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Des lasagnes bolognaises au bœuf «européen»

En matières de produits surgelés, le consommateur suisse a l'embarras du choix. Keystone

Dans les rayons des supermarchés, l’offre de produits transformés ne cesse de s’élargir. Mais le consommateur ne sait que très peu de choses sur leur provenance. Hasard du calendrier, le Parlement suisse se penche sur cette question. Le scandale de la fraude à la viande de cheval aura-t-il un impact?

Lasagnes al Forno, Verdi ou alla Bolognese: dans les congélateurs des supermarchés suisses, l’offre reste pléthorique. Mais le populaire mets italien a pour de nombreux consommateurs un arrière-goût peu alléchant depuis que de la viande de cheval a été détectée dans plusieurs types de lasagnes supposées ne contenir que de la viande de bœuf.

La Suisse n’a pas été épargnée par un scandale qui a touché près de la moitié de l’Europe. «Que mangeons-nous précisément lorsque nous achetons de tels produits finis? D’où provient la matière première?», s’interrogent de nombreux consommateurs.

L’article 12 sur les exigences en matière d’étiquetage et d’information dans le projet de la nouvelle Loi sur les denrées alimentaires donnera certainement lieu à des débats nourris au Parlement.

Quiconque met en circulation des denrées alimentaires préemballées est tenu d’indiquer à l’acquéreur le pays de production, la description du produit et les ingrédients qu’il contient.

Le Conseil fédéral peut, pour les produits transformés, fixer des exceptions en ce qui concerne l’indication du pays de production et les ingrédients.

La commission préparatoire du Conseil national (Chambre basse) a concrétisé cette exception réglementaire: le Conseil fédéral peut exclure certains groupes d’aliments de ce devoir d’information.

Il peut également prévoir, pour certains groupes de denrées alimentaires, la possibilité d’indiquer une zone géographique plus étendue en lieu et place du pays de production (par exemple l’Union européenne).

Articles à l’épreuve

Les indications relevées sur l’emballage des lasagnes «M-Budget», l’assortiment bon marché de Migros, numéro un helvétique du commerce de détail, ne permettent par exemple pas de répondre précisément à ces questions. On cherche ainsi en vain l’origine de la «viande hachée et bouillie» que sont censées contenir ces «pâtes fourrées à la viande de bœuf».

Interrogé par téléphone ou par e-mail, Migros indique toutefois aux clients qui souhaitent en savoir plus que le produit mentionné provient de l’une de ses filiales, à savoir Bischofszell Nahrungsmittel SA (Bina), basée dans le canton de Thurgovie. Le bœuf contenu dans ces lasagnes serait allemand.

«Nous ne transmettons pas d’informations plus détaillées concernant nos fournisseurs», fait savoir Migros. C’est le laboratoire cantonal de Thurgovie qui est responsable du contrôle des aliments produits par Bina et près de 3000 autres entreprises actives dans le canton. «Je sais d’où proviennent les ingrédients, affirme le chimiste cantonal Christoph Spinner, mais je ne peux pas fournir d’informations concernant un produit spécifique car je suis soumis à la confidentialité».

Christoph Spinner explique qu’il s’agit de protéger des informations importantes, comme la recette d’un produit alimentaire, qui ne doivent pas être dévoilées au grand public.

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Echange d’informations efficace

A la suite du scandale de la viande de cheval, l’équipe de Christoph Spinner a réalisé des contrôles aléatoires auprès d’entreprises susceptibles d’être affectées en tant que producteurs ou distributeurs de tels produits transformés. Grâce au système d’alerte de l’Union européenne (RASFF), les informations récoltées par d’autres pays européens ont été rapidement mises à disposition de la Suisse.

