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Ibrahim Rugova, l’homme d’Etat sans Etat

Ibrahim Rugova, qui souffrait d'un cancer du poumon, est décédé samedi à l'âge de 61 ans. Keystone

Le président Ibrahim Rugova a été emporté par la maladie sans avoir pu réaliser le rêve de toute sa vie: conduire le Kosovo à l'indépendance.

Portrait de celui qui avait été surnommé le «Gandhi des Balkans».

Avec son inséparable écharpe de soie et ses lunettes rondes à la John Lennon, Ibrahim Rugova a souvent été considéré comme le seul dirigeant pouvant mener le Kosovo à l’indépendance malgré son allure fragile et sa voix faible à l’opposé de celle d’un tribun.

Né au Kosovo le 2 décembre 1944 et diplômé es Lettres de la Sorbonne à Paris, il parlait français, anglais et serbe.

Ibrahim Rugova, ancien membre du parti communiste et secrétaire de l’Union des écrivains du Kosovo, a été l’un des pionniers de l’intelligentsia kosovare dans l’ex-Yougoslavie communiste.

«Père de la Nation»

Après la révocation par Milosevic de l’autonomie du Kosovo en 1989, Ibrahim Rugova a fondé la Ligue démocratique du Kosovo (LDK).

Son parti a boycotté toutes les élections organisées par Belgrade et installé des institutions parallèles et clandestines (écoles, système de santé et impôts propres à la majorité albanaise du Kosovo).

Il a établi, dès le début des années 1990, des liens étroits avec l’Occident, en particulier avec Washington. Dans la société traditionnellement conservatrice du Kosovo, il est alors devenu le «père de la Nation».

«Ces quinze dernières années, il est devenu un mythe au Kosovo, observe l’analyste Mufail Limani. La plupart de ses habitants l’ont perçu comme irremplaçable, ce qui renforce les craintes d’un chaos après sa mort».

Rencontre avec Milosevic

Ses détracteurs lui ont toutefois reproché d’agir comme s’il était l’unique partisan de l’indépendance du Kosovo et de n’accepter que très difficilement la contradiction, même au sein de son propre parti.

De fait, presque tous les fondateurs de la Ligue démocratique du Kosovo ont quitté le parti qu’Ibrahim Rugova a dirigé pendant quinze ans.

Une rencontre avec Slobodan Milosevic pendant les bombardements de l’OTAN, qui ont mis fin à la guerre au Kosovo, a fait scandale. Ibrahim Rugova a alors été considéré comme politiquement mort.

Mais il a réussi à refaire surface avec l’arrivée de l’ONU et de l’OTAN au Kosovo, en juin 1999, pour devenir président en mars 2002 aux premières élections organisées par l’ONU dans la province. Il a été réélu en octobre 2004.

Ibrahim Rugova qui en mars 2005 avait échappé à un mystérieux attentat à la bombe à Pristina, chef-lieu du Kosovo, laisse derrière lui une femme et trois enfants.

swissinfo et les agences

– «L’indépendance reste notre principal objectif pour l’année prochaine», avait déclaré en 2005 Ibrahim Rugova, qui comptait bien voir son rêve se réaliser avant que la maladie ne l’emporte.

– L’indépendance, réclamée par les Albanais, qui représentent plus de 90% d’une population d’environ 2 millions d’habitants, est rejetée par Belgrade qui considère la province comme une partie inaliénable de son territoire et de sa culture.

– Belgrade est disposée à accepter que le Kosovo mette en place ses propres institutions mais refuse de céder sur le principe de la souveraineté territoriale.

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