Le Tribunal fédéral protège de la curiosité des historiens un ancien homme de confiance des nazis
La plus haute instance judiciaire suisse vient de débouter l'historien et politologue bernois Walther Hofer, qui demandait la révision d'une condamnation pour avoir qualifié "d'avocat de confiance de la Gestapo" l'avocat zurichois Wilhelm Frick.
La plus haute instance judiciaire suisse vient en effet de débouter l’historien et politologue bernois Walther Hofer, qui demandait la révision d’une condamnation pour avoir qualifié « d’avocat de confiance de la Gestapo » l’avocat zurichois Wilhelm Frick. Les historiens y voient une entrave à leur liberté scientifique.
Cette affaire sort de l’ordinaire. Ses acteurs : un historien de renom, le Bernois Walther Hofer, une des grandes figures de la politique suisse des années 70, conseiller national du parti agrarien, devenu Union démocratique du centre, président d’honneur de l’Organisation des Suisses de l’étranger; et une célèbre famille d’avocats zurichoise, la famille Frick, dont le père, Wilhelm, mort en 1961, entretenait des relations avec les nazis à l’époque. Il figurait d’ailleurs parmi les signataires, en 1940, d’une pétition invitant le gouvernement suisse à se ranger à l’ordre nazi.
En 1983, l’historien bernois révèle le passé douteux de Wilhelm Frick, le qualifiant d’avocat de confiance de la Gestapo dans les colonnes de la très respectée « Neue Zürcher Zeitung ». Plainte est déposée par les descendants de Wilhelm Frick, qui veulent empêcher les révélations sur le passé de leur ancêtre. Avec succès : Walther Hofer est condamné pour diffamation en 1986. Depuis lors, il se bat pour obtenir révision de cette condamnation. Sans succès donc.
Les juges fédéraux ont fait de la protection de la mémoire d’un privé davantage de cas que de l’intérêt du public à connaître son passé. Avant même publication des considérants des juges fédéraux, ce jugement est l’objet de critiques. Il représente en effet une entrave à la liberté de recherche des scientifiques. Par ailleurs, il pourrait saper la confiance dans la volonté des Suisses à faire toute la lumière sur leur passé récent.
Pierre-André Tschanz

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