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De l’eau au lieu de l’air pour économiser l’énergie

Aquasar, le super ordinateur «à l’eau» de l’EPFZ, tourne depuis mai 2010. Keystone

Le super ordinateur le plus rapide d’Europe est refroidi à l’eau et non à l’air, ce qui permet une économie d’énergie de 40%. Cette innovation découle d’un projet de recherche entre l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) et le constructeur IBM.

Se déplacer en automobile ou en avion, ce n’est pas bien. Par contre, échanger sur Facebook ou organiser des vidéoconférences, c’est se soucier de l’environnement. Opinion très répandue, mais pas vraiment exacte. Selon des estimations (faute de chiffres officiels), les ordinateurs du monde généreraient grosso modo autant de CO2 que l’ensemble du trafic aérien.

Autant dire que la consommation et l’efficacité énergétique sont des thèmes centraux pour le développement de l’informatique. Et ceci également pour des raisons de coûts.

Pour un super ordinateur comme celui de l’EPFZ, les coûts se répartissent pour moitié entre la construction et la dépense d’énergie. Rien que la climatisation, telle qu’on doit l’installer dans la plupart des centres de calcul, consomme à elle seule la moitié de l’énergie totale nécessaire au fonctionnement de la machine.

«Les ordinateurs transforment entièrement l’énergie électrique en chaleur. Avec la climatisation, cette énergie est dispersée dans l’environnement en pure perte. Dans la plupart des cas, l’air est refroidi en amont, ce qui veut dire que nous avons encore besoin d’énergie pour les ventilateurs qui éliminent l’air chaud», explique Dimos Poulikakos, directeur du Laboratoire de thermodynamique des nouvelles technologies de l’EPFZ.

Prototype

Dimos Poulikakos se tient devant le super ordinateur Aquasar, entré en service en mai 2010. Construit par IBM, il dispose d’un système de refroidissement développé par l’EPFZ. Au lieu d’air refroidi, c’est de l’eau qui circule dans la machine, qui se réchauffe à son contact et qui contribue ensuite à alimenter le système de chauffage et d’eau chaude des bâtiments.

«L’eau circule dans un circuit. Ce système peut être installé n’importe où. Nous l’utilisons pour le chauffage, mais dans un pays chaud, il peut par exemple être utilisé pour le dessalage de l’eau de mer, explique le scientifique. Nous avons divisé par deux notre dépense d’énergie, nous n’avons pas besoin de refroidir de l’air, ni d’en évacuer. Et en plus, nous gagnons la chaleur au lieu de la perdre».

Enoncée de cette manière, la chose paraît simple. Elle l’est moins en réalité, car contrairement à l’air, l’eau est un bon conducteur d’électricité. «Nous avons donc dû développer des échangeurs de chaleur spéciaux, que nous avons collé au dos des circuits intégrés, sur la partie qui n’est pas active, explique Dimos Poulikakos. Aquasar est un prototype, mais il fonctionne sans problèmes depuis des années».

Précision chirurgicale

Malgré cela, les chercheurs de l’EPFZ ne sont toujours pas totalement satisfaits des résultats. «L’art de la chose, c’est d’arriver toujours plus près du circuit pour éliminer la chaleur. Nous devons intervenir sur le circuit avec une précision chirurgicale, pour amener l’eau et évacuer la chaleur là où ça chauffe vraiment, explique Dimos Poulikakos. La nouvelle technique que nous avons développée fait passer l’eau par des microcanaux, bien plus directement au cœur du circuit. C’est plus efficace. Le système semble fiable et la production en série ne devrait être qu’une question de temps».

Le système éprouvé depuis des années sur Aquasar, par contre, est prêt pour la production en série. «Aquasar est un bon exemple de la manière dont la collaboration entre recherche et industrie peut aboutir sur un produit révolutionnaire», se réjouit Dimos Poulikakos.

Trois billiards à la seconde

Depuis quelques mois, IBM applique le système de refroidissement à eau Aquasar à grande échelle dans la région de Munich, où le géant informatique a construit SuperMUC, qui est depuis l’été le super ordinateur le plus rapide d’Europe.

Ses capacités sont énormes. Il peut effectuer chaque seconde jusqu’à trois billiards d’opérations (qui s’écrirait 3 suivi de 15 zéros). Il est au service de la recherche et de l’industrie.

«Avec le refroidissement à eau, nous pouvons économiser 40% des frais d’énergie. Ce qui correspond à près de 20% des frais globaux sur la durée de vie de la machine. Et maintenant , nous offrons le système SuperMUC sur le marché. Dans ce domaine, nous sommes les leaders», explique Bruno Michel, du centre de recherche IBM de Zurich. Et selon lui, la concurrence ne va pas tarder à proposer aussi des systèmes refroidis à l’eau.

Le super ordinateur du Centre de calcul Leibnitz, à Garching, près de Munich, dispose de la puissance de calcul de 110’000 ordinateurs standards. Cette machine de 100 tonnes peut traiter trois petaflops de données par seconde, ce qui correspond à la situation théorique où trois milliards d’individus seraient capables d’effectuer sur leur calculette un million d’opérations par seconde.

SuperMUC a été inauguré en juillet 2012, pour le 50e anniversaire du Centre de calcul de Leibnitz. Il place l’Allemagne au quatrième rang du classement mondial des pays dotés de super ordinateurs.

Le système de refroidissement à eau permet d’économiser au bas mot un million d’euros par année.

Traduction de l’allemand: Marc-André Miserez

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