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Renaissance des bouddhas afghans à l’heure suisse

Un des bouddhas détruit par les talibans. Keystone

Dynamités par les taliban le 8 mars 2001, les bouddhas de la vallée de Bamyan en Afghanistan pourraient renaître de leurs cendres grâce à un expert de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich.

Ce dernier les a reconstitués sur ordinateur à partir de photos datant des années 1970.

«La reconstruction des bouddhas datant d’environ 200 ans avant Jésus Christ est techniquement possible. Il ne manque qu’une décision politique», a affirmé Armin Grün mercredi à Genève.

Le professeur de l’Institut de géodésie et photogrammétrie de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) s’exprimait devant l’Association de la presse étrangère en Suisse (APES).

Un coût de 40 millions

Selon des recherches menées partir de photos des années 70 et financées par son équipe, Armin Grün se dit convaincu que la reconstitution du Bouddha le plus haut du monde (53 mètres) détruit par les taliban à Bamyan, à 200 kilomètres au nord-ouest de Kaboul, est réaliste.

Il a même chiffré à 30 millions de dollars (40 millions de francs) le coût des travaux nécessaires pour recréer le Bouddha géant dans la falaise de Bamyan.

Des fonds supplémentaires seraient nécessaires pour les trois autres bouddhas de plus petite taille.

Actuellement, il ne reste plus sur les lieux qu’une montagne de gravats. «La statue a été pulvérisée en environ 4000 pièces», indique le professeur.

Et à son avis, il n’est pas possible de recoller les morceaux originaux. Ces pierres n’ont d’ailleurs pas d’intérêt artistique.

En août 2002, le professeur Grün s’était rendu sur place et avait remis à cette occasion une maquette miniature du Bouddha, à l’échelle 1:200, au vice-président afghan Karim Khalili, ardent supporter de la reconstruction du site.

Une autre maquette de 5,3 mètres en matière plastique est en cours de réalisation à Zurich pour le musée de Kaboul. Elle devrait y prendre place l’été prochain, dès que les locaux du musée auront été restaurés.

Une bataille d’experts

Une bataille d’experts bloque cependant jusqu’à présent une décision sur la reconstruction. Le professeur zurichois n’est ainsi pas d’accord avec le directeur général de l’UNESCO, le Japonais Koïchiro Matsuura, qui souhaite conserver le site tel qu’il est, afin de témoigner de la violence du régime des talibans.

Pour Armin Grün, de nombreux sites historiques dans le monde ont été recréés ex nihilo. D’autres experts sont favorables à la reconstitution des bouddhas tels qu’ils étaient à l’origine.

«Un travail purement spéculatif», affirme Armin Grün, car il n’y a pas de certitude sur l’état des bouddhas il y a 1800 ans. Bien des dommages, par exemple à la tête et aux jambes du Bouddha géant, ont été causés au cours des 17e et 18e siècles déjà.

Un groupe coréen voudrait redonner un visage au Bouddha géant. Mais certains spécialistes estiment qu’il n’en a jamais eu. Il était seulement recouvert d’un masque en bois, derrière lequel les moines s’introduisaient pour la prière.

D’autres ne voudraient reconstruire qu’un des quatre bouddhas. Un projet français propose d’installer à Bamyan un spectacle laser. Enfin d’autres estiment qu’un escalier pour parvenir jusqu’au visage, comme les moines d’autrefois, est nécessaire.

Pour Armin Grün, ce sont en tous les cas des fonds privés qui doivent financer les travaux, et non les gouvernements, pour que l’argent public disponible aille en priorité aux infrastructures du pays, comme les hôpitaux.

En attendant, le gouvernement japonais a donné 800’000 dollars pour stabiliser les roches de la falaise longue de 900 mètres, avec le soutien de l’UNESCO.

Un second apport suisse

Déjà impliqué, via l’EPFZ et le professeur Grün, concernant la reconstruction des bouddhas, la Suisse va également s’impliquer dans un autre projet de restauration dans la vallée de Bamyan. Celle d’une citadelle en pisé.

Le Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) va ainsi accorder à l’UNESCO une aide de 397’000 francs en 2004 et 2005. Après achèvement des travaux, un musée sera créé dans le bâtiment restauré.

Parallèlement, des experts formeront des artisans afghans à la restauration des bâtiments traditionnels construits avec des briques en pisé dans leurs propres ateliers, a indiqué mercredi le DFAE dans un communiqué.

Le 3 juillet dernier, la vallée de Bamyan a été inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Car outre les fameux bouddhas, la vallée abrite de nombreux ensembles monastiques et sanctuaires bouddhistes ainsi que des édifices fortifiés de la période islamique.

En 2002 et 2003, la Suisse a participé à la restauration du minaret de Jam, inscrit en 2002 sur la liste du patrimoine mondial, pour un montant de 194 000 francs.

Elle a également contribué à la mise sur pied du Musée de l’Afghanistan à Bubendorf (BL) pour contribuer à sauvegarder le patrimoine du pays.

swissinfo avec les agences

Les bouddhas de la vallée de Bamyan Afghanistan ont été dynamités par les taliban le 8 mars 2001.
Le coût pour recréer le Bouddha géant dans la falaise de Bamyan est estimé à 40 millions de francs.
Le Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) va accorder à l’UNESCO une aide de 397’000 francs en 2004 et 2005 pour un autre projet de reconstructin dans la vallée de Bamyan. Celle d’une citadelle en pisé.

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