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Les chercheurs se rapprochent du boson de Higgs

Le boson de Higgs avait été postulé par déduction en 1964. Les chercheurs ont aujourd'hui quasiment la preuve de son existence. Cern

Les physiciens du CERN ont découvert une particule «compatible» avec les caractéristiques du boson de Higgs. Des vérifications sont toutefois nécessaires pour s’assurer qu’il s’agit bien de la fameuse particule, considérée comme la clef de voûte de la structure fondamentale de la matière.

ll est encore trop tôt pour dire qu’il s’agit bien du boson de Higgs mais les physiciens du CERN ont applaudi debout mercredi matin la découverte d’une nouvelle particule «compatible» avec ce chaînon manquant de la physique des particules, qu’ils traquent depuis des décennies.

Le boson de Higgs, insaisissable car extrêmement instable, est considéré par les scientifiques comme la clef de voûte de la théorie du «Modèle standard» définissant la structure fondamentale de la matière.

Peu importe qu’ils aient réellement mis la main sur cette «fichue particule» expliquant pourquoi d’autres particules élémentaires ont une masse, ou sur une autre encore plus «exotique» ouvrant la porte à de nouvelles théories. La joie et le soulagement se lisaient sur les visages de tous les physiciens qui assistaient au séminaire organisé à Genève par l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (Cern).

«Champagne» pour Peter Higgs

«Je n’aurais jamais espéré voir cela de mon vivant, et je vais demander à ma famille de mettre du champagne au frais», a lancé le Britannique Peter Higgs qui, dès 1964, avait postulé l’existence du boson portant son nom, avec ses collègues belges Robert Brout (mort en 2011) et François Englert, assis juste à côté de lui, les larmes aux yeux.

«Nous avons franchi une nouvelle étape dans notre compréhension de la nature», a déclaré le directeur général du Cern, Rolf Heuer, visiblement très fier du travail accompli.  Pour le président de l’Institut britannique de physique, Peter Knight, «la découverte du Higgs est aussi importante pour les physiciens que la découverte de l’ADN le fut pour les biologistes».

Mais peut-on vraiment dire qu’on a trouvé le boson de Higgs? «Si j’étais un profane, j’aurais dit que nous l’avons trouvé», a assuré Rolf Heuer lors d’une conférence de presse. «Mais en tant que scientifique, je me dois de dire que nous avons trouvé quelque chose. Nous avons découvert un boson et maintenant nous devons déterminer de quel genre de boson il s’agit», a-t-il insisté.

Plusieurs variétés

Depuis 1964, plusieurs variétés de bosons de Higgs ont été proposées par les théoriciens. En vérifiant les propriétés de la nouvelle particule, «on saura à qui on a à faire. Est-ce bien le boson de Higgs tel que décrit par le Modèle standard? Si oui, il devrait être produit à une fréquence bien précise et se désintégrer de façons bien établies», explique à l’AFP Pauline Gagnon, de l’expérience Atlas du Cern.

Chaque modèle de boson de Higgs se désintégrerait en effet de manière distincte, produisant des signaux différents pour chaque cas de figure, un peu comme les multiples façons de rendre la monnaie sur une pièce d’un euro.

«Je peux vous donner 2 pièces de 50 centimes, ou 10 pièces de 10 centimes, ou 1 fois 50, 2 fois 20 et 2 fois 5. Chaque façon de faire la monnaie représente un canal de désintégration. Pour le boson de Higgs, la fréquence est pré-déterminée», souligne Pauline Gagnon.

Une probabilité de 99,99995%

Les chercheurs pensent pouvoir en dire plus d’ici la fin de l’année. La découverte s’est jouée au coeur du Grand collisionneur de hadrons (LHC) du Cern, le plus grand accélérateur de particules au monde. C’est dans cet anneau de 27 km de circonférence situé à 100 mètres sous terre que les physiciens font s’entrechoquer des milliards de protons en espérant trouver la trace du boson dans les débris, une cascade de particules, à l’aide de myriades de détecteurs.

En décembre dernier, la cachette du boson de Higgs s’était déjà singulièrement réduite, les deux expériences indépendantes en cours au LHC (Atlas et CMS) pointant vers une région comprise entre 124 et 126 gigaélectron-volts. Une zone désormais confirmée et précisée.

Mais la marge d’erreur restait bien trop importante pour permettre aux chercheurs d’affirmer formellement avoir «découvert» le boson et ils avaient dû se contenter d’évoquer une simple «indication» sur sa présence. Grâce à des milliards de collisions supplémentaires au printemps, CMS et Atlas ont cette fois atteint une fiabilité suffisante: 99,99995%.

Tout ce qui existe dans l’univers est fait de 24 constituants de base, nommés particules élémentaires. Elles se combinent entre elles pour donner notamment les briques qui forment les atomes. Et ces particules sont gouvernées par quatre forces élémentaires. C’est ce que postule le modèle standard de la physique, basé sur plus d’un demi-siècle d’expériences.

Une 25e particule est toutefois nécessaire pour expliquer pourquoi les autres ont une masse. Schématiquement, l’univers primitif a baigné dans un champ de force qui freine les mouvements des particules comme le ferait une espèce de mélasse. Les particules qui interagissent le plus avec cette mélasse sont devenues les plus lourdes, et inversement. Découvert par trois physiciens, ce champ n’a gardé que le nom du premier, Peter Higgs. Et la particule qui en véhicule la force est devenue le boson de Higgs. Le problème, c’est que depuis 1964, on n’a jamais réussi à prouver son existence expérimentalement.

«Particule de Dieu». L’expression est empruntée au titre du livre The God Particule: If the Universe is the Answer, what is the Question?, publié en 1993 par le Prix Nobel de physique Leon Lederman. Mais même si le boson de Higgs est le chaînon manquant de leur modèle standard, les physiciens n’aiment pas ce terme racoleur et se gardent en général de l’utiliser.

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