«Nous voulons à peu près tout savoir sur les produits alimentaires qui contiennent de la viande hachée», dit le chimiste cantonal. Les autorités ont notamment contrôlé le flux et la traçabilité des matières premières. Leur provenance est un indice central, relève Christoph Spinner, car «le contrôle des aliments fonctionne selon le principe du risque. Plus il est important, plus on contrôle les denrées». Les autorités ne communiquent cependant pas quels pays ou quelles entreprises sont considérés comme les plus à risque.

La Bina, qui produit les lasagnes M-Budget, n’est pas plus diserte. L’échange d’informations avec les autorités semble en revanche bien fonctionner. Les responsables de l’entreprise ont ainsi eu vent des réponses que le chimiste cantonal avaient adressées à swissinfo.ch. «Nous entretenons un contact ouvert avec les autorités», se justifie Helen Treier, la responsable de la communication. Bina affirme que la viande hachée utilisée dans ses lasagnes provient de Micarna SA, une société qui appartient également à Migros.

Toutes les lasagnes de Migros contiennent du bœuf suisse, mises à part les lasagnes M-Budget, qui sont fabriquées à base de bœuf européen. Des analyses ADN ont démontré qu’il s’agissait à 100% de viande de bœuf, affirme le grand distributeur. Migros et ses produits n’ont été d’aucune manière affectés par le scandale de la viande de cheval et les exigences du détaillant envers ses fournisseurs sont dans de nombreux domaines encore plus strictes que la loi ne l’exige, complète le géant orange.

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Equilibre délicat

Les règles concernant l’indication de provenance sont effectivement un peu plus sévères en Suisse qu’au sein de l’Union européenne. Afin de ne pas désavantager l’industrie alimentaire indigène dans la concurrence féroce qu’elle mène avec ses voisins européens, le gouvernement suisse planche sur une modification de la Loi fédérale sur les denrées alimentaires. Le projet, qui est débattu ces jours-ci à la Chambre basse du Parlement, prévoit des exemptions en matière d’étiquetage pour les produits transformés.

La commission compétente a traité au mieux cette problématique, affirme Thomas de Courten, membre de ladite commission et député de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice). Elle a tenté de trouver un juste équilibre entre «l’exigence, d’une part, d’être transparent sur la composition des aliments et, d’autre part, de rester raisonnable en ce qui concerne les coûts administratifs inhérents à la mise en place de la déclaration d’origine».

Les politiciens sont toutefois divisés quant à savoir ce qui peut être considéré comme raisonnable. Thomas de Courten estime qu’il serait exagéré de rendre la déclaration d’origine obligatoire pour les ingrédients. Le député se dit ainsi prêt à manger sans arrière-pensée des lasagnes bolognaises de Migros qui ne contiennent aucune indication quant à la provenance de la viande. «Je ne décèle aucun avantage tangible à savoir si la viande provient d’Allemagne, de France, de Belgique ou de Suisse. Ce qui est essentiel, c’est qu’il s’agisse bien de bœuf et non de cheval». Après une légère hésitation, Thomas de Courten affirme qu’il ne changerait pas ses habitudes d’achat s’il savait que la viande provenait de Chine.

Produits de la région

Le récent scandale de la viande de cheval a toutefois donné des arguments supplémentaires aux milieux qui exigent la mise en place d’une indication de provenance cohérente, y compris pour les produits hautement transformés. La députée écologiste Yvonne Gilli en fait partie. Fondamentalement, cette médecin se refuse à consommer des produits finis tels que les lasagnes M-Budget.

«L’origine d’un produit alimentaire a pour moi une importance fondamentales. Je n’achète presque exclusivement que des produits de ma région. Je me procure directement la viande que je consomme auprès des paysans».

Un assouplissement de l’obligation de la déclaration d’origine n’est pas dans l’intérêt de l’agriculture locale, notamment parce que la Suisse édicte des réglementations plus sévères en ce qui concerne le traitement du bétail, affirme Yvonne Gilli. «Le scandale de la viande de cheval a eu le mérite de rendre cette problématique plus visible».

(Traduction de l’allemand: Samuel Jaberg)

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