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A Zurich, une stalagmite livre les secrets mayas

La culture maya vit toujours en 2012, y compris les rituels traditionnels. AFP

Des chercheurs sont en train de faire la lumière sur les changements climatiques ayant bouleversé l’ancienne civilisation maya. Ils sont aussi sûrs d’une chose: les Mayas n’ont pas pronostiqué la fin du monde, comme certains le pensent.

Tout a commencé avec une stalagmite: c’est l’objet reçu à des fins d’analyse par Sebastian Breitenbach, chercheur post-doc à l’Ecole polytechnique fédérale (EPF) de Zurich, il y a plusieurs années. La pièce venait du Bélize, pays d’Amérique centrale qui a fait partie de l’ancien empire maya.

En tant que paléoclimatologue, le chercheur savait ce qu’il devait chercher: des isotopes stables, des dépôts d’uranium par exemple, susceptibles de révéler la trace de pluies ou d’autres changements environnementaux survenus il y a des centaines d’années.  

Avec ses collègues chercheurs réunis au sein d’une équipe internationale, le Zurichois fit bientôt d’étonnantes découvertes. «La précision des renseignements livrés par la stalagmite est de 5 à 10 fois plus élevée que ce que l’on trouve habituellement dans cette région du Bélize, explique le chercheur. Nous avons par exemple des études de stalagmites provenant du Yucatan, mais la marge d’erreur est bien plus grande.»

La recherche climatique ne consiste pas seulement à mesurer la quantité de précipitations, explique le paléoclimatologue Sebastian Breitenbach. Aujourd’hui, les chercheurs essayent aussi, par exemple, de déterminer quelle proportion de ces pluies s’est évaporée.

L’enquête climatique est plus facile dans des pays comme la Suisse, qui enregistre ses données météorologiques depuis assez longtemps. Dans d’autres régions du monde, il est difficile de comparer avec des données du passé.

«Au Bélize, les données les plus anciennes remontent aux années 1940 ou 1960, précise Sebastian Breitenbach. Il est donc très difficile de dire si un petit changement dans les données sur l’oxygénation, par exemple, est lié à une certaine quantité de pluie.»

De la sécheresse à la ruine?

Selon l’équipe de Sebastian Breitenbach, dont les analyses ont été publiées le mois dernier, cette partie de l’empire maya a subi, voilà plusieurs centaines d’années, des phases subites d’extrême sécheresse et de changement climatique. La question se pose alors: serait-ce pour cette raison que les Mayas auraient abandonné leurs villes?

«La fin d’une civilisation ne peut jamais être attribuée à un seul élément, relativise l’expert maya Eric Velásquez, de l’Université nationale autonome du Mexique. Dans certains cas, les archéologues ont pu déterminer que la déforestation et des catastrophes environnementales avaient accéléré la crise de certaines villes. Mais, dans d’autres cas, ce sont plutôt les guerres et la violence qui ont joué le rôle principal.»

Selon ce spécialiste, ce n’est pas la sécheresse qui a conduit à la décrépitude de la ville de Mayapan, sur la péninsule du Yucatan, au milieu du XVe siècle, mais des combats entre groupes rivaux.

Sebastian Breitenbach montre toutefois que la seule période de sécheresse prolongée a eu lieu à l’époque même où l’on pense que la culture classique des Mayas s’est effondrée. Des tendances à la sécheresse ont touché la région entre l’an 660 et 1000, suivies par une véritable sécheresse entre 1020 et 1100. Ces événements ont provoqué des conflits armés et des troubles qui peuvent avoir, finalement, provoqué la décadence de tout l’empire aux alentours des années 1300.

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Autres preuves

Le chercheur de l’EPFZ sait que ses révélations vont provoquer des réactions sceptiques, mais il insiste sur la grande précision des résultats, la marge d’erreur étant de 17 ans, rappelle-t-il. La poursuite des recherches va du reste fournir des preuves supplémentaires très solides attestant que la sécheresse a affecté l’empire maya.

Ainsi, des collègues de Sebastian Breitenbach sont en train d’analyser les isotopes des anneaux d’arbres pour trouver des traces de la sécheresse. Pour l’heure, les examens semblent confirmer les premiers résultats.

Ces chercheurs travaillent également sur les linteaux, les pièces de bois surmontant les portes des habitations mayas, dans le but de définir leur date de construction et l’âge de l’habitat.

Pour un autre spécialiste de la civilisation maya, Alfredo Barrero, de l’Institut national d’histoire anthropologique, la technologie des nouvelles méthodes d’enquête est à même de percer les secrets des Mayas et de leur mode de vie. «Les technologies contemporaines permettront d’étudier la composition des matériaux que les Mayas utilisaient pour fabriquer leurs outils, par exemple», déclare-t-il.

Actuellement, Sebastian Breitenbach étudie les données climatologiques de Sibérie concernant le permafrost, la couche gelée, vitale en haute altitude, contenant d’importants dépôts de méthane et d’autres gaz à effet de serre. Les résultats de ces recherches seront publiés prochainement.

Le chercheur s’intéresse aussi aux moussons des siècles passés en Inde. Leur évolution montre que leur intensité et leur fréquence ont récemment augmenté, affectant, potentiellement, jusqu’à un milliard de personnes.

Des calendriers à coordonner

L’archéologue responsable des recherches, Douglas Kennett, étudie en outre les inscriptions des linteaux et d’autres objets mayas pour améliorer la coordination des désormais célèbres calendriers mayas avec le nôtre, laquelle montre de nombreuses erreurs.

«De notre point de vue, la prophétie selon laquelle la fin du monde serait programmée pour le 21 décembre 2012 est un non-sens, affirme Sebastian Breitenbach. C’est la fin d’un calendrier, pas du monde. La connexion entre le calendrier maya et le nôtre n’est pas aussi étroite que nous le pensons.»

Les Mayas modernes

Si l’on évoque souvent la «disparition» ou la «fin» de l’empire maya, la réalité est plutôt, selon les chercheurs, que la société maya a évolué et s’est dispersée. «On ne peut pas parler de l’extinction d’une culture quand 5 millions de personnes parlent encore sa langue et conservent son style de vie, relève Eric Velásquez. Les Mayas ont transporté leur art de vivre ailleurs, souvent dans de grandes villes. Ce sont des gens modernes vivant avec des traditions ancestrales.»

Pour Sebastian Breitenbach également, les descendants des Mayas vivant aujourd’hui en Amérique centrale démontrent clairement que la civilisation n’a pas disparu. Mais il n’en demeure pas moins que de nombreuses questions n’ont pas encore été résolues sur les changements radicaux qui ont touché cette culture il y a plusieurs centaines d’années, des changements dont les conséquences pourraient avoir perduré jusqu’à l’époque moderne.

«Ce n’est pas comme si une catastrophe s’était abattue sur les Mayas, les tuant tous d’un seul coup, note encore le chercheur de l’EPFZ. Mais il serait vraiment intéressant de savoir pourquoi les gens ont quitté les villes et se sont installés dans les forêts et les petits villages.»

(Traduction de l’anglais: Ariane Gigon)

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