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Santana, un pont entre l’Afrique et l’Amérique

Santana et samba dans les rues de Montreux, avant le spectacle. Keystone

Avec Idrissa Diop, Mory Kante, Angélique Kidjo ou Carlinhos Brown, le guitariste mexicain a rendu hommage, dimanche à Montreux, aux rythmes africains et brésiliens.

Une soirée explosive qui s’inscrit dans la série d’événements extraordinaires que Carlos Santana concocte expressément pour le Montreux Jazz Festival.

A 20h00, à l’heure où le monde entier se scotchait à son petit écran pour suivre le duel footballistique au sommet, à cet instant précis donc, Carlos Santana, en compagnie d’une masse vrombissante de percussionnistes, entamait un cortège dans les rues de Montreux…

Une demi-heure plus tard, dans l’Auditorium Stravinsky, la parade défile sur les écrans géants, jusqu’au moment où elle entre en chair, en os et en plumes – samba oblige – dans la salle, faisant passer la musique et la vie, sans transition, de l’écran à la scène.

Pendant trois heures, les rythmes matriciels de l’Afrique et de l’Amérique latino vont résonner dans une salle pleine à craquer – preuve que quelques-uns parviennent encore à résister au raz-de-marée du foot – à l’occasion d’une soirée construite sur mesure pour le Montreux Jazz Festival (MJF).

Les soirées spéciales de Carlos Santana

Carlos Santana est venu à Montreux pour la première fois il y a 36 ans, soit un an après son décollage planétaire effectué dans le cadre du plus que légendaire festival de Woodstock. Au fil des ans, le guitariste mexicain est revenu moult fois sur la Riviera lémanique.

Ainsi, en 2004, participant à trois soirées, il a notamment proposé un spectacle bigarré intitulé «Hymns for Peace». Cette année, pour la 40ème édition de la manifestation, il reconduit l’expérience en offrant trois spectacles, dont le premier, «Dance to the Beat of my Drum», a donc été proposée dimanche soir.

«Après le succès de la trilogie d’il y a deux ans, on s’est tout de suite mis en piste pour une nouvelle trilogie, celle-là, encore plus forte», expliquait Claude Nobs à swissinfo peu avant le début du spectacle.

«Ce qui est magnifique avec Santana, c’est qu’il vient avec des idées, on voit que c’est un peu un rêveur, il me demande ce qu’on peut faire avec ça… et je lui réponds: je m’en occupe! C’est-à-dire qu’avec mon équipe, on contacte les musiciens, on va les voir, on tente de les convaincre, ce qui n’est pas trop difficile, et on essaie de monter quelque chose d’exceptionnel», ajoute Claude Nobs.

Mais comment Santana a-t-il décidé de s’engager ainsi pour Montreux, en y proposant des soirées uniques? En voyant ce que Quincy Jones (d’ailleurs présent ces jours à Montreux) était parvenu à monter avec le MJF pendant trois ans, de 1991 à 1993, répond Claude Nobs. A noter que l’année prochaine, des événements spéciaux sont prévus avec R.E.M. et Van Morrison…

«Dance To The Beat of My Drum»

La samba pour commencer, et dans la foulée, quelques titres du Bahianais Carlinhos Brown. Puis c’est l’Afrique qui va prendre les choses en main. La voix haute et douce du Nigéro-Sénégalais Ismaël Lô, qui attaque avec «Africa» et conclura par «Dibi Dibi Rek». Magique.

Il sera suivi par le Malien Mory Kanté, qui n’hésite pas à entrelacer les sons de sa kora dans ceux de la six cordes du guitariste chicano. L’affaire se conclura par un «Yé ké yé ké» joyeusement approximatif et paroxystique néanmoins.

Entracte. Qui se prolonge pour certains… Un certain nombre de spectateurs en effet rateront une partie de la prestation du ‘Kora Jazz Trio’, pour cause de tirs de penalties fatals à la France. C’est le danger des téléviseurs placés dans les halls du Centre des Congrès… Mais ils reprendront vite le cours du spectacle grâce à la furia d’Angélique Kidjo. La Béninoise qui alterne déchainement et recueillement – quand elle chante la Somalie par exemple.

