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Un virtuose de la génétique a reçu le «Nobel suisse»

Timothy Richmond: un chercheur comblé. ETHZ

Spécialiste de la biologie moléculaire, Timothy Richmond a reçu vendredi le Prix de la Fondation Marcel Benoist pour ses travaux sur la structure des «briques» de base de l'ADN.

Le lauréat 2006 a confié à swissinfo sa fierté d’être récompensé par l’équivalent suisse du Prix Nobel. Ses recherches pourraient aider à la réalisation de traitements contre les maladies héréditaires.

Né aux Etats-Unis, Timothy Richmond travaille depuis près de vingt ans sur la structure atomique du nucléosome, composante de l’ADN présent dans toute cellule vivante. La tâche est rendue particulièrement ardue par la taille infime et la complexité de l’objet étudié.

Aujourd’hui, le professeur Richmond espère que ses recherches, menées à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) aideront à mieux comprendre certaines maladies génétiques et à proposer des thérapies.

swissinfo: Que représente pour vous ce Prix Marcel Benoist ?

Timothy Richmond: Je me doutais bien que ces travaux pourraient me valoir une récompense… En 2002, j’ai reçu le Prix Louis Jeantet et depuis, je n’y pensais plus. C’est donc réellement un choc pour moi que d’en recevoir un deuxième.

C’est un sentiment très agréable de se dire que je fais désormais partie des meilleurs chercheurs qui ont travaillé en Suisse. C’est une réelle satisfaction de voir que l’on est apprécié à ce niveau.

swissinfo: En quoi consistent exactement les travaux qui vous valent ce prix aujourd’hui ?

T. R.: L’ADN contient sous une forme codée l’information nécessaire au développement de toute vie. Le but est de comprendre de quoi il est fait dans les cellules des organismes évolués, du champignon à l’être humain.

Nous sommes parvenus à déterminer quels atomes composent les nucléosomes, qui sont les composantes fondamentales des chromosomes. Plus précisément, le nucléosome est un fragment de filament d’ADN, compacté autour d’un complexe forme de quatre protéines différentes.

Ainsi, nous pouvons maintenant espérer apprendre quelque chose sur la manière dont l’information génétique se transmet d’une génération à l’autre.

Il s’agit véritablement de recherche fondamentale. C’est juste l’étape d’après la découverte de la structure de l’ADN. C’est donc un domaine qui intéresse beaucoup les gens et qui attire les prix scientifiques.

swissinfo: Quelles applications pratiques pourraient avoir ces travaux dans l’avenir ?

T. R.: On peut se demander si le fait de connaître la structure de l’ADN va aider la médecine à guérir des maladies. La question est encore controversée aujourd’hui.

On a longtemps cru que le fait de percer le secret du génome humain résoudrait bien des problèmes. Et il en résoudra, c’est sûr, mais pour l’instant, nous n’y sommes pas encore. Le travail est en cours.

Donc, je ne peux pas dire que mes travaux vont permettre de guérir la maladie X, Y ou Z. Tout ce que je peux dire, c’est qu’une recherche fondamentale de ce type va forcément avoir des conséquences sur la manière dont les gens appréhendent ces problèmes.

Et ces problèmes, ce sont principalement des maladies génétiques héréditaires. Je sais que mes résultats serviront à quelque chose, mais je ne sais pas encore exactement à quoi.

swissinfo: Que diriez-vous aux gens qui s’opposent à la recherche en génétique pour des raisons morales ?

T. R.: La connaissance que nous gagnons avec ce type de recherches nous rendra plus aptes à survivre, plus aptes à nous réaliser dans la vie et aidera à prévenir des choses désagréables qui touchent notre santé.

Je ne parle pas de remodeler la vie, je cherche juste à comprendre comment elle fonctionne. Et lorsqu’elle fonctionne mal, peut-être quelqu’un pourra-t-il utiliser ce que j’ai découvert pour proposer un remède.

swissinfo: Pourquoi êtes-vous venu en Suisse il y a 20 ans?

T. R.: D’un point de vue personnel, j’aime l’aventure. Et la Suisse, société multiculturelle au cœur de l’Europe, me semblait offrir cela.

D’un point de vue scientifique, je savais que mes recherches prendraient du temps et que la route était semée d’embûches. Or l’EPFZ a des mécanismes qui permettent aux chercheurs de continuer à travailler même si les résultats tardent à venir.

Le fait de savoir que je pourrais mener mes travaux sans craindre en permanence que l’on me coupe les vivres – comme cela se fait ailleurs – a été déterminant dans ma décision de venir en Suisse.

Interview swissinfo: Matthew Allen à Zurich
(Traduction de l’anglais: Marc-André Miserez)

Timothy Richmond est professeur ordinaire pour la cristallographie des macromolécules à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich depuis 1987.

Depuis vingt ans, il travaille à déterminer la structure atomique des nucléosomes, composants de l’ADN.

Le Prix Marcel Benoist, créé en 1920, est considéré comme le «Prix Nobel suisse». Le lauréat se voit remettre une somme de 100’000 francs suisses au cours d’une cérémonie présidée par le ministre de l’Intérieur.

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