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La Poste cède le gouvernail à des apprentis

Bien qu'autonomes, les apprentis de la Poste sont suivis par des coaches expérimentés. Daniel Rihs/pixsil

Depuis 2008, La Poste confie la gestion d’offices postaux à des apprentis. A l'occasion de la 6e Conférence sur les places d'apprentissage lundi à Bienne, swissinfo.ch a visité un de ces bureaux-pilotes.

Vue de l’extérieur, rien ne distingue la poste de Mâche – un quartier en pleine expansion de la périphérie de Bienne – de n’importe quel autre office postal. Mais quand on pénètre à l’intérieur et qu’on arrive aux guichets, il y a quelque chose d’insolite, d’impalpable car tout semble normal.

Les couleurs, les articles en vente, les uniformes… tout y est. Mais, à y regarder de plus près, on est frappé par la jeunesse des buralistes. Huit filles et deux garçons entre 17 et 19 ans accomplissent toutes les tâches. Un véritable défi pour ces jeunes de deuxième et troisième année d’apprentissage d’employé/e de commerce au détail.

Mise à l’épreuve

Deux maîtres d’apprentissage expérimentés sont à leur disposition en permanence pour répondre à leurs questions. Pour eux aussi, cette innovation représente une sorte de mise à l’épreuve.

«J’ai trente-huit ans de service et, auparavant, j’étais responsable de cet office postal», explique Claudia Jenny, l’une des deux coaches. La Poste suisse et la formation des apprentis n’ont plus de secret pour elle et pourtant, aujourd’hui, elle amorce un nouveau virage professionnel.

Le rôle et la fonction de Claudia Jenny ont radicalement changé. «Je ne gère plus l’office, répartir les tâches ou donner des consignes aux apprentis. Désormais, je supervise les travaux et vérifie que tout fonctionne», explique-t-elle.

Autonomie et responsabilité

Les apprentis peuvent demander à tout instant des explications ou des conseils à leur superviseur. A une condition: ils doivent d’abord s’adresser au responsable de l’office postal, qui se trouve être un apprenti de troisième année. Et si ce dernier n’est pas à même de répondre, c’est alors qu’interviendra la consultante. Un système qui apprend à chacun à séparer les rôles et à les respecter.

«Nous ne leur livrons pas une solution toute prête mais nous cherchons plutôt à les aider à trouver eux même la réponse à leur problème, en leur posant des questions, en les orientant vers les possibilités à disposition. Et c’est comme ça qu’ils apprennent à raisonner, à établir des liens qui leur permettront d’adopter des automatismes et de réagir rapidement», poursuit Claudia Jenny.

La consultante admet qu’elle a dû apprendre à réprimer le réflexe automatique «de donner un coup de main» aux jeunes. Mais ici, l’autonomie et la responsabilité sont sacrées. La confiance manifestée par l’entreprise encourage les apprentis à s’investir à fond.

Une forte motivation

La gestion d’un bureau de poste n’est pas une mince affaire. Les prestations et services sont nombreux. Ils vont des expéditions de lettres et colis aux versements et prélèvements d’argent, en passant par l’ouverture de comptes, les contrats des abonnements téléphoniques, la vente de téléphones mobiles et de cartes prépayées, sans oublier la vente de billets pour des événements sportifs et culturels.

Il s’agit aussi de faire en sorte que l’office dispose en permanence de certaines liquidités, que les portes-valeurs arrivent au bon moment ou que le postomat (guichet automatique) contienne une réserve suffisante. Et puis, il faut aussi établir les plans de travail, en tenant compte des journées d’école de chacun.

N’est-ce pas une lourde responsabilité? «C’est précisément parce que nos activités sont très variées que c’est si intéressant», répond Stefanie Beyeler.

A 19 ans, la jeune fille vient de débuter dans sa nouvelle fonction de responsable d’office. Mais cela ne lui fait pas peur. Selon elle, il s’agit d’une «opportunité unique». Etre aux commandes ne signifie pas donner des ordres, mais «développer son sens des responsabilités, acquérir davantage d’indépendance, mieux comprendre le fonctionnement» de la Poste, estime-t-elle.

Le bilinguisme est une chance

Situé dans la ville bilingue de référence, l’office postal de Bienne-Mâche n’échappe pas aux exigences du plurilinguisme. Face à une clientèle francophone et germanophone, les apprentis doivent être en mesure de s’exprimer dans les deux langues.

