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Des lumières sur l’accident militaire de la Kander

Deux semaines après le drame militaire de la Kander, le corps d'un homme noyé n'a toujours pas été retrouvé. Keystone

Deux semaines après le drame militaire survenu sur la rivière Kander, on en sait un peu plus sur le déroulement des faits. Les premiers résultats de l'enquête révèlent des lacunes crasses dans l'organisation de la descente en canot et une préparation inexistante des participants.

Les cinq rescapés de l’accident survenu le 12 juin dernier près de Wimmis (Oberland bernois) ont tous été entendus par le juge d’instruction militaire chargé de l’enquête, a annoncé vendredi la justice militaire. Les interrogatoires ont pu établir qu’aucun d’entre eux ne bénéficiait d’une formation civile pour des parcours en rafting.

Le commandant de compagnie qui dirigeait les hommes lors de l’exercice a indiqué pour sa part qu’il avait reçu une instruction sur le maniement du canot pneumatique utilisé par l’armée.

«Selon l’état actuel de l’enquête, rien n’indique qu’une reconnaissance détaillée et documentée du parcours de la rivière ait été effectuée», a souligné vendredi le juge d’instruction Michael Leutwyler. En guise de préparation, le commandant de compagnie s’était contenté de glaner des informations sur Internet à propos de la Kander.

Sauvetage pas prévu

Seule certitude issue de l’enquête, aucun service de sauvetage n’avait été organisé pour cette opération. Et ce n’est vraisemblablement que le matin même du drame, alors que le débit de la rivière était pourtant plus élevé qu’à la normale, que la décision d’entreprendre la descente a été prise.

L’exercice s’est déroulé durant les heures de service. Mais les rescapés ont fait des déclarations «contradictoires» quant au caractère volontaire de leur participation, a encore ajouté Michael Leutwyler. L’enquête en cours devra apporter des éclaircissements sur ce point litigieux.

Au total, dix officiers et sous-officiers avaient pris place dans deux canots pneumatiques de type M6. A l’endroit où ils avaient mouillé, la rivière Kander est large et son débit calme.

Remous meurtriers

Le premier canot a franchi sans problème le premier casse-crue. Par contre, la seconde embarcation a éprouvé plus de difficultés et elle s’est bloquée perpendiculairement à la rivière sur le deuxième casse-crue.

C’est alors que ses cinq occupants sont tombés à l’eau. Un militaire s’est noyé dans les tourbillons, deux ont pu regagner la berge. Le commandant de compagnie, également à bord, a été entraîné par le courant. Le cinquième homme, lui aussi emporté par le courant, reste toujours porté disparu.

L’équipage du premier canot a pu s’extraire des remous grâce à des branchages venant de la rive et a poursuivi sa descente vers le deuxième casse-crue où il a pu repêcher le commandant de compagnie. Mais cette embarcation est également restée bloquée perpendiculairement par rapport au courant.

En essayant d’équilibrer le canot, tous les occupants sont alors tombés à l’eau. Deux membres de l’équipage et le commandant de compagnie repêché ont pu nager vers la rive. Les trois autres n’y sont pas parvenus et se sont noyés.

Recherches suspendues

En accord avec les spécialistes de la police cantonale, l’armée a décidé du suspendre vendredi soir les recherches pour retrouver le corps du cinquième militaire décédé. Le fort débit de la rivière ainsi que l’opacité des eaux en raison de la fonte des neiges sont en cause.

Les opérations ne reprendront qu’à la fin de l’été ou au début de l’automne quand le niveau de la rivière aura à nouveau baissé. L’utilisation d’un sonar pour le balayage du lac de Thoune, dans lequel se jette la Kander, est toutefois prévue cet été.

En attendant la reprise des recherches, la police va renforcer la surveillance du périmètre de recherche dans le cadre de ses services de base. La police militaire procédera également à un contrôle régulier de cette zone lors de ses patrouilles.

Poursuite de l’enquête

Le juge d’instruction poursuit son enquête notamment en vue d’établir si des services supérieurs ont eu connaissance ou auraient dû avoir connaissance de cet exercice.

La descente de la rivière ne figurait ni sur l’ordre du jour, ni sur le plan de la semaine de la compagnie, mais cela ne signifie pas que des instances supérieures n’ont pas été informées. Selon les réponses obtenues par le juge d’instruction militaire, l’enquête pourrait être élargie à d’autres personnes.

Michael Leutwyler a également demandé quatre expertises sur la praticabilité de la Kander et l’aptitude des canots pneumatiques de l’armée à descendre ce genre de rivières.

swissinfo et les agences

Le chef de l’armée Roland Nef a ordonné vendredi quatre mesures afin d’empêcher qu’un tel drame ne se reproduise.

La sélection des cadres de l’armée sera dorénavant vérifiée encore une fois par des officiers de milice expérimentés, afin de dépister les points faibles.

Les exercices devront avoir un lien avec la mission-clé de la formation et de l’arme et toute activité comportant des risques élevés sans rapport avec la mission sera interdite.

Les commandants devront accorder une attention particulière à l’évaluation des risques, en examinant notamment les concepts des exercices avant leur réalisation.

Enfin, l’armée engagera en priorité des officiers et sous-officiers de carrière pour l’encadrement et l’instruction des cadres, afin que ces derniers apprennent à être responsables et conscients des risques.

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