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Changement de saison pour les alpinistes

Le glacier de Morteratsch et son recul depuis 2010 (panneau) swissinfo.ch

Avec la hausse des températures, la fonte des glaciers et du pergélisol, les Alpes suisses subissent fortement les effets du réchauffement climatique. Les guides de montagne suivent la pente de ces changements.

Cet été, Walter von Ballmoos a éprouvé le choc de sa vie de guide de haute montagne.  Tout se passe comme prévu lorsqu’il conduit un petit groupe au sud de la frontière suisse via le col de la Maloja pour atteindre une cabane au Val Bregaglia, en Italie. Sur le chemin du retour, une semaine plus tard, alors qu’il a pris en charge un autre groupe, le même tracé a radicalement changé.

«Une section de 100 mètres de long de glace que j’avais traversé à l’aller avait pratiquement disparu. Je ne veux même pas penser à ce qui se serait passé si nous avions été sur cette dalle quand elle a commencé à glisser. Il est impossible de se préparer à ce genre de phénomène», raconte ce guide expérimenté.

Avant qu’un guide de montagne ne parte faire une excursion, il récolte autant d’informations que possible sur l’état de la glace, de la neige et de la roche. Or, la fonte des glaciers transforme la nature du terrain alpin et  le dégel du pergélisol fragilise les versants rocheux de la  montagne.  Le changement climatique rend les excursions en montagne plus difficiles et plus dangereuses. 

Plus de danger

Responsable de la formation au Club Alpin Suisse, Bruno Hasler a été un guide de haute montagne ces 20 dernières années. Il assure que les effets du changement climatique sont visibles partout dans les Alpes.

Un exemple qu’il trouve particulièrement impressionnant se situe le long de la Biancograt, une crête célèbre sur le Piz Bernina, dans les Alpes orientales. «Mon père avait l’habitude de m’emmener là quand j’étais gamin. À l’époque,  la crête était complètement recouverte de neige. Il suffisait de marcher pour la traverser. Aujourd’hui, c’est un pic énorme que seuls  des grimpeurs expérimentés peuvent traverser», détaille Bruno Hasler.

Un certain nombre d’accidents ont d’ailleurs été enregistrés le long de cette arête qui reste très attractive pour les touristes de haute montagne. Une passerelle métallique a donc été construite sur une courte section pour faciliter le parcours des grimpeurs.

Ces installations de câbles, d’échelles et de ponts deviennent en effet  monnaie courante dans les Alpes suisses pour que les routes de montagne restent attractives.

Recul généralisé

Un autre exemple frappant des changements en cours  peut être observé à Konkordiaplatz, la source du glacier d’Aletsch, le plus grand des Alpes. En 1877, un refuge de montagne a été construit juste au-dessus du glacier pour les alpinistes. Pour s’y rendre aujourd’hui, les gens doivent monter 467 marches. Chaque année, il faut allonger d’un mètre environ l’escalier en acier massif pour tenir compte de la fonte du glacier.

Selon Andreas Bauder, chercheur à la section de glaciologie de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), il n’y a pas de fin en vue à ces transformations du milieu alpin: «À la fin de ce siècle, les alpinistes devront très probablement monter au moins  à 3000 mètres pour atteindre un glacier.»

«C’est un changement dramatique car aujourd’hui, il y a de nombreux glaciers  au-dessous de cette altitude dans les Alpes suisses», explique le chercheur. Comme le glacier de Grindelwald, l’un des plus bas de Suisse, qui descend à 1600 mètres d’altitude.

Andreas Bauder fait partie d’une équipe de chercheurs qui prennent chaque année les mesures d’une centaine de glaciers en Suisse. Selon les chiffres récoltés ces 10 dernières années, le recul est général.

Pour certains glaciers, le taux annuel de retrait peut être très important. Situé dans le canton des Grisons, Morteratsch est le glacier le plus massif des Alpes orientales. Bien qu’il ait rétréci depuis plus d’un siècle, le taux annuel a considérablement augmenté ces dernières années. De 1878 à 1998, le taux annuel était d’environ 17 mètres par an. Depuis 2005, il a presque doublé.

Un terrain glissant

Autre conséquence du changement climatique, la fonte du pergélisol a aussi des conséquences pour  les guides de montagne. Sous la surface, les températures glacées durant toute l’année rendent la terre solide comme le roc. Mais quand il dégèle, le sol devient moins stable; l’érosion s’enclenche et le risque de chutes de pierres augmente.

La face nord de l’Eiger dans les Alpes bernoises en est un exemple. En temps normal, la paroi rocheuse de 3000 mètres est déjà difficile. Aujourd’hui, elle l’est  encore plus, avec des chutes de pierres toujours plus fréquentes.

Résultat: les grimpeurs sont toujours plus nombreux à ne plus venir lors de la saison estivale traditionnelle en juillet et août. Ils lui préfèrent l’hiver ou le printemps quand les roches instables sont encore scellées par la glace.

Pour de nombreux guides de montagne, l’adaptation au changement climatique n’est qu’une partie de la journée de travail. Selon Bruno Hasler, la profession reste la même: «Vous devez toujours mener une enquête approfondie sur les conditions locales avant de partir en excursion. Peut-être que dans 100 ans, il y aura moins d’endroits pour conduire des groupes d’alpinistes.»

Les guides de montagne et les alpinistes doivent bien connaître les différentes parties d’un glacier et leurs dynamiques.

Les crevasses peuvent  fissurer le glacier sur des centaines de mètres un jour et disparaître le lendemain. Elles fluctuent selon le mouvement du glacier.

Les moraines sont essentiellement constituées de roche, de sable et de déchets que les glaciers rejettent vers le haut  et leurs flancs quand ils se déplacent dans une vallée.

Les moulins désignent les puits d’eau qui se forment depuis la surface fondante du glacier. Ils peuvent atteindre le fond du glacier.

Les séracs sont les blocs de glace qui se forment avec l’apparition de crevasses transversales. Gros danger quand ils basculent.

La langue du glacier désigne sa partie la plus avancée, la première à se retirer en cas de fonte.

Selon les derniers modèles climatiques basés sur les évaluations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les températures estivales devraient augmenter de 3,5 degrés Celsius d’ici à 2100 en Suisse.

Les températures hivernales devraient augmenter de 3 degrés Celsius.

Les précipitations moyennes estivales devraient diminuer dans toute la Suisse, tandis que les précipitations hivernales devraient augmenter dans le sud de la Suisse.

Traduction de l’anglais: Frédéric Burnand

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