«La Suisse est un pays particulier pour moi. Vous parlez quatre langues et vous ne vous déchirez pas… J’aimerais que mon continent fasse pareil», dit-elle au public. A noter que ce soir à Montreux, on chante en espagnol, en portugais, en anglais, en diverses langues africaines et beaucoup en français…

Car les Sénégalais Touré Kunda, leur compatriote Idrissa Diop, directeur musical de la soirée, et l’Antillais Alain-Roland Gilles viendront aussi apporter leur pierre à cette Tour de Babel intercontinentale.

Plutôt «avec» que «contre»

Derrière tous ces invités, le Santana Band apporte sa formidable maîtrise rythmique. Avec dans l’équipe les Chester Thomson et autres Dennis Chambers, mais aussi le fidèle percussionniste Armando Peraza, 82 printemps au compteur. Des Latino-Américains au service des Africains, parfois l’inverse, par exemple quand Toure Kunda chante du Santana, «Africa Bamba» en l’occurrence.

Et pendant ce temps, le maestro Carlos veille, s’effaçant quand il le faut, déployant les feux de sa guitare quand un chorus le demande. On réalise alors à quel point son style est personnel – c’est une évidence de le dire – et universel à la fois.

Tout le monde se retrouvera sur scène pour interpréter «Africa Unite» de Bob Marley. Puis le Brésil rejoindra l’Afrique avec une nouvelle déferlante de samba et de fesses tournoyantes. Apparition de Quincy Jones, jovial, et de Claude Nobs, en transe derrière des congas.

Le ‘joyeux anniversaire’ trépidant que lui chanteront en chœur, sur le coup de minuit, les au moins cinquante musiciens réunis sur scène ne sont pas loin de ressembler à une apothéose.

Victoire de l’Italie contre la France. Egalité entre l’Amérique latine et l’Afrique. L’avantage de la musique sur le sport, c’est qu’elle propose de jouer avec l’autre plutôt que contre lui…

swissinfo, Bernard Léchot à Montreux

Le 40e Montreux Jazz Festival a lieu jusqu’au 15 juillet.
Dimanche ont été signés, au Palace de Montreux, les accords entre le Montreux Jazz Festival et les autorités de la ville de Marrakech (Maroc) pour la tenue d’un ‘Montreux Jazz Festival de Marrakech’.
Sa première édition se tiendra du 3 au 5 novembre. Nous y reviendrons prochainement sur swissinfo.

Carlos Santana naît en 1947 dans le village mexicain d’Autlan. Sa famille s’installe à Tijuana en 1955, puis en Californie en 1961.

Carlos pratique la guitare dès l’âge de 5 ans. Woodstock, en 1969, le révèle à la planète entière. Les succès s’accumulent au cours des années 70 et 80, puis vient l’éclipse.

Mais le CD «Supernatural», en 1999, connaît un succès phénoménal. Il sera suivi de «Shaman» en 2002, puis de «All that I Am», le 38ème de sa carrière.

A Montreux, cette année, il présente trois spectacles: ‘Dance To The Beat Of My Drum’ (9.7.), ‘My Blues is Deep’ (10.7.), et ‘Santana!’ (12.7.)

Le mardi suivant le concert, ‘Dance To The Beat Of My Drum’, Carlos Santana a donné conférence de presse à Montreux. Extraits choisis.

«Lors de ce concert, j’ai vu des enfants, des adolescents, des parents, des grands-parents. C’est le plus beau compliment qu’on peut recevoir quand on fait de la musique.»

«La mélodie est la partie féminine de la musique. Le rythme sa partie masculine. C’est un équilibre magique.»

«Le monde a besoin d’être soigné, car le monde est malade de la peur. La musique apporte la joie, et la joie est le contraire de la peur.»

«Je me revois à Tijuana, jouant de la guitare dans la rue avec un chapeau posé à côté de moi. Je suis resté le même… mais le chapeau est devenu très grand!»

«Si vous avez un complexe de supériorité ou d’infériorité, il ne faut pas jouer de la musique. Il faut participer à la Coupe du monde. Car là, il s’agit de perdre ou de gagner…»

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