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Rapport explosif sur la prison de Champ-Dollon

Le 7 juillet 2006, un détenu avait volontairement bouté le feu à sa cellule. Keystone/Police Genève

La justice genevoise recourt trop souvent à la détention préventive et pour de trop longues durées. C'est la conclusion à laquelle est parvenu un groupe d'experts.

Le Parlement du canton a pris connaissance du rapport sur ce pénitencier qui fait régulièrement parler de lui en raison notamment de la surpopulation chronique qu’il connaît.

Très attendu, le rapport promet de faire du bruit à Genève. Son contenu n’épargne ni le pouvoir judiciaire, dont la manière de traiter les dossiers est critiquée en profondeur, ni la police.

Alertées par une pétition des détenus, des menaces de grèves de la faim et des troubles survenus l’année dernière, les autorités avaient mandaté trois experts, dont le professeur de droit pénal Christian-Nils Robert et le médecin et juriste Jean-Pierre Restellini pour enquêter sur les causes de la surpopulation chronique de la prison.

Tête plongée dans l’eau

Concernant le volet policier de l’enquête, les experts ont auditionné 125 détenus. Trente-huit d’entre eux se sont plaints de mauvais traitements physiques souvent accompagnés d’insultes à caractère raciste avant l’arrivée à la prison.

Ce taux «très élevé» a surpris Jean-Pierre Restellini, qui travaille dans de nombreux pays comme membre du Comité européen pour la prévention de la torture. Dans quatorze de ces cas, des lésions ont été constatées par des médecins. Certaines accusations graves ont été lancées.

Un mineur aurait par exemple eu la tête immergée à plusieurs reprises dans l’eau lors d’un interrogatoire. Trois personnes ont raconté avoir subi un racket de la part de policiers.

Les informations obtenues auprès de certains policiers laissent entendre que de tels cas ne sont pas uniques, a affirmé Jean-Pierre Restellini. Pour mettre des garde-fous, l’expert préconise de faciliter la possibilité de s’adresser à un avocat et à un médecin juste après l”arrestation et de créer une véritable instance de surveillance des services de police.

‘Surcarcérisation’ de la population?

En ce qui concerne la justice, le faible nombre de juges d’instruction entraîne des lenteurs dans les procédures judiciaires, selon le professeur Robert.

Le fonctionnement ‘discrétionnaire’ de la Chambre d’accusation est aussi mis en cause. Actuellement, cette instance chargée de se prononcer sur la prolongation des mandats d’arrêt siège à huis clos. Le droit des prévenus à être entendu n’est souvent pas respecté. A cet égard, l’expert recommande de modifier son fonctionnement et de rendre les audiences publiques.

Le rapport conclut en outre qu’il faut modifier les mentalités au Palais de justice, qui aurait tendance à incarcérer trop facilement. «La question se pose de savoir s’il faut parler de surpopulation carcérale ou de ‘surcarcérisation’ de la population», assène le professeur.

Une prison qui déborde

Des problèmes se posent également en termes de surpopulation: conçue pour accueillir 270 détenus, la prison est aujourd’hui confrontée à une population moyenne de 472 prisonniers. En octobre dernier, l’établissement, qui est la plus grande prison préventive du pays, a même franchi le seuil record de 504 détenus.

C’est la première fois à Genève que des experts se penchaient aussi bien sur le travail de la justice que sur celui de la police. Un accord inédit avait été passé en décembre entre les trois pouvoirs pour permettre aux enquêteurs d”avoir accès aux dossiers (rendus anonymes) de la justice et de la police.

Les autorités politiques et judiciaires genevoises ont pris connaissance du rapport mercredi. Elles se prononceront ultérieurement sur son contenu et sur les nombreuses recommandations émises.

swissinfo et les agences

Selon l’article 48 de la Constitution fédérale, les cantons suisses peuvent conclure des conventions (concordats) entre eux et créer des institutions communes dans leurs domaines de compétence.

C’est le cas pour l’exécution des peines, répartie en trois concordats régionaux: en Suisse orientale, Suisse centrale et du nord ainsi que Suisse romande et Tessin.

La Suisse compte en tout 9 établissements fermés et 10 semi-ouverts, de nombreuses prisons régionales et des centres de détention préventive. Au total, le pays compte 122 établissements pénitenciaires.

Le 6 septembre 2006 (jour du relevé) il y avait :
En tout 5888 personnes en prison (dont 1808 en détention préventive)
69% des détenus étaient de nationalité étrangère
La part des femmes se montait à 5,7%
80% des personnes en détention préventive étaient des étrangers, doit plus de la moitié ne possédait aucune autorisation de séjour.
En moyenne les prisons suisses sont occupées à 87%.

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