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Un marché comme moteur du développement

Une vendeuse de légumes sur le marché de Fada N’Gourma. Keystone

Au Burkina Faso, l’aide suisse au développement montre à quel point la responsabilité personnelle des acteurs locaux est importante. Mesurer les succès uniquement sur la base de chiffres ne suffit pas. La voix de la population s’avère beaucoup plus importante.

«Après une première phase de bilan, nous avons vite reconnu qu’il était important de permettre à la population de prendre elle-même en mains ses objectifs en matière de développement», déclare Philippe Fayet. Le coordinateur du bureau de la Direction suisse du développement et de la coopération (DDC) à Ouagadougou prend pour exemple Fada N’Gourma, une ville campagnarde de moyenne importance qui bénéficie d’un soutien depuis les années 1990.

Dans cette ville, le marché aux bestiaux s’est mué en une véritable plaque tournante économique. «Des centaines d’éleveurs et de négociants s’y rassemblent chaque semaine, raconte Philippe Fayet. Financé et soutenu par la Suisse, ce projet local a des effets qui vont bien au-delà du contexte local. Le marché contribue de manière significative au développement de toute la région.»

Responsabilité individuelle

L’infrastructure commerciale mise sur pied grâce au soutien suisse, qui comprend un marché central, un marché aux bestiaux et une gare routière, semble donc être un succès. «Je me méfie du mot succès, relativise toutefois le coordinateur de la DDC. Avoir construit un marché et l’avoir fait fonctionner n’est pas aussi important que de savoir ce que la population en fera à l’avenir.»

«Il est fondamental de comprendre ce que les autres pourraient retirer de cette idée pour résoudre leurs propres problèmes, poursuit Philippe Fayet. Le fait que les gens choisissent leur activité de manière totalement indépendante est important. C’est là que nous devons les soutenir. En ce sens, notre travail peut être qualifié de succès.»

Sociologue, ancienne secrétaire générale de l’ONG Enda et ex-ministre du gouvernement burkinabé, Joséphine Oedraogo a accompagné le travail de la DDC en faveur de la promotion du développement rural durant la phase de formation du mouvement paysan. «Grâce à une étude réalisée par la DDC, qui a soulevé de vives discussions sur la responsabilité individuelle, les agriculteurs ont  fait d’importants pas en avant», juge-t-elle.

«Aujourd’hui, cette responsabilité individuelle se retrouve aussi parmi les autres acteurs locaux, poursuit-elle. Au marché de Fada N’Gourma, les activités sont organisées par des entreprises, des entrepreneurs, des marchands de bestiaux, des banques et des comités locaux. Nous verrons quel sera l’impact de ce mouvement.»

Pour l’heure, les infrastructures de base ont au moins été construites, souligne Joséphine Oedraogo. «Grâce à la création de ce marché, nous avons réussi à mobiliser même les milieux les plus traditionnels, comme les marchands de bestiaux. A Fada N’Gourma, il existe encore dans ce secteur de nombreuses autres possibilités de commerce, par exemple avec les pays voisins.»

Vers la démocratie

Le Burkina Faso est-il dès lors sur la voie d’un avenir meilleur? «Je ne le dirais pas ainsi, répond Joséphine Oedraogo. Nous avons une économie de marché qui doit avant tout se développer, tout comme le mouvement paysan. Nous avons encore un long chemin à parcourir vers la démocratie. C’est un processus long. Mais au moins, maintenant, la population est consciente de pouvoir demander à l’Etat de respecter les promesses faites.»

La sociologue cite en exemple le cas d’un village de paysans où les élèves avaient organisé un sit-in pour demander le licenciement d’un enseignant considéré incapable et violent. Les autorités ont été forcées de le remplacer.

«Cela s’est fait sans l’aide d’une organisation d’aide au développement, déclare la sociologue en riant. Cette prise de conscience collective est un instrument important pour la construction d’un Etat de droit.»

Apprendre à surmonter les difficultés

Dans chaque projet, il y a toujours une marge d’erreur, relève le coordinateur de la DDC Philippe Fayer. Et cela a aussi été le cas à Fada N’Gourma.

«Nous avons construit une station d’autobus qui fonctionne mal, en raison des négociations avec les syndicats, explique-t-il. Ce n’est pas un problème de la DDC, mais des autorités qui ont sous-évalué la question.»

Mais ce qui importe, dans de tels cas, c’est de développer une «culture des solutions», poursuit le coordinateur. «Je crois que de tels problèmes existent aussi en Suisse. La question est donc également la même. Comment pouvons-nous surmonter ces difficultés?

La voix de la population

Pour Philippe Fayet, il est clair que l’efficacité de l’aide au développement ne peut pas être évaluée uniquement à l’aune des chiffres. On devrait bien davantage écouter la voix de la population locale.

La DDC restera active au Burkina Faso jusqu’en 2016. Et ensuite? «Les organisations d’aide au développement doivent s’en aller. Autrement, nous continuerons à nous sentir sous leur protectorat, dépendants et ayant besoin d’aide», affirme d’un ton résolu Joséphine Oedraogo.

«Je ne veux pas dire que nous n’avons plus besoin d’une aide extérieure, précise-t-elle, mais ce type de soutien doit prendre une autre forme. Des pays comme le Burkina Faso doivent être en mesure d’aller de l’avant avec leurs propres ressources. Nous devons pouvoir choisir seuls nos partenaires et décider de quoi nous avons besoin. Peut-être alors la DDC reviendra-t-elle dans le jeu.»

Grâce à la collaboration de la DDC et d’autres partenaires, le gouvernement burkinabé a lancé le Fonds national pour l’alphabétisation et l’éducation non formelle (FONAENF).

Son objectif est de permettre à davantage de gens d’avoir accès à des formations et à améliorer la qualité du système éducatif.

Les participants aux cours ont en outre l’opportunité d’acquérir des connaissances et des compétences essentielles à l’amélioration de leurs conditions de vie.

Depuis la création du fonds, en 2002, la contribution suisse a contribué àalphabétiser quelque 500’000 personnes (dont 60% de femmes).

(Traduction de l’allemand: Olivier Pauchard)

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