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Pourquoi la fonte des glaciers nous concerne

De la neige artificielle pour sauver les glaciers alpins

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Vue sur le glacier d'Aletsch, en Valais. Depuis 1850, les glaciers suisses ont perdu 60% de leur volume. Keystone / Anthony Anex

Les glaciers alpins disparaissent en raison du réchauffement climatique. Alors que dans les montagnes certains font appel à la divine providence, des chercheurs tentent de freiner la fonte grâce à des solutions technologiques. Mais sera-ce suffisant?

Début mai, alors que la Suisse était recouverte d’un manteau blanc jusqu’à basse altitude, beaucoup de monde regardait le ciel avec incrédulité. Les agriculteurs craignaient pour les récoltes, les automobilistes pour la tenue des pneus d’été.

Mais pour le glaciologue Felix Keller, l’événement fut une aubaine. Ces chutes de neige exceptionnelles pour la saison, explique-t-il, ont prolongé l’hiver alpin, offrant aux glaciers une protection supplémentaire contre les rayons du soleil.

Pourquoi les glaciers sont-ils si importants?

Du sommet des Alpes à la plaine, la série d’articles de swissinfo.ch illustre les conséquences de la fonte des glaciers à une altitude déterminée et présente les stratégies d’adaptation et d’atténuation adoptées en Suisse.

3000 – 4500 mètres: glaciers et paysages alpins

2000 – 3000 m: tourisme et risques naturels (publication en septembre)

1000 – 2000 m: production hydroélectrique (octobre)

0 – 1000 m: ressources en eau (novembre)

Malgré les chutes de neige inhabituelles de la fin du printemps, les glaciers ont continué de fondre. Les deux vagues de chaleur qui ont frappé la Suisse entre fin juin et fin juillet, avec près de 30 degrés enregistrés à Zermatt, au pied du Cervin, ont encore intensifié le phénomène.

En seulement 14 jours de canicule, les glaciers alpins ont perdu environ 800 millions de tonnes de neige et de glace, écrit sur Twitter Matthias HussLien externe, chef du Réseau suisse de surveillance des glaciers (GlamosLien externe). Cela correspond à peu près à un morceau de glace trois fois plus haut que la Tour Eiffel à Paris. Ou la quantité d’eau potable consommée par la population suisse (8,5 millions de personnes) en un an, note Matthias Huss.

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Kai Reusser / swissinfo.ch

Plus de glace en 2100?

La fonte des glaciers n’est pas un phénomène récent: depuis 1850, le volume des glaciers alpins s’est réduit d’environ 60%. Mais ce qui est surprenant, c’est le rythme auquel les «géants» des Alpes sont en train de rétrécir.

«J’ai l’impression qu’au cours des dix dernières années, la vitesse de fonte des glaciers a considérablement augmenté», affirme Simon Oberli, un photographe naturaliste qui documente le phénomène avec des images panoramiques spectaculaires.

+ La lente agonie du plus long glacier d’Europe

Matthias Huss constate lui aussi que la fonte s’est accélérée depuis 2011. Pour la seule période hydrologique 2017-2018, les quelque 1500 glaciers suisses ont perdu environ 2,5% de leur volume totalLien externe.

A ce rythme, la moitié des glaciers alpins disparaîtront au cours des 30 prochaines années, selon une étudeLien externe de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich. Et si rien n’est fait pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, tous les glaciers de Suisse et d’Europe risquent de fondre dans leur quasi intégralité d’ici la fin du siècle, préviennent les chercheurs.

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Kai Reusser / swissinfo.ch

Alpes sans visage

Les conséquences du recul des glaciers en Suisse, pays particulièrement touché par le réchauffement climatique, sont multiples. Selon l’altitude considérée, elles peuvent être de nature physique, géographique ou économique. Les secteurs les plus touchés sont le tourisme, l’hydroélectricité, la prévention des risques naturels et les ressources en eau.

Quand le passé émerge de la glace

La fonte des glaciers peut également avoir des conséquences positives. Les découvertes archéologiques et les restes humains (y compris ceux d’Ötzi) mis au jour par le retrait de la glace fournissent de précieuses informations sur le passé. Par exemple, sur les déplacements des populations à travers les Alpes et sur les activités en haute altitude.

Dans les régions les plus élevées du pays, entre 3000 et 4500 mètres au-dessus du niveau de la mer, la réduction de la masse de glace modifie inévitablement le paysage alpin. Selon le WWF Suisse, avec la disparition des glaciers, «le visage des Alpes ne sera plus jamais le même». C’est une partie de l’identité nationale qui a contribué à la réputation mondiale de la Suisse qui disparaît.

