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Robert Walser en son âme dénudée

Walser, étrange apparition… SP

A Genève, trois acteurs soustraits à la pesanteur prêtent leurs voix à l'écrivain biennois.

Ils sont dirigés par Maya Boesch qui porte à la scène «Lui pas comme lui», un texte en souvenir de Walser, signé Elfriede Jelinek.

Ainsi va-t-il, Robert Walser: «une étrange apparition» scindée en trois. Trois êtres nus comme des vers de terre cheminant lentement, puis s’immobilisant, puis reprenant leur flânerie au milieu d’une vingtaine de spectateurs installés en quinconce dans la salle minuscule du Théâtre T/50, à Genève.

Soit donc une petite chambre d’écho où résonne, dans la pénombre, la voix de Walser, toujours plurielle, ici actualisée par la plume de l’Autrichienne Elfriede Jelinek. Laquelle met son grand talent d’écrivain au service du poète biennois.

Walser le multiple

«Lui pas comme lui» est le titre de ce monologue dans lequel Jelinek en appelle à la fragmentation théâtrale pour s’adresser au multiple Walser, au perfectionniste désespéré, au suicidaire orgueilleux, au fou lucide, au solitaire invétéré.

Walser en son âme dénudée, corps flottant comme les personnages de ses récits («Les Frères et Sœurs Tanner», «L’Institut Benjamenta»…). Comme aussi les trois acteurs qui l’incarnent, échappant on ne sait comment à la pesanteur générale, disparaissant et apparaissant sous l’effet magique d’une lumière stroboscopique.

«Les ombres arrivent et sont soumises à l’homme». Quel lecteur de Walser ne serait perplexe en écoutant ces mots de Jelinek? Mais il ne faut pas chercher pour autant dans le texte de l’Autrichienne des repères biographiques.

«Lui pas comme lui» n’est pas une reconstitution de la vie du Biennois. C’est une écoute intérieure qui glisse sur les questionnements et les souffrances à peine masqués de l’écrivain suisse. Et c’est sans doute pourquoi rien n’est confortable dans le mouvement aigu, presque cruel, qui anime la mise en scène de la Zurichoise Maya Boesch.

Inconfort annoncé par un solo qu’interprète en début de soirée la chorégraphe Noemi Lapzeson. Elle danse «Un Instant». Rien à voir avec le texte de Jelinek. Mais tout à voir avec l’éternelle solitude de l’être.

swissinfo, Ghania Adamo

– Robert Walser est né en 1878 à Bienne, dans le Canton de Berne. Après un apprentissage de commis de banque, il s’oriente vers la littérature, et vit notamment à Berlin et é Berne.

– Dès 1929, il est interné en hôpital psychiatrique, à Berne d’abord, puis à Herisau, où il s’enfoncera dans le silence. Il meurt en 1956.

– «Lui pas comme lui» précédé de «Un Instant» sont à voir à Genève, Théâtre T/50, jusqu’au 18 janvier. Tel: 022 735 32 31

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