuwly Purdie étude la population musulmane en Suisse depuis plusieurs années. Elle dit observer une progression de la mouvance salafiste.

«Depuis le temps que je fréquente des associations et des mosquées, je vois qu’il y a différents groupuscules qui gravitent auprès de certaines mosquées, avec certains habits que l’on va affilier au salafisme sans qu’ils soient forcément salafistes. Ce sont des manifestations de courants fondamentalistes qu’on ne voyait pas dans les années 2000 et qui ont commencé à apparaître à partir de 2010-2011 et qui, maintenant, deviennent de plus en plus fréquentes.»

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