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Sida: interruptions de traitement sans risques

En Afrique, moins de 20% des séropositifs reçoivent un traitement. Keystone

Des chercheurs suisses ont découvert que le traitement antirétroviral très lourd des patients séropositifs pouvait être interrompu plusieurs semaines sans risques.

Cette équipe des Hôpitaux universitaires genevois (HUG) compte que la découverte permette de faire baisser le prix des traitements, surtout en Afrique, où des millions de patients en sont privés.

Devisée à quatre millions de francs, l’étude Staccato a porté sur 430 patients domiciliés en Thaïlande (pour 80% d’entre eux), en Suisse et en Australie.

Sa mission: contrôler si des interruptions planifiées et contrôlées du traitement antirétroviral ont un effet négatif sur la santé des patients. Notamment en altérant leur système immunitaire – ce qui ferait réapparaître des complications – ou en rendant le virus résistant aux thérapies.

L’équipe genevoise a séparé ses patients en deux groupes: l’un a continué à prendre ses médicaments sans interruptions, tandis que l’autre a marqué des pauses dans le traitement.

Ces pauses étaient d’une durée de quatre mois en moyenne, mais pouvaient aller de quatre semaines à deux ans.

Dans tous les cas, le traitement a été repris dès que le taux de cellules CD4 – qui mesure la force du système immunitaire – tombait au-dessous de 350 par millimètre cube de sang. Le taux normal d’une personne adulte est de 500 à 1500, mais il baisse avec la progression du VIH.

Pas d’effets secondaires

Selon l’étude, qui est publiée ce samedi dans la revue médicale internationale The Lancet, on n’a enregistré chez ces patients ni complications ni décès.

«Ces résultats vont rassurer les patients qui doivent ou qui veulent interrompre leur traitement. Ils leur montrent qu’il n’y a pas de risque, à condition que leur taux de CD4 soit élevé au moment de l’interruption», explique à swissinfo Bernard Hirschel, chef de l’unité sida des HUG,

Selon le professeur, les patients qui interrompent leur traitement le font avant tout pour des raisons de coût et pour éviter des effets secondaires particulièrement pénibles, comme nausées, vomissements, diarrhées et amaigrissement du visage, des bras et des jambes.

Ces interruptions permettent également d’économiser entre 40 et 50% du prix d’un traitement, et ceci compte tenu des tests de taux de CD4, qui deviennent dès lors nécessaires tous les trois mois.

D’autres études seront nécessaires

Les résultats de Staccato pourraient toutefois se voir remis en question par ceux de SMART, une étude clinique bien plus vaste actuellement en cours aux Etats-Unis et dont les résultats sont attendus dans les deux mois.

Selon Bernard Hirschel, SMART est plus orientée sur les inconvénients des interruptions de traitement. Le professeur genevois fait remarquer que les interruptions prescrites par les Américains étaient en moyenne plus longues.

Plus important encore, les chercheurs de SMART ont fixé le taux de CD4 requis pour la reprise des traitements à 250 (contre 350 pour les Genevois), un point chaudement débattu entre scientifiques.

Loin d’être découragé par les résultats de SMART, Bernard Hirschel veut maintenant comparer ses résultats avec ceux (également positifs) des études française et italienne, qui ont été réalisées avec des taux de CD4 plus élevés.

Pour le professeur, il est donc clair que des études supplémentaires seront nécessaires.

swissinfo, Adam Beaumont à Genève
(Traduction et adaptation de l’anglais: Marc-André Miserez)

En Suisse, on estime que les antirétroviraux ont fait reculer la mortalité des personnes porteuses du VIH de 90%.
Le coût pour le patient est de 14’700 francs suisses par année.
Plus de 20’000 personnes sont porteuses du virus dans le pays.
En Suisse, on détecte deux nouveaux cas d’infection chaque jour.

– Plus de 40 millions de personnes dans le monde vivent avec le virus VIH, dont la grande majorité en Afrique noire.

– Selon le programme des Nations Unies sur le VIH-SIDA, le nombre de nouvelles infections tendrait à se stabiliser. Mais le nombre de personnes vivant avec le virus augmente néanmoins, avec la croissance démographique et avec le prolongement d’espérance de vie qu’offrent les thérapies antirétrovirales.

– En Afrique subsaharienne, le nombre de patients qui reçoivent ces thérapies est passé de 100’000 à 810’000 entre 2003 et 2005.

– Il n’en reste pas moins que dans cette région, plus de cinq personnes sur six qui auraient besoin de ces médicaments n’y ont pas accès.

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