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X-Station, un zeppelin pour les télécoms

Dans son hangar, le zeppelin (à droite) paraît presque petit à côté de la X-Station. swissinfo.ch

Plus pratiques et nettement moins chers que les antennes terrestres et les satellites, de gros ballons stratosphériques pourraient couvrir tous nos besoins en télécommunications.

Ce projet d’un Iranien établi en Suisse intéresse vivement les pays du sud. Et il prend rapidement forme. Le 28 septembre, swissinfo s’est rendu sur la rive allemande du Lac de Constance, voir la première X-Station grandeur nature.

Maison Zeppelin, Musée Zeppelin, Université Zeppelin, Usine Zeppelin: l’ombre des grands dirigeables plane encore sur Friedrichshafen. Face au lac, le monument du vieux comte Ferdinand, mort il y a 90 ans, porte sa profession de foi: «Il suffit d’y croire et cela réussira».

Il y a cru, et ses ballons volent toujours, essentiellement pour les touristes. Mais depuis quelques semaines, ils paraissent presque petits à côté du nouveau mastodonte de 100 mètres de long qui «squatte» une bonne moitié de leur énorme hangar, en bordure de la piste de l’aéroport.

La X-Station de l’ingénieur et entrepreneur Kamal Alavi n’est pas pour autant un produit Zeppelin. C’est juste que le père du projet n’a pas trouvé en Suisse de hangar assez grand pour assembler son prototype.

Le sans fil à la portée de tous

En businessman habitué à convaincre, Kamal Alavi n’y va pas par quatre chemins pour expliquer la genèse de son idée: «Le seul moyen de casser le monopole des opérateurs sur le dernier kilomètre des réseaux fixes, c’est de développer les réseaux sans fil».

Or, les satellites sont trop chers. Et les antennes aussi, avec en plus l’inconvénient d’être mal aimées des populations, à cause du rayonnement qu’elles génèrent.

La solution passe donc par le haut. Et requiert bien moins d’énergie qu’on l’imagine. «Un téléphone satellite n’utilise que 0,4 watts pour transmettre son signal à 500 km d’altitude. Et nous ne serons qu’à 21 km, explique l’ingénieur. Par contre, avec les antennes terrestres, le signal peut être jusqu’à cinq fois plus puissant, à cause des obstacles qu’il doit traverser».

Avec des ondes qui arrivent du ciel en effet, pas ou très peu d’obstacles à traverser. Positionnée à la limite inférieure de la stratosphère, une seule X-Station pourrait recevoir et transmettre toutes les communications de téléphonie mobile et d’Internet à haut débit dans un cercle de 1000 kilomètres de diamètre, sur terrain plat.

S’il est accidenté, comme en Suisse, on tombe à 200 kilomètres. Il n’empêche: trois de ces ballons suffiraient à couvrir l’ensemble du pays, actuellement hérissé de près de mille antennes. Et une quarantaine de X-Stations pourraient suffire à l’Afrique entière.

Combler le fossé numérique

Kamal Alavi en est très conscient: son premier marché sera au sud. Avec son enthousiasme communicatif, l’entrepreneur est rapidement parvenu à convaincre le Fonds mondial de Solidarité Numérique (FSN), né du double Sommet de Genève-Tunis en vue de réduire la fracture digitale.

Tour à tour le président du Sénégal Abdoulaye Wade et le directeur de la Commission de la communication du Kenya, John Waweru sont venus voir le ballon de Kamal Alavi. Et le premier a promis de le «vendre» personnellement à la prochaine réunion de l’Organisation de la conférence islamique, à Dakar au printemps 2008.

Encore à tester

Reste que pour l’instant, le ballon est encore à l’état de prototype. Et que seuls les essais en vol permettront de vérifier que tout fonctionne.

Après quelques essais avec un mini-zeppelin de 10 mètres, un modèle de 30 mètres doit être testé avant la fin de l’année. Puis ce sera le tour du monstre assemblé à Friedrichshafen, qui volera d’abord au-dessus de la Suisse avant de tâter des cieux africains, dès l’année prochaine.

La X-Station est un gros cigare de plastique à double enveloppe (hélium au centre, air autour) avec un petit avion sans pilote attaché dessous. Fait de fibre de carbone, celui-ci est produit chez RUAG, l’ancienne entreprise de munitions de la Confédération et ressemble à une mini-navette spatiale.

C’est lui qui contient les antennes et les modems, voire des caméras, si l’on veut aussi faire de la X-Station un instrument de surveillance de l’environnement ou du trafic par exemple.

Mais surtout, il sert à maintenir la position de la station, contre les vents d’altitude. Il peut se détacher et rentrer seul sur terre au besoin, notamment lorsque le ballon arrive en fin de vie, en principe après cinq ans.

Pour fonctionner, il a besoin d’énergie. Le sommet du ballon est donc recouvert de cellules solaires. Or celles-ci chauffent rapidement et l’hélium doit être maintenu à froid. L’air de l’enveloppe extérieure est donc refroidi par un ventilateur.

«Bien embarqué»

«On y croit, ça va marcher», clame Jean-Philippe Thiran du laboratoire de traitement des signaux de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), qui a coordonné les études techniques du projet.

Et tant pis si la NASA s’est cassé les dents sur un concept similaire, entamé il y a dix ans. «Ce n’est pas que nous soyons meilleurs qu’eux, explique le professeur de l’EPFL. Mais ils ont simplement décidé que ce n’était plus une priorité. Et en quelques années, on a fait tellement de progrès dans les technologie des matériaux, des batteries et des cellules solaires».

«C’est bien embarqué, conclut Jean-Philippe Thiran. Kamal Alavi est très fort au niveau marketing, et les gens embrayent, parce que ce projet les fait un peu rêver».

swissinfo, Marc-André Miserez à Friedrichshafen

Pour développer la X-Station, StratXX, l’entreprise de Kamal Alavi a fait appel aux deux Ecoles polytechniques fédérales (EPF) de Zurich et de Lausanne, aux Universités de Neuchâtel et de York (Angleterre), ainsi qu’à la firme RUAG et à l’Institut de recherche sur les matériaux Empa, qui dépend du domaine des EPF.

En tant que maître d’œuvre, StratXX finance les recherches en-dessus de leur prix réel et garde en échange la propriété intellectuelle sur toutes les découvertes faites et les procédés mis au point par les Hautes Ecoles dans le cadre de son projet, comme cela est généralement de règle dans ce type de collaboration.

L’enveloppe de la X-Station est faite d’un substrat de fibres synthétiques laminées, trois fois plus résistant que l’aluminium des ailes des avions.

Huit épaisseurs de cette feuille de plastique de 40 microns suffisent à arrêter une balle de fusil.

La double enveloppe du ballon de 100 mètres de Kamal Alavi ne pèse que 240 kilos, contre une tonne pour celle d’un Zeppelin de dernière génération, pourtant 25% plus petit.

Développé par StratXX, ce «supermatériau» semble promis à un bel avenir commercial.

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