Des perspectives suisses en 10 langues

Hollywood censure… les vins suisses

Oscar se reproduit dans les boutiques de souvenirs, mais n'est guère prêteur... Keystone

La puissante Académie américaine du cinéma a menacé de faire mettre au pilon une revue vinicole suisse. Motif: l'utilisation «sans droit» du terme «Oscars des vins suisses».

La revue a dû finalement joindre aux 100’000 exemplaires déjà imprimés une note d’excuse.

On ne badine pas avec «L’Académie des Arts et sciences du Cinéma» (Academy of Motion Picture Arts and Sciences), l’influente association américaine qui décerne chaque année les fameux «Oscars».

Vinum, «revue européenne du vin» (qui paraît à Zurich) vient de l’apprendre à ses dépens. Elle jure qu’on ne l’y prendra plus.

Rendez-vous à Berne

En juin dernier, en prévision du 14e Salon des vins du Valais (samedi et dimanche prochain à Sierre), Vinum avait tiré à 100’000 exemplaires un numéro spécial consacré aux vins suisses. Ce numéro contenait notamment un article sur le «Grand Prix du Vin Suisse» qui sera décerné pour la deuxième fois le 19 octobre au Théâtre municipal de Berne.

Or comme lors de sa première édition en 2004, ce prix est connu par tous les spécialistes comme «l’Oscar du vin suisse» (plus précisément comme «les Oscars» puisqu’il y a trois lauréats pour chacune des 11 catégories en compétition).

En 2004, l’utilisation du terme «Oscars» n’avait causé aucun problème et les chroniqueurs s’en étaient donné à cœur joie pour faire mille allusion au prestigieux gala du cinéma («Les vins suisses ont leurs oscars», «Suspense aussi intolérable qu’à Hollywood», etc.).

Bien innocemment, la revue Vinum a donc parlé dans son numéro spécial des meilleurs crus «nominés» pour la cérémonie de Berne «où la moitié d’entre eux se verra décerner les fameux oscars des vins».

«OSCARS des vins»? Vous n’y pensez pas! Plus vigilante et visiblement mieux équipée pour la traque des «coupables» que la dernière fois, l’Académie de Hollywood n’a fait ni une ni deux. Par l’entremise de son avocat en Suisse, Me Daniel Marugg, elle a menacé de faire détruire par un tribunal les 100’000 exemplaires de la revue si Vinum devait continuer à utiliser le terme «oscar» sans s’excuser.

And the winner is…

Selon l’Académie – elle est connue dans le monde entier pour menacer férocement de procès tous les contrevenants – , la dénomination «Oscar» ainsi que la statuette du même nom sont en effet protégées. Par le droit des marques et par le droit d’auteur. Ces droits seraient détenus «exclusivement» par l’Académie. Qui n’aurait «en l’espèce» donné aucune permission pour leur utilisation.

Face au dommage considérable qu’aurait représenté la destruction de son numéro spécial, Vinum a assez vite cédé. La revue a fait publier sur une feuille volante une rectification qu’elle a jointe à l’édition alémanique (distribuée en juillet) et à l’édition française (distribuée samedi dernier).

Dans ce texte, la rédaction de Vinum déclare «regretter» l’utilisation «contraire au droit» de la dénomination «Oscar» qui aurait été faite «en ignorance de la situation juridique».

Cette situation, beaucoup semblent effectivement l’ignorer. Mais d’autres n’hésitent pas à la contester en connaissance de cause. L’avocat Daniel Marugg (Etude d’avocats Gloor & Sieger à Zurich) souligne à cet égard que la question des «Oscars» l’amène à entamer chaque année plusieurs procédures dont certaines se terminent devant des juges. Il refuse de donner plus de détails mais affirme que jusqu’ici, sa cliente – l’Académie – l’a toujours emporté.

swissinfo, Michel Walter

La plupart des dictionnaires traitent «oscar» comme un nom commun. Le Robert précise cependant qu’il s’agit d’un nom d’une marque déposée «utilisée comme nom commun».

Quant au Petit Larousse, après avoir parlé de la «haute récompense cinématographique attribuée chaque année à Hollywood», il donne une deuxième définition qui devrait secouer les avocats de l’Académie. Il parle en effet de «récompense décernée dans un jury dans divers domaines. Par exemple L’Oscar de la publicité»…

Bien que le nom «Oscar» soit archi-connu, son origine, curieusement, est tout à fait mystérieuse.

Oscar est certes le terme utilisé pour désigner les statuettes qui récompensent depuis 1929 les meilleurs films sortis aux Etats-Unis, ainsi que les meilleurs professionnels du cinéma dans diverses catégories (y compris «l’Oscar du meilleur film en langue étrangère»). Mais personne ne sait vraiment d’où vient le terme.

La thèse la plus souvent citée concerne Margaret Herrick, première bibliothécaire et future directrice de l’Académie qui désigne les lauréats. Madame Herrick aurait déclaré à l’époque que les statuettes remises aux lauréats lui faisaient penser à son oncle Oscar. Peu à peu, les employés de l’Académie se seraient alors mis à parler d’Oscars pour désigner les statuettes.

Ce qui est certain, c’est que l’Académie n’utilise officiellement le terme Oscar que depuis 1939.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision