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Sauvés des eaux !

L'eau reste le principal ennemi des sauveteurs, et les rescapés ne sortiront de la grotte qu'à pied sec. Keystone

A Goumois, les huit jeunes Zurichois, bloqués depuis mercredi dans la grotte, attendent toujours de pouvoir être ramenés à la surface. Mais le soleil brille ce samedi et la nuit a été nettement plus rassurante que les deux précédentes. Retour sur les événements d'une journée qui aura vu les rescapés, leurs familles et les sauveteurs passer par toutes les émotions.

Vendredi, cinq heures du matin. Devant les barrières que la Gendarmerie a installées dans un virage de la route menant à la grotte, le sous-préfet du Doubs Jean-Luc Fabre a peine à cacher son abattement. «Nous gardons espoir», dit-il à la meute de cameramen, photographes et journalistes accourus du village de Goumois, trois kilomètres en contrebas, selon un rituel qui se répète toutes les deux heures depuis la veille au matin.

A sept heures, l’ambiance est encore plus sombre. Sous un ciel plombé et une pluie qui s’est remise à tomber de plus belle, le sous-préfet dit sobrement vouloir «refuser de perdre espoir». La nuance est lourde de sous-entendus. A ce moment, les huit naufragés de la grotte sont coincés au fond depuis 36 heures. Les craintes les plus folles circulent, on parle d’immersion dans une eau à 5 degrés, d’obscurité, d’abattement probable.

Malgré tous leurs efforts, les sauveteurs ne sont parvenus à progresser que d’à peine 40 mètres dans ce boyau inondé qui en fait plus de 400. Jean-Luc Fabre explique qu’une seconde stratégie a été mise en œuvre: tenter de rejoindre directement la «Chambre des Ecritures», à 75 mètres de l’entrée. Pour pénétrer dans cette salle, la première où le groupe aurait pu trouver refuge, on a commencé à forer une cheminée directement depuis le sol de la forêt.

«La progression a été rapide au début, mais nous sommes maintenant tombés sur de la roche dure. Cette solution est aléatoire», admet le sous-préfet, qui n’a plus vraiment l’air d’y croire, même s’il ajoute : «c’est quitte ou double, mais ou ne quitte pas, ou double».

Les sauveteurs, qui forent à la dynamite et au marteau-piqueur, ne se le font pas dire. Redoublant de vigueur, ils parviennent en deux heures à percer le plafond de la salle. Il est neuf heures du matin et l’immense espoir auquel on s’accroche depuis le milieu de la nuit s’envole en quelques minutes: la Salle des Ecritures est vide.

Les plongeurs savent que la suivante est à près de 75 mètres de là. Dans une eau toujours aussi froide et tellement opaque que la visibilité n’excède pas 75 centimètres, ils se lancent alors dans l’étroit boyau. Et là, miracle: à six mètres seulement de la salle, ils émergent dans une petite cavité et les huit rescapés sont là. Vivants, affaiblis mais en bonne santé.

La nouvelle se répand en quelques minutes jusqu’au fond de la vallée. Il est 10 heures 45 et le soleil perce enfin les nuages. Journalistes, habitants, familles, tout le monde a le sourire. C’est comme si le jour se levait enfin sur Goumois. A l’épicerie, la vendeuse est rayonnante. «Je n’avais jamais vu autant de monde en semaine, admet-elle, mais je n’étais pas heureuse de faire de l’argent sur le malheur des autres».

Dans le camp des sauveteurs, Peter Oberhenzli, représentant du consul de Suisse à Mulhouse, congratule les familles des rescapés, avec lesquelles il vient de vivre ces heures d’angoisse. D’un naturel optimiste, il explique à qui veut l’entendre qu’il n’a jamais cessé d’y croire.

La vague de joie remonte même jusqu’à Berne. En visite officielle dans la capitale, le ministre français des affaires étrangères Hubert Védrine dit son soulagement à son homologue Josef Deiss, qui à son tour remercie la France pour le magnifique travail de ses spéléos, de ses plongeurs, de ses pompiers et de ses gendarmes.

«Pour nous spéléos, des camarades coincés au fond sont vivants tant que l’on n’a pas retrouvé leurs cadavres», rappelle Eric Zipper, responsable départemental des secours, avant d’expliquer que désormais, la priorité n’est plus à la lutte contre la montre, mais à la sécurité.

Un médecin descend encadrer les cinq jeunes gens et les trois jeunes filles. On leur apporte des vêtements chauds, de la nourriture, des boissons, de la lumière. Les sauveteurs les trouvent plutôt en bonne santé. Ils ont su se tenir chaud, se remonter le moral et même économiser les piles de leurs lampes, qui ne sont pas tout à fait mortes.

Et, détail important, ils n’ont jamais eu les pieds dans l’eau. On décide alors qu’il n’est pas question de leur faire franchir les six mètres séparant leur refuge de la Salle des Ecritures en plongée. Quel que soit le temps qu’il faudra, on videra d’abord cette section du boyau, pour les faire passer à pied sec. Ensuite, on les hissera à l’air libre sur les huit mètres de la cheminée que les sauveteurs ont creusée depuis la surface.

Dans l’euphorie de ce sauvetage, s’engage alors une nouvelle attente. En milieu d’après-midi, une des pompes rend l’âme. Il faudra plusieurs heures pour la remettre en service. Et la pluie du matin continue à faire monter le niveau de l’eau. En début de nuit, on se prépare à soutenir un nouveau siège.

Mais en sachant que l’issue en sera forcément heureuse.

Marc-André Miserez, Goumois

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