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Criminalité des étrangers: «Les outils sont suffisants»

Eduard Gnesa (à g) et son équipe en conférence de presse annuelle à Berne. Keystone

La loi actuelle permet de faire face à la criminalité des étrangers, mais elle sera appliquée avec rigueur, assure jeudi l'Office fédéral des migrations (ODM).

L’ODM entend parallèlement mettre l’accent sur l’amélioration de l’intégration, à travers la connaissance des langues notamment.

La mise en oeuvre «rigoureuse» des nouvelles lois sur l’asile et les étrangers, pleinement en vigueur depuis janvier, est un souci essentiel de l’Office fédéral des migrations (ODM).

Aux yeux du patron de l’ODM Eduard Gnesa, la violence juvénile et la criminalité des étrangers sont les problèmes prioritaires de cette année 2008.

Or, selon lui, la Suisse dispose d’instruments suffisants. «Aujourd’hui déjà, l’autorisation de séjour d’un étranger qui porte atteinte à la sécurité et à l’ordre public peut être révoquée», souligne-t-il.

Il est en outre envisageable d’expulser les parents de jeunes délinquants s’ils négligent leurs enfants ou ne respectent pas les conditions posées par l’école ou les autorités tutélaires. «Une nouvelle loi n’est pas nécessaire», assure-t-il en référence à l’initiative de l’Union démocratique du centre (UDC / droite nationaliste) qui sera déposée demain.

Les langues et le travail

L’ODM entend parallèlement mettre l’accent sur l’amélioration de l’intégration des étrangers. Il s’agit surtout de favoriser la connaissance des langues nationales, de faciliter l’accès au travail et d’accélérer le regroupement familial.

«La vie commune avec les 21% d’étrangers fonctionne très bien (…), explique Eduard Gnesa à swissinfo. Mais nous voulons régler les problèmes qui peuvent exister, notamment sur le plan de l’intégration.»

«Nous ne voulons ni une société duale comme en Angleterre ni les problèmes des banlieues comme en France, assure le patron de l’ODM. (…) Nous ne voulons pas prendre des mesures contre, mais pour les étrangers.»

«La tendance générale est positive en terme de migration, complète Mario Gattiker, vice-directeur de l’ODM. Nous accueillons de plus en plus de migrants européens et moins de requérants d’asile [qui ont plus de peine à s’intégrer]. La nouvelle migration basée sur la libre circulation des personnes ne nous posera pas de problèmes.»

Le rôle central des cantons

En matière d’intégration, le rôle des cantons est jugé central. La Confédération a augmenté de 14 à 16 millions les crédits pour soutenir des projets d’intégration. Pour les réfugiés et les personnes admises provisoirement, elle verse des forfaits de 6000 francs par cas, soit quelque 36 millions par an, relève Mario Gattiker.

Pour l’ODM, les étrangers doivent également y mettre du leur. Leur degré d’intégration est désormais pris en considération lors de décisions de renvoi, d’expulsion, d’autorisation anticipée d’établissement ou de naturalisation. Il est en outre possible de recourir aux conventions d’intégration. Les expériences faites par les cantons dans ce domaine seront évaluées fin 2008.

Parmi les autres objectifs de l’ODM figurent les travaux de mise en oeuvre de Schengen/Dublin. Sont notamment concernés le visa Schengen et Eurodac, la banque de données d’empreintes digitales pour identifier les personnes ayant déposé des demandes d’asile multiples.

L’office mise aussi sur les partenariats migratoires pour renforcer la lutte contre l’immigration illégale. Une première collaboration de ce genre a été convenue avec les pays de l’ex-Yougoslavie.

Les accords de réadmission

Autre objectif: poursuivre sur la voie des accords de réadmissions (41 jusqu’ici). La Suisse espère que les négociations avec la Russie aboutiront bientôt. La libre circulation des personnes avec l’Union européenne et son extension à la Bulgarie et à la Roumanie sont également au programme.

Sur le plan législatif, l’ODM ne compte pas non plus rester inactif. Il prépare une révision de la loi sur l’asile pour corriger une décision de la commission de recours permettant aux déserteurs érythréens d’obtenir d’office le statut de réfugiés. Les ressortissants de ce pays sont arrivés en tête de la statistique des nouvelles demandes d’asile l’an passé (près de 1700 sur un total de 10’000 environ).

Des propositions seront soumises à la ministre de la justice Eveline Widmer-Schlumpf d’ici Pâques, indique Eduard Gnesa. Vu que la situation semble se détendre, l’idée d’une modification urgente préconisée par l’ex-ministre Christoph Blocher a été abandonnée.

Un bilan positif un an après

Quant à l’application de la première partie de la nouvelle loi sur l’asile, en vigueur depuis 2007, l’ODM en tire un bilan positif. En un an, le nombre de personnes présentant des papiers d’identité a augmenté de 9%. La part des admis provisoires ayant un travail est passé de 37 à 40%.

Les cantons, surtout romands, ont soumis 948 cas de rigueur, qui ont été acceptés à 95% par l’ODM. Concernant les mesures de contrainte, 77% des personnes détenues en vue de leur renvoi ont été rapatriées. La durée moyenne de la détention était de douze jours, selon les données de sept cantons.

swissinfo et les agences

La question de la criminalité des étrangers, en particulier des jeunes, est un thème «chaud» depuis quelque temps en Suisse.

Plusieurs «affaires» ont eu un fort écho médiatique ces dernières années. Il y a deux semaines à peine au Tessin, un jeune homme a perdu la vie après avoir été tabassé par trois jeunes d’origine balkanique pendant le carnaval de Locarno.

L’Union démocratique du centre (UDC, droite nationaliste) a lancé une initiative populaire pour l’expulsion des étrangers criminels (la fameuse affiche au mouton noir était un élément de la campagne de récolte de signatures en faveur de cette initiative).

Ce texte prévoit d’inscrire dans la Constitution fédérale le principe selon lequel les étrangers qui ont gravement violé la loi ou qui ont touché abusivement des prestations sociales sont renvoyés de Suisse et frappés d’une interdiction d’entrer en Suisse.

En 2007, la population étrangère a augmenté de 3,1% pour atteindre 1’570’965 personnes, selon une statistique publiée jeudi par l’Office fédéral de la migration.

La hausse a atteint 5,3% (à 960’000) pour les citoyens venant de l’Union européenne.

Pour ce qui est des pays entrés dans l’UE en mai 2004, la progression se situe à 14,1% (à 23’800). Les étrangers originaires de pays extracommunautaires par contre enregistrent une baisse (-0,1% à 610’000).

Les Allemands ont connu la plus forte hausse (29’000 nouveaux arrivants) alors que la communauté italienne reste la plus nombreuse, avec quelque 289’600 personnes.

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