Une difficulté supplémentaire? «Non, un atout supplémentaire», corrige Nicole Hofer. De langue maternelle alémanique, l’apprentie de 18 ans parle couramment le français, mais elle souhaite encore se perfectionner.

Un désir partagé par ses collègues. «Je ne deviendrai peut-être pas parfaitement bilingue, mais j’apprendrai certainement à améliorer mon allemand. Et cela me sera sans doute utile à l’avenir, indépendamment de la filière professionnelle que je suivrai», relève Justine Glatz. Actuellement responsable de la caisse principale, cette Jurassienne est convaincue que cet apprentissage est «un véritable tremplin pour une carrière professionnelle».

Esprit d’équipe

Les dix apprentis de la Poste de Mâche proviennent de trois cantons: Berne, Jura et Fribourg. Auparavant, ils effectuaient leur apprentissage ailleurs et ne se connaissaient pas. Mais ils ont rapidement formé une équipe. De fait, leur manière de partager les tâches, leur enthousiasme et leur bonne entente sont palpables.

«Une nouvelle génération pleine d’énergie à votre service», tel est le slogan imaginé par les apprentis pour se présenter à la clientèle après le changement intervenu à la poste de Mâche, le 27 août dernier.

Effectivement, à les observer, on a l’impression que rien ne leur paraît insurmontable. Même si le fait de devoir atteindre comme tout le monde les objectifs de vente fixés par La Poste est une source de stress supplémentaire.

«Ce n’est certainement pas facile pour eux. Mais nous tirons tous à la même corde, en cherchant à faire de notre mieux, affirme Stefanie Beyeler. Par ailleurs, je crois que si La Poste ne poussait pas le personnel à vendre, probablement qu’il ne parviendrait pas à atteindre les mêmes résultats», explique Justine Glatz.

«Je suis convaincue qu’ils réussiront», estime pour sa part Claudia Jenny, assurant que la clientèle apprécie le travail de ces jeunes. Cela semble le cas des clients interrogés par swissinfo.ch.

La Poste forme actuellement 1957 apprentis dans divers métiers.

Hormis les écoles professionnelles cantonales, les apprentis de La Poste suivent des cours supplémentaires au sein de l’entreprise avec des examens à la clé.

Le programme «Office postaux des apprentis» a été lancé en 2008 à Zurich-Wollishofen et à Prilly (Vaud). En 2009, le programme a été étendu à Bâle-Spalen et St-Gall-St-Fiden et, en été 2010, à Bienne-Mâche, Lucerne-Hirschengraben, Lugano-Cassarate et Chêne-Bourg (Genève).

Chaque filiale est gérée par 8 à 12 apprentis de commerce de détail de 2e et 2e année, qui assument cette responsabilité après un mois de formation spécifique. Dans chaque office, les apprentis sont assistés par deux ou trois experts.

«L’idée est d’inculquer le plus rapidement possible responsabilité, autonomie et esprit d’entreprise aux jeunes», selon Sandrine Mottier, responsable de la communication auprès de La Poste.

En Suisse, près de deux tiers des jeunes suivent un apprentissage professionnel.

La filière la plus fréquemment choisie est celle de la formation duale, qui permet d’alterner la théorie scolaire avec la pratique en entreprise.

A la fin de la formation de trois à quatre ans, selon les métiers, l’apprenti se soumet à une série d’examens afin d’obtenir une attestation fédérale de capacité.

De nombreux pays ont manifesté leur intérêt pour le modèle helvétique.

Réunie par la ministre de l’économie Doris Leuthard, la 6e Conférence sur les
places d’apprentissage s’est tenue lundi à Bienne.

Les représentants de la Confédération, des cantons et des employeurs ont décidé de soigner la reconnaissance de la formation professionnelle supérieure, souvent méconnue, voire moins reconnue qu’un cursus académique.

Ils ont réaffirmé la valeur de la formation professionnelle suisse qui attire toujours deux jeunes sur trois.

Ils ont proposé d’augmenter la participation de la Confédération aux coûts de la formation professionnelle financés par les pouvoirs publics à 25%.

En 2009, 28’000 diplômes et brevets de la formation professionnelle supérieure ont été délivrés en Suisse.

(Traduction de l’italien: Nicole della Pietra)

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