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Recycler les eaux usées: un impératif face à des besoins croissants

Les eaux usées représentent une ressource précieuse dans un monde où l'eau douce disponible est limitée et la demande en hausse, selon un rapport de l'ONU (photo symbolique). Keystone/LAURENT GILLIERON sda-ats

(Keystone-ATS) Traiter les eaux usées réduit la pollution et prévient les maladies. Mais c’est aussi devenu un impératif pour répondre à une demande croissante en eau dans le monde, affirme mercredi un rapport de l’ONU.

“Les eaux usées représentent une ressource précieuse dans un monde où l’eau douce disponible est limitée et la demande en hausse”, estime Guy Rider, président de l’ONU-eau, à l’occasion de la journée mondiale de l’eau le 22 mars. D’ici 2030, la demande pour les ressources en eau pourrait croître de 50%, essentiellement dans les villes.

“Nous devons tous recycler davantage les eaux usées pour satisfaire les besoins d’une population en augmentation et préserver les écosystèmes”, ajoute-t-il dans un communiqué publié conjointement par ONU-eau et l’Unesco, qui a coordonné le rapport “Les eaux usées, une ressource inexploitée”.

Si le document rappelle les enjeux sanitaires et environnementaux (en 2012, 842’000 décès ont été liés à une eau contaminée et à des installations sanitaires inadaptées), il invite à élargir la question du traitement de l’eau à celle de la préservation de cette ressource indispensable.

Gérer l’après-utilisation de l’eau

“Concrètement, le traitement des eaux usées génère de nouvelles ressources en eau”, résume Richard Connor, le rédacteur en chef du rapport. “Or, l’intérêt des décideurs s’est jusqu’ici porté avant tout sur l’approvisionnement en eau plutôt que sur sa gestion après son utilisation”, déplore l’Unesco, pour qui “les deux aspects sont indissociables”.

Aux Etats-Unis, l’eau de certains fleuves est utilisée jusqu’à vingt fois avant d’atteindre la mer. “Dans la station spatiale internationale, l’eau pour se laver et boire et celle provenant des urines est la même depuis des années!” s’exclame Richard Connor.

A plus grande échelle, rendre l’eau de nouveau potable est possible: en Namibie, la capitale Windhoek, traite 35% de ses eaux usées pour réalimenter les réserves d’eau potable et les habitants de Singapour et de San Diego (Californie) boivent de l’eau recyclée.

Objectif-clé pour l’agriculture

Mais l’objectif principal et plus facilement atteignable est que l’eau traitée soit utilisable en agriculture, qui représente environ 70% de la demande mondiale de cette ressource. Les besoins de ce secteur sont ainsi satisfaits en puisant moins dans les nappes phréatiques.

Dans cette voie, la Jordanie a été un précurseur dès la fin des années 70 (90% des eaux traitées sont destinées à l’agriculture), avant que d’autres pays arabes s’y mettent, et Israël est en pointe avec près de 50% des terres cultivées arrosées avec de l’eau recyclée. Avec 10% des terres irriguées dans le monde de cette manière, la marge de progression est énorme.

Toutefois, pour que cette solution soit bien acceptée, il faut informer en amont la population et donner des garanties sur la qualité. En Egypte dans les années 90, un projet de réutilisation de l’eau pour l’irrigation et l’aquaculture a échoué. Idem dans certains endroits en Tunisie.

Chantier gigantesque

Au-delà de leur réutilisation, le rapport met en avant le gisement de matières premières (phosphore et azote) et de biogaz que représentent les eaux usées, et le revenu potentiel qui peut en être tiré.

La ville d’Osaka produit ainsi chaque année 6500 tonnes de carburant solide à partir de 43’000 tonnes de boues d’épuration. Et le Japon vise 30% d’énergie à partir des eaux usées d’ici à 2020. En Suisse, les phosphates vendus doivent comporter 1% de produit récupéré par traitement des eaux.

Quel que soit le système, le chantier est gigantesque: 80% des eaux usées dans le monde sont rejetées sans traitement – plus de 90% dans certains pays.

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