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Votations: victoire du gouvernement, défaite de l’UDC

Ueli Maurer, Finances, Simonetta Sommaruga, Justice et Police, Doris Leuthard, Transports: trois ministres heureux au soir des votations du 5 juin. Keystone

«Le verdict de dimanche, c’est celui du porte-monnaie, écrit ‘Le Temps’. Et pas n’importe lequel: le porte-monnaie fédéral. Car c’est lui qui aurait été mis à l’épreuve en cas d’acceptation des initiatives populaires».

Les citoyens suisses aiment les chemins praticables. C’est la leçon que tirent majoritairement les commentateurs de la presse au lendemain de la quintuple votation de ce 5 juin. Un dimanche de victoire sur toute la ligne pour le gouvernement et de défaite sévère des conservateurs de l’UDC sur leur terrain de prédilection: celui de l’asile.

«Utopie intéressante, le revenu de base inconditionnel était infinançable. L’initiative dite ‘vache à lait’ meurt d’une anxiété similaire. Elle aurait privé le budget fédéral de 1,5 milliard par an. On peut se livrer à la même analyse pour l’initiative sur le service public. Elle aurait privé la Confédération d’un bon milliard de dividendes et d’impôts, sans qu’on puisse avoir la moindre certitude que l’argent ainsi laissé aux ex-régies soit véritablement utilisé dans le sens espéré par les initiants», analyse le quotidien romand.

«Hors-jeu»

«L’UDC hors-jeu dans le domaine de l’asile», titre la ‘Neue Zürcher Zeitung’ (NZZ), pour qui le parti conservateur n’a pas combattu la loi pour elle-même, «mais dans son propre intérêt», en suivant sa logique de «l’opposition comme une fin en soi», alors même qu’il avait été le plus virulent à demander un durcissement. Pour le quotidien zurichois, le verdict des urnes est clair: «les citoyens veulent des solutions, et pas une gestion des problèmes».

«En allemand, elle se dit le ‘Parti suisse du peuple’. Pourtant, hier, ce même peuple a désavoué l’UDC pour la deuxième fois consécutive sur l’immigration, son sujet favori, renchérit ‘La Liberté’ de Fribourg. La formation nationale-conservatrice n’a convaincu qu’un votant sur trois, à peine mieux que son électorat. Pas de fossé donc, cette fois-ci, entre les ‘élites’ et ‘les vrais gens’, que dénonce la ritournelle populiste».

Pour ‘24 heures’, «l’UDC, bien qu’habituée à mener seule ses combats, s’est trouvée dans une posture difficile. Le parti a échoué à expliquer à son électorat la raison pour laquelle il s’opposait à un texte visant à accélérer les procédures d’asile. L’UDC le sait pourtant bien, le succès d’un objet dans les urnes est inversement proportionnel à son degré de complexité».

En Valais, ‘Le Nouvelliste’ relève que «le fait marquant de la campagne aura été l’attitude de l’UDC. Le parti, qui a lancé le référendum, a fait comme s’il ne croyait pas vraiment à son propre combat».

Le ‘Corriere del Ticino’ parle quant à lui d’un «autre coup d’épée dans l’eau pour l’UDC», avec ce référendum «lancé en pleine campagne électorale, au point culminant de deux législatures au cours desquelles l’UDC a recouru (avec succès) à l’arme de la consultation populaire» et qui a rapidement «pris des connotations téméraires, avec ses arguments spécieux et incompréhensibles».

Au Tessin encore, ‘La Regione’ rappelle que «l’accélération des procédures d’asile est un objectif difficilement contestable. Rien d’étonnant dès lors que l’UDC, après la débâcle du 28 février sur son initiative pour la mise en œuvre du renvoi des ‘étrangers criminels’, se soit pris une nouvelle gifle sur un de ses thèmes de prédilection». Autant dire, avertit le quotidien, que le parti devra désormais être plus prudent lorsqu’il s’agit de s’aventurer sur le terrain de la démocratie directe.

«Un peu débile»

Moins diplomate, le ‘Bieler Tagblatt’ juge carrément que «l’UDC voulait une réforme du droit d’asile entièrement à son goût. Tout ou rien. Le concept est un peu débile. Rien n’est plus facile que de rester inflexible sur des exigences maximales, de torpiller un compromis largement soutenu et ensuite de décliner toute responsabilité. Cela se nomme faire de l’opposition fondamentale un but en soi et à n’importe quel prix».

Finalement la ‘Basler Zeitung’, qui affiche souvent des positions proches de l’UDC, semble la seule à trouver quelque vertu à ce référendum contre la loi sur l’asile. Pour le journal, c’est grâce à lui que «le Conseil fédéral, la majorité du parlement et la majorité des partis se trouvent depuis hier face à leur devoir» de tenir leurs promesses de procédures d’asile plus rapides, plus correctes et moins chères.

Touche pas à mon service public

S’agissant de l’initiative dite «en faveur du service public», la ‘Neue Luzerner Zeitung’ juge qu’elle nous a fait vivre «un dimanche de votations ennuyeux au meilleur sens du terme». Soit un dimanche «où les citoyens refusent tout aventurisme, comme ils l’ont fait de manière étonnamment claire» sur cet objet.

Mais malgré cela, prédit le quotidien, la discussion sur les salaires des patrons des anciennes régies publiques va se poursuivre, avec des propositions de la gauche et le soutien de deux ténors de l’UDC à une limitation. C’est ce qui restera de cette initiative.

L’Aargauer Zeitung’ considère pour sa part le verdict des urnes comme «un refus clair des limitations de salaires» pour les patrons de Swisscom, de La Poste et des CFF. «Les propositions des anticapitalistes de gauche et des chantres de la privatisation de droite devront être rejetées. Le Conseil fédéral doit continuer à veiller qu’il n’y ait pas d’excès, mais des limitations imposées par l’Etat ne sont pas une solution dans une économie de marché libérale», écrit le quotidien.

Une idée d’avance

Sur le revenu de base inconditionnel enfin, ‘Le Nouvelliste’ remarque qu’il nous a offert «un sacrément riche sujet de débat. Un débat sur notre manière de vivre et de travailler. Aujourd’hui, demain, dans cinquante ans».

«Hier, à Bâle, les initiants faisaient la fête, écrit le journal valaisan. Ils ont perdu la votation mais tous savent désormais que des pointures en économie et des philosophes réfléchissent au monde du travail des prochaines décennies. Le revenu de base inconditionnel est arrivé trop tôt. Impossible d’accepter ce qu’on ne connaît pas. Prenons le temps de l’apprivoiser. Pour être prêts, dans quelques décennies lorsqu’on en aura tant parlé qu’il sera devenu une évidence».

Dans la même ligne, l’Aargauer Zeitung estime que «l’idée est venue beaucoup trop tôt», parce que «notre Etat social fonctionne finalement bien et notre économie également, ou du moins pas si mal». Reste que l’initiative «pose des questions auxquelles on est loin d’avoir répondu: comment imaginer l’avenir du travail et de l’Etat providence? Sommes-nous prêts pour la numérisation et la robotisation? Allons-nous voir disparaître d’innombrables emplois? Ou vont-ils simplement changer de nature? On ne s’épargnera pas une réflexion sur ces sujets».

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