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Regain de vigueur du politique en Suisse

L'actualité politique, comme ici l'élection de Hans-Rudolf Merz au gouvernement, suscite un grand intérêt de la part des médias. Keystone

Ce début 2004 marque un renouveau pour la politique. Pour trois des quatre partis gouvernementaux, redéfinition des programmes et retour aux sources sont redevenus des priorités.

La percée de la droite dure aux dernières élections fédérales a contribué à relancer le débat politique

Socialistes, radicaux (PRD / droite) et démocrates-chrétiens (PDC / centre-droit) multiplient les déclarations. Lors d’assemblées ou dans des écrits, les pontes de ces formations plaident pour des programmes plus clairs correspondant mieux à leurs «valeurs de base».

Les citoyens et les médias plus actifs

«Ce phénomène est lié aux élections du 19 octobre», analyse Pascal Sciarini, politologue à l’Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP) de Lausanne.

«La progression de l’Union démocratique du centre (UDC / droite dure) et les changements provoqués au Parlement et au gouvernement ont mené à une politisation accrue à tous les niveaux, qu’il s’agisse des médias, des élites ou de la population», poursuit-il.

«Avec l’évolution dans les rapports de force, la politique reprend de l’importance», affirme encore Pascal Sciarini.

Selon lui, on ne peut plus se contenter de gouverner de manière routinière. Avec ces bouleversements, les accents que l’on met sur l’une ou l’autre politique changent. Les conflits deviennent plus rudes. Les médias couvrent plus les affaires politiques et les citoyens s’y intéressent davantage.

La réaction des perdants

«En essayant d’analyser le succès de l’UDC, les partis ont compris qu’un profil plus clair était nécessaire, déclare Pascal Sciarini. Ils ont également compris qu’un succès futur passait par un discours plus clair et par moins d’incohérences.»

«Cela vaut surtout pour les deux partis du centre-droite qui ont été sonnés par les résultats du 19 octobre», dit-il encore.

«Ils se rendent compte qu’ils doivent trouver un profil capable d’enrayer l’hémorragie d’électeurs. D’où l’importance d’avoir un programme plus ciblé.»

Le Parti socialiste (PS) tente également de mieux se profiler. Et cela même si, mathématiquement, il ne fait pas partie des perdants du 19 octobre. Au contraire; la gauche a réussi à augmenter le nombre de ses députés.

Mais ce gain n’empêche pas le PS de faire figure de perdant. «Au sein du gouvernement, sur certaines questions, les deux sièges du PDC manquent désormais au PS», explique Andreas Ladner, professeur à l’Institut des sciences politiques de l’Université de Berne.

«Il y a clairement une majorité de droite, dit-il. Cela ne peut donc pas être considéré comme une victoire pour la gauche.»

Pas facile de trouver un profil

Le problème, c’est que ces idées de programme clair et de retour aux sources ne peuvent se réaliser d’un simple coup de baguette magique.

«Ce serait trop simple, estime Andreas Ladner. Il faut se demander quelles sont ces valeurs de base et, surtout, si elles peuvent se vendre auprès des électeurs.»

Le cas du PDC illustre bien le problème. «Il est clair que le critère de l’appartenance confessionnelle a perdu en importance, explique Andreas Ladner. Ce n’est donc pas sur cette base que le parti pourra retrouver une vigueur nouvelle.»

Cette analyse est partagée par Pascal Sciarini: «Le fonds de commerce, la raison d’être de ce parti ont été remis en cause. Aujourd’hui, ce n’est plus vendeur d’être chrétien.»

La situation est également difficile pour le PRD. «Il faut observer ce qui se passe dans le reste de l’Europe, argumente Andreas Ladner. Un parti libéral qui représente 20% des voix, comme en Suisse, est une exception. On peut donc se demander quel est l’avenir du PRD.»

Pas de prédestination

Pour l’heure, radicaux et démocrates-chrétiens peinent à remonter la pente.

«Au PDC, la difficulté à trouver un nouveau président illustre le peu d’intérêt pour le poste et les difficultés qui sont pressenties par les papables qui se désistent», indique Pascal Sciarini.

«Chez les radicaux, ce n’est pas très éloigné, poursuit-il. On y a aussi discuté de la pertinence de changer la présidente pour entamer une reconstruction. Cela signifie trouver une idée, faire un vaste programme de consultation interne pour retrouver des assises et repartir sur des bases saines.»

«Il est difficile de trouver des présidents, ajoute Andreas Ladner. On ne sait en effet pas ce que l’on veut faire de ces partis et quel rôle le président doit y jouer.»

Il reste cependant difficile de dire de quoi sera fait l’avenir. «Il n’y a pas de déterminisme en politique, déclare Pascal Sciarini. La polarisation de la politique pourrait se poursuive. Il est aussi possible que les électeurs s’en lassent et qu’on assiste à un retour du centre-droit.»

Mais ce retour nécessite un projet et un profil clair. Pour Pascal Sciarini une solution existe.

«Il y a un terrain qui n’est occupé par personne, déclare-t-il. Ce serait un profil libéral au point de vue économique, mais en même temps ouvert en ce qui concerne la modernisation de la société et l’ouverture internationale.»

«Ce terrain pourrait éventuellement être une solution à long terme pour les deux partis du centre-droit, même si, à court terme, cela suppose encore des pertes de voix au profit de l’UDC qui occupe très clairement le pôle du libéralisme économique et du conservatisme», conclut-il.

swissinfo, Olivier Pauchard

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