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Affaire Polanski: un juge américain doit trancher

David Walgren, procureur du Comté de Los Angeles, veut l'extradition de Polanski. Reuters

Alors que Roman Polanski est en résidence surveillée dans son chalet de Gstaad et que le gouvernement suisse soupèse la demande d’extradition des Etats-Unis, le juge chargé du dossier à Los Angeles devrait décider si le cinéaste pourra être jugé par contumace.

Le juge du Tribunal de Los Angeles chargé du dossier Polanski, Peter Espinoza, doit entendre, vendredi soir sur la côte ouest des Etats-Unis, les avocats du cinéaste et acteur ainsi que le ministère public.

Par le biais de ses avocats, Roman Polanski a en effet demandé à être jugé par contumace.

Refus du Ministère public

Roman Polanski ayant déjà été jugé coupable de relations sexuelles avec une mineure en 1977. Le jugement par contumace aurait pour objectif de déterminer la peine. A cet égard, les avocats de Roman Polanski font valoir que le condamné ayant déjà passé plus d’un mois en prison en 1978, ce temps d’incarcération devrait être pris en compte.

De son côté, le Ministère public rejette l’idée d’un jugement par contumace. Le procureur adjoint du comté de Los Angeles, David Walgren, dont le bureau est à l’origine de la demande d’extradition auprès du gouvernement suisse, n’a pas répondu à la demande d’interview de swissinfo.ch.

Mais dans les documents qu’il a remis au juge, David Walgren considère qu’un jugement par contumace «serait absolument déplacé», étant donné le refus de Polanski de revenir aux Etats-Unis «en tant que fugitif et personne condamnée pour le viol d’une enfant». «Polanski doit se livrer à la justice», lance le procureur adjoint.

En attendant la décision

Egalement sollicité pour un entretien, l’avocat de Roman Polanski à Los Angeles, Chad Hummel, n’a pas davantage répondu. Mais Jeffrey Berg, président de l’agence d’artistes International Creative Management et agent de Roman Polanski à Hollywood, nous précise qu’il «n’y aura pas de commentaire de notre côté tant que l’affaire ne sera pas résolue».

«Il ne serait pas convenable pour moi de spéculer sur les chances de notre requête», déclare Jeff Berg. «Les avocats de Roman ont remis leurs documents au juge et nous attendons sa décision», ajoute l’agent du cinéaste.

La décision du juge Espinoza sur la demande de jugement par contumace pourrait intervenir soit lors de l’audience, soit plus tard.

Pression de l’opinion publique

Les avocats de Roman Polanski paraissent inquiets de voir le Ministère public, et peut-être le juge, agir sous la pression de l’opinion publique américaine. Dans les documents qu’ils ont remis au magistrat, ils affirment ainsi que «la politique semble interférer avec l’administration équitable de la justice».

Harriet Ryan, la journaliste qui suit l’affaire pour le Los Angeles Times, nous précise que le procureur général du comté de Los Angeles, Steve Cooley, «occupe un poste électif et envisage de se présenter au poste de ministre de la Justice de l’Etat de Californie». Elle souligne cependant qu’il «est difficile à dire si Steve Cooley fera de l’affaire Polanski un thème de campagne». Le juge Espinoza occupe lui-aussi un poste électif.

Quelles que soient les ambitions politiques du procureur ou du juge, d’autres éléments pourraient jouer en la défaveur de Roman Polanski.

Les raisons d’un désamour

Harriet Ryan note en effet que «la plupart des gens qui, ici à Los Angeles, s’intéressent à cette affaire n’ont aucune sympathie pour Polanski».

«Il est accusé du viol d’une enfant, or beaucoup d’Américains qui, ces trente dernières années, ont été dégoûtés par plusieurs affaires d’abus sexuels sur enfants, notamment celle qui a secoué l’Eglise catholique, considèrent le viol d’enfant comme le pire des crimes, pire même qu’un meurtre».

La journaliste du Los Angeles Times a par ailleurs constaté que «l’impression des gens est que Polanski est arrogant et sans remord puisqu’il ne s’est jamais excusé pour ce crime et n’a même pas reconnu qu’il a fait quelque chose de répréhensible».

Juste après l’arrestation de Roman Polanski en Suisse, au mois de septembre, les milieux cinématographiques américains s’étaient mobilisés pour le soutenir.

En particulier, une pétition avait réuni de nombreuses signatures, dont celles de Martin Scorcese, David Lynch et Woody Allen. «Mais aujourd’hui, il serait difficile de prendre une telle position car la pétition a scandalisé le public», note Harriet Ryan.

Quant à Samantha Geimer, la victime de Roman Polanski, elle a, certes, déclaré qu’elle pardonne au cinéaste et qu’il ne devrait pas faire de la prison. Mais sa crédibilité est en cause.

«Samantha Geimer a apporté un soutien très vigoureux à Polanski mais certains estiment que son opinion est biaisée parce qu’elle a reçu de l’argent de Polanski dans le cadre d’un accord à l’amiable conclu en 1997», indique la journaliste du Los Angeles Times.

«Les termes de l’accord n’ont pas été dévoilés, mais selon certaines informations, elle aurait touché plusieurs centaines de milliers de dollars de la part de Polanski», ajoute pour conclure Harriet Ryan.

Marie-Christine Bonzon, Washington, swissinfo.ch

Zurich. Le cinéaste franco-polonais Roman Polanski, 76 ans, a été arrêté le samedi 26 septembre 2009 par la police à son arrivée en Suisse alors qu’il venait pour recevoir une récompense dans le cadre du Festival du film de Zurich.

Accusations. La Suisse a agi conformément à un accord d’extradition passé avec les Etats-Unis. Roman Polanski est recherché depuis 1977 par la justice américaine. Il est accusé d’avoir abusé à l’époque d’une adolescente de 13 ans en marge d’une séance de photographie dans la maison de l’acteur Jack Nicholson.

Opposition. De nombreux artistes ont fait part de leur indignation face à cette arrestation et plusieurs pétitions circulent pour faire libérer Roman Polanski. Les ministres français et polonais des Affaires étrangères ont envoyé une lettre à leur homologue américaine Hillary Clinton pour demander de mettre fin à la détention du cinéaste.

Loi. En Suisse, le gouvernement estime que la police suisse a agi conformément au droit en vigueur et qu’il ne s’agit en aucun cas d’une affaire politique. La ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey a toutefois estimé qu’il y avait eu un «manque de doigté» dans cette affaire.

Chalet. Sorti de prison le 4 décembre 2009, le cinéaste est assigné à résidence dans son chalet de Gstaad, dans le canton de Berne.

Contumace. Le 6 janvier dernier, les avocats de Roman Polanski ont demandé au juge chargé du dossier à Los Angeles que leur client soit jugé par contumace.

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