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Regards critiques sur l’OMC

A Seattle en décembre 1999, l'OMC a dû faire face aux altermondialistes et à la fronde des pays du Sud. swissinfo.ch

Pour marquer les 10 ans de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les principaux mouvements tiers-mondistes suisses organisent deux jours de débats.

Inventaire des principales critiques adressées à l’OMC et réponses de Nicolas Imboden, consultant en matière de négociations commerciales.

Les plus grosses ONG suisses d’aide au développement – Swissaid, Action de Carême, Pain pour le prochain, Helvetas, Caritas, l’Entraide protestante (EPER)- ont décidé de célébrer à leur manière les 10 ans de l’OMC. Et ce, en organisant – mercredi et jeudi à Berne – un symposium intitulé : «Quel commerce pour quel développement ? »

Pour alimenter les débats, les organisations d’entraide ont procédé à une vaste consultation auprès des ONG du Sud avec qui elles travaillent. Résultat: près de la moitié des 120 organisations consultées ont répondu à l’appel.

Sans surprise, elles rejettent le système économique dominant. Pour elles, «le credo néolibéral est une mystification. L’OMC, les institutions de Bretton Woods (FMI, Banque mondiale), les grandes puissances s’obstinent depuis vingt ans à faire croire que l’intégration au marché mondial constitue le sésame du développement et de la lutte contre la pauvreté. Or il n’en n’est rien.»

En d’autres termes, l’OMC profite essentiellement aux pays riches et à leurs multinationales.

«C’est en bonne partie exact. Mais cette donne est justement en train d’évoluer», juge Nicolas Imboden, co-fondateur du centre Ideas, un bureau basé à Genève qui conseille les pays en développement en matière de négociations commerciales.

L’ancien délégué aux accords commerciaux du gouvernement suisse rappelle que ce sont essentiellement les pays industrialisés réunis au sein de l’OCDE qui ont défini les premiers cycles de négociations commerciales.

«Ces pays ont mis sur la table des discussions les domaines qui les intéressaient, à savoir les produits industriels, les services et la propriété intellectuelle », précise Nicolas Imboden.

Emergence du Sud

Mais depuis la création de l’OMC, la plupart des pays du Sud sont devenus membres de l’organisation basée à Genève. «Et ils défendent de mieux en mieux leurs intérêts », souligne l’ancien ambassadeur suisse.

De fait, la montée en puissance des pays du Sud a déjà fait capoter le sommet de l’OMC à Seattle en 1999 et abouti au lancement en 2001 à Doha d’un nouveau cycle de négociations commerciales prenant mieux en compte les intérêts des pays du Sud.

Cela dit, le cycle en question a pris du retard sur le calendrier initialement prévu. «Pour l’heure, il s’agit toujours d’un catalogue de bonnes intentions », reconnaît Nicolas Imboden.

Faut-il dès lors abandonner cette voie? Une partie des ONG du Sud le pense. «L’OMC est fondée sur la mauvaise hypothèse que le libre commerce globalisé va bénéficier à tous, notamment aux plus pauvres», déclare ainsi Roberto Verzola, membre d’une association philippine.

L’exemple du coton

Nicolas Imboden pense au contraire que les pays les plus pauvres peuvent aussi tirer parti de l’ouverture des marchés et des négociations menées au sein de l’OMC. C’est d’ailleurs l’objectif du bureau qu’il dirige.

Ideas a ainsi aidé les pays africains producteurs de coton – parmi les plus pauvres de la planète – à imposer ce secteur dans le cycle de Doha.

Mais nombre des ONG suisses et de leurs partenaires du Sud jugent ces progrès insuffisants. Quelques-unes préconisent la fermeture pure et simple de l’OMC. Les autres plaident en faveur d’une réforme de l’institution pour la rendre, par exemple, plus démocratique.

Nicolas Imboden rappelle, lui, que chaque membre de l’OMC a la capacité de bloquer les négociations menées en son sein. Tout accord doit en effet faire l’objet d’un consensus et être adopté à l’unanimité.

«Dans les faits, les pays les plus puissants ont évidemment plus de capacité à défendre leurs intérêts », reconnaît l’expert suisse.

Mais l’OMC permet justement de pondérer cette puissance en établissant des règles pour régir le commerce international.

Une alternative dangereuse

Pour Nicolas Imboden, la plus grande menace pour les pays pauvres est ailleurs : elle réside dans les accords bilatéraux qui se multiplient ces dernières années. «Dans ce cadre, les petits pays sont bien plus à la merci des plus gros », rappelle Nicolas Imboden.

Un point de vue que partage la plupart des ONG tiers-mondistes, de même que l’OMC.

Pour freiner cette tendance, il faut donc poursuivre et achever l’actuel cycle de négociations au sein de l’OMC, selon Nicolas Imboden qui précise que ces futurs accords doivent déboucher sur des engagements concrets de la part des pays du Nord.

Et l’ancien délégué aux accords commerciaux de conclure : «Mais au Nord comme au Sud, les gouvernements développent une position de plus en plus défensive. Or pour recevoir, il faut donner.»

swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

L’OMC compte 148 Etats membres.
En 2001, elle a lancé un nouveau cycle de négociations commerciales à Doha au Qatar.
La prochaine conférence ministérielle de l’OMC est prévue en décembre prochain à Hong Kong.

– Swissaid, Action de Carême, Pain pour le prochain, Helvetas, Caritas et l’ Entraide protestante (EPER) sont les principales ONG suisses d’aide au développement.

– Elles développent des actions et des réflexions communes au sein d’une Communauté de travail.

– Elles organisent les 1er et 2 juin à Berne un symposium international consacré à l’OMC.

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