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La Suisse perd également un patrimoine d’importance nationale. Plus de 60% des glaciers suisses sont inscrits à l’Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturelsLien externe. Avec le recul des glaciers, «c’est une partie de notre histoire qui disparaît», relève la députée écologiste Lisa Mazzone.

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Comment sauver les glaciers?

Il existe de nombreuses options pour ralentir la fonte des glaciers. Depuis plus de dix ans, une partie du glacier du Rhône en Valais est recouverte de feuilles blanches spécialement conçues pour faire écran aux rayons du soleil. L’objectif est de protéger la grotte de glaceLien externe, l’une des attractions touristiques majeures des Alpes suisses.

Ces matériaux géotextiles sont très efficaces à petite échelle, là où l’on veut réduire localement la fonte pour des raisons économiques, souligne Matthias Huss. «Cependant, ils ne sont pas conçus pour sauver un glacier entier. Les coûts l’emporteraient sur les avantages économiques. Je me demande aussi si les touristes veulent vraiment voir des blocs de glace enveloppés dans des feuilles sales.»

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Toiles protectrices sur le glacier du Rhône. On estime qu’il faudrait investir entre 10 et 100 millions de francs par an pour couvrir la totalité du glacier. © Keystone / Urs Flueeler

Le glaciologue suisse Felix Keller a une autre idée: recycler l’eau de fonte qui coule dans la vallée en été. «Nous pourrions la maintenir à haute altitude et la transformer en glace pendant l’hiver. Ou l’utiliser pour produire de la neige artificielle, la meilleure protection possible pour un glacier», explique-t-il à swissinfo.ch.

Concrètement, Felix Keller propose d’installer un système d’enneigement au-dessus du glacier qui ne soit pas soumis aux mouvements du sol et qui n’ait pas besoin d’électricité. Pour être efficace, le système breveté par une entreprise suisseLien externe doit pouvoir produire 30’000 tonnes de neige par jour. «Selon mes partenaires, c’est faisable», estime Felix Keller, qui est responsable du projet.

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Le système d’enneigement breveté par la société lucernoise Bächler Top Track peut être utilisé sans électricité. ©Bartholet Maschinenbau AG

Un projet pilote qui s’étend sur 30 mois et dont le coût se monte à 2,5 millions de francs, a été lancé à la mi-août sur le glacier de MorteratschLien externe, dans les Grisons. Grâce au soutien de l’Agence suisse pour la promotion de l’innovation, de certains instituts de rechercheLien externe et de partenaires industriels, Felix Keller espère trouver des personnes intéressées non seulement en Suisse, mais aussi dans différentes régions d’Europe, de l’Himalaya et d’Amérique du Sud.

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Projet d’enneigement artificiel sur le glacier de Morteratsch, dans les Grisons. On notera la limite des glaciers prévue pour 2040 par les promoteurs du projet avec (‘mit’) et sans (‘ohne’) neige artificielle. ©Academia Engiadina

La méthode est intéressante, commente Matthias Huss de Glamos. «Cependant, les défis technologiques, les coûts globaux et les implications environnementales sont énormes», dit-il.

Certains se tournent vers Dieu, d’autres vers l’humain

Ailleurs, on compte sur la divine providence pour sauver les glaciers. Après avoir obtenu l’autorisation du Vatican, deux communes valaisannes ont modifié le texte d’une prière ancienne appelant à freiner l’avancée du glacier d’Aletsch, le plus grand d’Europe continentale, et à prévenir les risques d’inondation. Depuis 2011, elles prient pour sauver ce site du patrimoine mondial de l’UNESCO du réchauffement climatique.

Matthias Huss, pour sa part, place sa foi dans l’être humain. «Les glaciers ne peuvent être sauvés que par des efforts mondiaux pour protéger le climat. Si le réchauffement climatique est limité à 2 degrés, dit-il, à la fin du siècle, il restera encore un tiers du volume actuel des glaciers alpins.»

Initiative sur les glaciers

Lancée en 2019 par l’Association suisse de protection du climat, l’initiative populaire «Pour un climat sain» (Initiative pour les glaciersLien externe) exige que les émissions nettes de la Suisse soient réduites à zéro d’ici 2050 et que les objectifs de l’accord de Paris sur le climat soient inscrits dans la Constitution fédérale. Le texte a déjà recueilli près de 100’000 signatures et sera donc soumis au vote populaire.

Traduit de l’italien par Samuel Jaberg

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