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Seize milliards pour le chantier du siècle

Au Gothard, près d'un tiers du tunnel est déjà percé. Keystone

Les coûts des différents projets des Nouvelles lignes ferroviaires alpines (NLFA) devraient s’élever au total à quelque 16 milliards de francs.

Une facture supérieure de plus de deux milliards de francs à ce qui était initialement prévu. Et qui suscite de vives réactions de la part des partis gouvernementaux.

Mardi, l’Office fédéral des transports (OFT) et le consortium d’entreprises BLS AlpTransit ont livré les dernières estimations quant au coût final des deux tunnels de base sous les Alpes.

Pour le tunnel du Lötschberg, le chiffre annoncé le mois dernier doit être augmenté de 100 millions de francs. Cette somme s’ajoute aux 200 millions de surcoûts déjà annoncés sur la ligne du Lötschberg et aux 500 millions pour le tunnel du Gothard.

Résultat: les coûts finaux – probables – pour l’ensemble des NLFA peuvent aujourd’hui être estimés à 15,811 milliards. C’est 2,2 milliards ou 16,1% de plus que le devis initial de 13,6 milliards de francs.

Impossible à prévoir exactement

Comme le rappelle Peter Testoni, sous-directeur de l’OFT, ni l’évolution de la technique et du marché des transports, ni les prix et les risques ne peuvent être prévus de manière fiable pour un projet de si longue haleine.

Toujours selon Peter Testoni, en comparaison nationale et internationale, 15,8 milliards pour un tel chantier représentent un bon résultat.

Le sous-directeur de l’OFT avertit toutefois que le chiffre donné aujourd’hui n’est qu’une «photo instantanée». Suivant l’évolution des risques identifiés, le coût final pourrait au mieux être allégé de 350 millions et au pire augmenté de 1,4 milliard.

Le parlement tranchera



Reste que les 900 millions supplémentaires demandés par le Conseil fédéral (gouvernement), et déjà acceptés par le Conseil des Etats (Chambre haute du parlement) ne suffiront pas.

Le gouvernement décidera, vraisemblablement début avril, s’il veut revoir le montant du crédit additionnel, mais aussi quelles mesures il doit prendre. Le Conseil national (Chambre basse) devrait ainsi pouvoir se prononcer dès la session d’été.

L’OFT est en train de rédiger un rapport à l’attention du Conseil fédéral, qui indiquera les raisons des surcoûts mais offrira aussi une vue d’ensemble des grands projets ferroviaires et de la situation du Fonds pour le financement des projets d’infrastructure des transports publics (FTP), devisé à 30,5 milliards.

Investissement pour l’avenir



Pour Max Friedli, directeur de l’OFT, le «chantier du siècle» n’est pas un tonneau sans fond. Les augmentations servent soit à améliorer le projet, soit à résoudre des problèmes dans les zones géologiques délicates.

L’un des points positifs est que 28% des 153 kilomètres de galeries, puits et tunnels au Gothard sont déjà excavés. Au Lötschberg, 93% des galeries sont percées et le reste devrait l’être d’ici la fin de l’année. L’ouverture du tunnel est prévue en 2007.

Pour Peter Testoni, il ne faut pas se focaliser sur la rentabilité économique, mais bien voir que les NLFA sont un investissement pour l’avenir. «Nous construisons pour les 100 années à venir et au-delà», rappelle le sous-directeur de l’OFT.

Colère à droite



Un enthousiasme que ne partagent pas forcément les partis de droite… «Les coûts des NLFA échappent à tout contrôle», estime Yves Bichsel, porte-parole de l’UDC. Le parti de la droite dure réclame d’urgence un concept global.

«Le Conseil fédéral doit clairement montrer ce qui est réalisable et ce qu’il faut supprimer. On ne peut pas demander de nouveaux crédits toutes les deux semaines», ajoute Yves Bichsel.

Le Parti radical (droite) reste lui aussi opposé à l’octroi de nouveaux crédits.

«Personne ne comprend plus rien aux coûts des NLFA, affirme le porte-parole des Radicaux Christian Weber. Le peuple doit savoir une fois pour toutes combien le projet va coûter. Il faudra ensuite le redimensionner sur la base de données concrètes».

Relativisation à gauche et au centre



«Il n’est jamais agréable de faire face à des surcoûts», commente pour sa part Jean-Philippe Jeannerat, porte-parole du Parti socialiste (PS).

Pour les socialistes toutefois, il n’est pas question de renoncer au double tunnel du Monte Ceneri, pas plus que de sacrifier d’autres projets ferroviaires en faveur des NLFA.

En revanche, le PS n’est pas opposé à un report de la dernière étape, à savoir la construction des tunnels zurichois du Hirzel et du Zimmerberg.

Côté démocrate-chrétien enfin, le vice-président du parti, François Lachat, doute lui aussi des effets d’un éventuel redimensionnement du projet.

Il convient d’abord de savoir si les modifications envisagées sont nécessaires et où est passé l’argent destiné aux NLFA. «On peut faire dire beaucoup à la géologie», estime François Lachat.

swissinfo et les agences

– Les principales étapes du financement des NLFA:

– 27 septembre 1992: le peuple approuve le concept des nouvelles lignes ferroviaires alpines.

– 29 novembre 1998: le peuple approuve l’arrêté fédéral sur la construction et le financement des infrastructures des transports publics. Le fonds est doté de 30,5 milliards, dont 13,6 réservés aux NLFA.

– 3 juillet 2001: le gouvernement augmente le crédit des NLFA de 2,1 milliards. Il atteint désormais 14,7 milliards.

– 25 mars 2003: l’Office fédéral des transports estime qu’un crédit supplémentaire de 600 à 800 millions est nécessaire.

– 10 septembre 2003: le gouvernement demande au parlement de débloquer une nouvelle tranche de crédits et de renflouer les réserves de 900 millions. La Chambre haute accepte en décembre 2003, la Chambre basse se prononcera en juin 2004.

– 15 décembre 2003: le gouvernement et la Délégation parlementaire de surveillance des NLFA évaluent les coûts finaux présumés à environ 15 milliards.

– 5 février 2004: la Délégation parlementaire prend connaissance de coûts supplémentaires de 700 millions. La facture totale devrait désormais se monter à 15,5 milliards.

– 30 mars 2004: L’Office fédéral des transports annonce que la facture finale en 2016 devrait s’élever à 15,8 milliards.

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