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Ruth Dreifuss met le paquet contre la cigarette

Ruth Dreifuss et le directeur de l'Office fédéral de la santé publique, Thomas Zeltner, visent une campagne ambitieuse. Keystone

Plus ambitieux que le premier, le second plan quinquennal de lutte contre le tabagisme, présenté mardi par Ruth Dreifuss, entend bien enrayer la progression du fléau chez les jeunes. Dans la ligne de mire de la ministre de la Santé: le paquet de cigarettes à 5 francs 50, des restrictions publicitaires et l'interdiction de la vente aux moins de 16 ans.

Quatorze milliards et demi de cigarettes vendues en l’an 2000, soit 20 par fumeur et par jour. Même s’il est en baisse constante depuis les années septante, ce chiffre fait encore des Suisses les plus gros fumeurs d’Europe, derrière les Polonais, les Grecs et les Hongrois. Et c’est la jeunesse qui paye le plus lourd tribut à cette dépendance.

Aujourd’hui, 40% des 15-19 ans fument, alors que la proportion était tombée à moins de 20% à la fin des années 80. «Notre premier programme de prévention, lancé il y a cinq ans, ne constituait qu’un modeste début», explique Ruth Dreifuss, particulièrement sensible à l’échec de la prévention chez les jeunes.

La jeunesse constituera donc la cible principale de ce nouveau plan quinquennal. «Ici, l’augmentation de la consommation est inquiétante, d’autant que plus l’on commence à fumer jeune, plus il est ensuite difficile d’en sortir», ajoute la conseillère fédérale. Qui sait assurément de quoi elle parle.

Concrètement, la campagne a débuté dès le 9 mai par une série de spots télévisés. Les programmes seront axés sur quatre objectifs: faire prendre conscience à la population des dangers du tabac, promouvoir la vie saine et la confiance en soi chez les jeunes, aider ceux qui souhaitent arrêter de fumer et protéger les non-fumeurs de l’inhalation passive. «Le tout dans un esprit de tolérance», assure Ruth Dreifuss.

Tout ceci, bien sûr, a son prix. La ministre de la Santé a déjà obtenu de ses collègues du gouvernement un budget de presque 5 millions par an sur cinq ans, soit le double de celui du programme précédent.

Mais Ruth Dreifuss ne cache pas qu’elle souhaiterait faire plus. Au vu du prix d’une bonne campagne de communication, 32 millions sur cinq ans lui sembleraient une somme «raisonnable».

Le Conseil fédéral agira également sur le plan législatif. Actuellement, la loi ne lui permet plus d’augmenter le prix du paquet que de dix centimes. Le Département des finances a donc été chargé de plancher sur une modification qui permettrait d’augmenter la part des taxes payées par chaque fumeur.

Pour Ruth Dreifuss, un paquet à 5 francs 50 représenterait une bonne solution, au vu de ce qui se fait dans les pays voisins. Il ne s’agit donc pas de monter à 8 ou 9 francs comme dans les pays scandinaves, mais il ne faut pas non plus que la Suisse devienne un paradis de la cigarette bon marché au milieu de l’Europe. Ce que d’ailleurs elle est déjà plus ou moins.

Cette incitation par le prix a prouvé son efficacité. Comme le rappelle Thomas Zeltner, directeur de l’Office fédéral de la santé publique, «une augmentation de 10% du prix du paquet fait baisser les ventes de 4% dans la population globale et même de 7 à 8% chez les jeunes, forcément moins argentés».

Reste la question des restrictions publicitaires, dont la mise en pratique se heurte au puissant lobby des cigarettiers. Dans ce domaine, la Suisse compte bien s’aligner sur les pratiques qui finiront par s’imposer dans l’Union européenne.

Et comme ses voisins, elle envisage d’introduire un jour des avertissements dissuasifs du style «fumer provoque le cancer», qui couvriront jusqu’à 40% de la surface frontale du paquet. L’interdiction totale de la vente aux moins de 16 ans est également un des objectifs de Ruth Dreifuss.

Et, à ceux qui lui reprochent de jouer les ayatollahs antitabac alors qu’elle s’apprête à dépénaliser le cannabis, la ministre de la santé répond qu’il s’agit simplement d’harmoniser les pratiques entre un produit bien toléré et un autre strictement interdit. «Le tabac est une drogue et c’est souvent par elle que l’on entre dans les autres», répétera Ruth Dreifuss à qui veut l’entendre.

Marc-André Miserez

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