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Remarcher un jour: on avance pas à pas

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Les medias se font régulièrement l’écho d’avancées scientifiques qui permettraient aux paraplégiques de remarcher un jour. La Suisse est à la pointe dans certains de ces domaines de recherche. Mais ceux qui les mènent rappellent que les développements prennent beaucoup de temps.

En mai 2012, la jeune Britannique Claire Lomas, une ancienne cavalière de compétition devenue paraplégique suite à une chute de cheval, termine le marathon de Londres grâce à son «exosquelette». Au lieu des 2 heures des champions, ses jambes bioniques lui ont permis de parcourir la distance en… 17 jours.

Le coût de son équipement, bourré d’électronique, atteignait la coquette somme de 63’000 francs suisses. C’est l’un des grands obstacles de ces nouvelles technologies, car la plupart des patients ne peuvent verser de telles sommes.

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Les assureurs ne sont pas obligés de passer à la caisse. Si le handicap a été causé par une maladie, l’assurance doit garantir que des mesures «simples et adéquates» soient prises pour aider la personne. Si la paralysie est due à un accident, c’est alors l’assurance accidents qui sera sollicitée et il est possible que la prise en charge soit plus étendue.

Les solutions robotiques ne peuvent pas s’appliquer à tous les cas. Ce qui est adéquat pour un patient peut ne pas l’être pour un autre. Les chercheurs travaillent sur des solutions thérapeutiques moins coûteuses et plus simples à mettre en œuvre.

«Il y a une course à qui trouvera le premier la meilleure thérapie», admet Grégoire Courtine, un spécialiste du cerveau de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Il est très difficile de travailler dans ce domaine, ajoute-t-il: «Tout le monde pense avoir la solution et est persuadé que les autres ne comprennent rien!»

A la une des journaux

Les travaux de Grégoire Courtine ont fait la une des journaux l’année dernière, trouvant un écho dans les colonnes du New York Times et sur les écrans de CNN. Publiées dans la revue Science, ses recherches montraient que des rats totalement paralysés suite à une lésion de la moelle épinière pouvaient «apprendre» à remarcher.

Le chercheur et son équipe étaient parvenus à «réveiller» la moelle épinière par stimulation chimique (injection de molécules), puis électrique (avec des électrodes). Ensuite, les rats ont subi un entraînement physique – tapis roulant où le rat était soutenu par un harnais. Après deux mois, les rongeurs couraient.

Pourtant, cette trouvaille ne signifie pas encore que l’on peut guérir les lésions médullaires. «Le maximum à attendre est probablement de voir des personnes capables de faire quelques pas avec un déambulateur», indique Grégoire Courtine, interrogé par swissinfo.ch. «Mais de nombreux patients me disent que ce serait merveilleux et que leur vie serait très différente. Et c’est bien mon but: permettre à des personnes d’avoir une vie meilleure grâce à notre travail.» Imaginer des personnes paralysées se remettre à courir est «une utopie», ajoute le chercheur.

Grégoire Courtine vise à développer un système ambitieux combinant un déploiement d’électrodes médullaires extensibles, des substances chimiques et une réhabilitation physique. Mais il ne fonce pas tête baissée. «Nous procédons de manière systématique. Cela signifie que je ne veux pas passer [d’un coup] des rats aux êtres humains, ce qui pourrait avoir des effets pharmacologiques dangereux.»

Les premiers tests cliniques avec les électrodes pourraient avoir lieu cette année, avec le système robotique qui est développé en parallèle par une entreprise qui n’a pas encore de nom. Il faudra attendre un peu plus longtemps pour les substances pharmaceutiques. La neuro-toxicité doit être testée sur des primates non humains, car les substances seront injectées près de la lésion de la moelle épinière.

«D’ici trois à cinq ans, nous espérons que nous pourrons inclure les substances dans des tests sur des patients aussi vite que possible après l’accident ayant causé la lésion», explique le chercheur. «La grande question est: seront-elles aussi efficaces sur les êtres humains?»

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Après une attaque cérébrale

De son côté, Ability, une start-up basée à Zurich, développe un système qui pourrait remplacer les tapis roulants utilisés aujourd’hui pour réapprendre aux victimes d’attaques cérébrales à remarcher.

«Quelque 15’000 personnes survivent à une attaque cérébrale en Suisse chaque année», souligne le jeune (32 ans) directeur général Cornel Stuecheli. «Nous avons décidé de mettre notre priorité sur les patients et laisserons les médecins penser à d’autres applications.»

Pour l’heure, Ability reste à flots grâce à des investisseurs privés. Le système prévu accompagne le mouvement naturel de la marche. Son avantage est qu’il permettrait aux patients de travailler avec un seul physiothérapeute, au lieu de trois actuellement.

Ability planche aussi sur le système nerveux et sa capacité à se «rebrancher» lui-même, moyennant une stimulation adéquate. Laquelle ne passe pas forcément par le cerveau. Certains mouvements fonctionnent sans matière grise – que l’on songe aux poules sans tête courant dans tous les sens – et peuvent être réappris.

L’entreprise avance lentement car, aux dires de son directeur, le confort et la sécurité des patients sont prioritaires. Ability veut éviter un système par trop technique. «L’appareil, comme le corps humain, doit avoir été optimisé pour sa fonction. En d’autres termes, il doit avoir une efficacité inhérente», ajoute Cornel Stuecheli. Les coûts restent un facteur décisif, comme pour l’exosquelette.

«Le marché de la neuroréhabilitation est en pleine croissance, ajoute-t-il, car les cliniques sont prêtes à investir.» «Le but est de permettre aux personnes de quitter leur chaise, au moins une partie de la journée. Le gain d’autonomie est un élément essentiel. Ce qui compte, c’est de pouvoir se prendre en charge soi-même», conclut Cornel Stuecheli.

(Traduction de l’anglais: Ariane Gigon)

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