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Le «Glacier Express» roulait trop vite

Le conducteur du «Glacier Express» a accéléré trop tôt, provoquant le déraillement des derniers wagons du convoi. Keystone

Le déraillement du «Glacier Express» qui a fait une victime japonaise vendredi dernier en Valais est dû à une erreur humaine. Le conducteur roulait à 56 km/h sur un tronçon où la vitesse est limitée à 35 km/h, ont indiqué les responsables de la compagnie ferroviaire.

Des représentants de la police, du gouvernement cantonal, de la promotion du tourisme suisse ainsi que les responsables de la compagnie ferroviaire incriminée étaient présents vendredi lors d’une conférence de presse à Brigue, tout juste une semaine après l’accident du «Glacier Express».

Jacques Melly, vice-président du gouvernement cantonal, a débuté la conférence de presse sur un ton solennel: «Le gouvernement valaisan regrette profondément cette tragédie. Tout le Valais partage le chagrin et nos pensées sont aujourd’hui avec les victimes».

Les trois derniers wagons du train, qui circulait entre Lax et Fiesch, dans le Haut-Valais, sont sortis des voies vendredi 23 juillet aux alentours de 12h00 près d’un pont de la vallée de Goms. Une touriste japonaise de 64 ans a perdu la vie et 42 personnes ont été blessées dans l’accident. Vendredi, huit personnes, toutes japonaises, étaient toujours hospitalisés à Sion.

L’enquête menée par les autorités fédérales a permis d’écarter les hypothèses d’un mouvement de terrain, de problèmes météorologiques et de défauts du matériel roulant ainsi que de la voie. Selon les données récoltées, l’accident est dû à une vitesse non adaptée. Alors qu’il roulait à la fin d’un tronçon limité à 35 km/h, dans une courbe, le mécanicien a accéléré à la hauteur du signal des 55 km/h. Il n’aurait pourtant dû accélérer que lorsque la totalité des wagons avait dépassé cette marque. Le dernier wagon a déraillé, entraînant deux autres voitures hors des voies.

Le mécanicien incriminé travaillait depuis plus de huit ans pour la compagnie Mattherorn Gotthard (MGB). Sa responsabilité est en cours d’évaluation et le juge instructeur attendra le rapport de l’expert fédéral Walter Kobelt avant de prendre des décisions sur le plan pénal.

Communication soignée

Afin de ne pas froisser le Japon, la communication autour de l’accident a été soigneusement étudiée. Le déraillement du «Glacier Express» a en effet occupé les Unes de la presse japonaise durant toute la semaine. De nombreux journalistes ont été envoyés en Suisse pour couvrir l’événement.

«La communauté japonaise a été très choquée par l’accident», affirme Gen Aoto, président du club japonais de Zurich. Pour lui et pour les autres Japonais résidant en Suisse, il était essentiel que les causes exactes de la tragédie soient rapidement connues. «Nous considérons la Suisse comme le pays le plus sûr au monde. Le mythe a été un peu secoué. Pour restaurer la confiance, nous avons besoin que la Suisse ou la compagnie ferroviaire trouve l’origine du problème», déclarait-il à swissinfo.ch avant la conférence de presse de vendredi.

Roger Zbinden, spécialiste de l’Asie pour Suisse Tourisme, qui a vécu sept ans au Japon, a aidé la compagnie ferroviaire Mattherhorn Gotthard à employer les formes et le comportement appropriés dans la communication autour de l’événement. Les différences culturelles ne doivent en effet pas être négligées, a-t-il déclaré à swissinfo.ch.

L’émotion d’abord

Les intervenants de la longue conférence de presse de vendredi ont par exemple soigneusement choisi leur habillement. Costume noir et cravate étaient de rigueur pour tout le monde.

«Habituellement, en Occident, on débute avec les faits, on explique les raisons de l’accident et on fait ensuite part de ses excuses. Au Japon, avant de transmettre le message, il faut d’abord se situer sur le niveau émotionnel, affirme Roger Zbinden. Vous devez d’abord adresser vos plus profondes excuses et montrer votre sympathie aux victimes. C’est seulement ensuite qu’on peut en venir aux faits».

Les vives réactions qui ont suivi la mise en service du train deux jours après l’accident sont également dues à des différences culturelles. Pour les Suisses, cela signifiait que le train était à nouveau sûr, mais ce n’était certainement pas le cas pour les Japonais, estime Roger Zbinden.

Mise en service trop rapide

Un officiel d’Ana Sales, l’une des trois agences qui a organisé le voyage du groupe frappé par l’accident, ne comprend ainsi pas pourquoi la compagnie Mattherhorn Gotthard (MGB), qui exploite la ligne du «Glacier Express», a déjà remis ses trains en service deux jours après l’accident.

«C’est impossible à imaginer et à accepter que le train soit remis en service alors qu’on ne connaît pas les causes de l’accident. Au Japon, le gouvernement ne donnerait jamais cette permission en de telles circonstances», explique-t-il à swissinfo.ch sous le couvert de l’anonymat. D’autres Japonais résidant en Suisse ont fait part du même sentiment.

Les autorités suisses ont pour leur part exprimé rapidement leurs condoléances aux autorités japonaises. La présidente de la Confédération Doris Leuthard a elle-même adressé une lettre au Japon. «C’est important de savoir que le gouvernement suisse montre ses sentiments à l’égard des Japonais», affirme Gen Aoto.

Les Japonais reviennent

Gen Aoto estime que la leçon reçue par l’entreprise Schindler, qui ne s’était pas excusée après un accident mortel dans un ascenseur de la firme suisse au Japon, a été retenue cette fois-ci. «Nous ne faisons pas de procès par rapport à ce genre d’événements, ce n’est pas dans notre mentalité. Mais nous avons besoin de ressentir la sincérité du côté suisse».

Ana Sales compte encore cinq clients hospitalisés. Un employé de la compagnie a été mandaté pour veiller sur chacun d’entre eux. A noter que les responsables de Matterhorn Gotthard Bahn ont également rendu plusieurs fois visite aux blessés durant la semaine écoulée.

Alors qu’Ana Sales a annulé deux voyages prévus en août, d’autres agences japonaises continuent d’envoyer des clients en Suisse. Ana Sales est en cours de négociation avec la compagnie ferroviaire pour obtenir des dédommagements. Ana Sales espère obtenir le remboursement des frais d’hospitalisation et de voyage ainsi que des compensations financières.

Isobel Leybold-Johnson, Kuniko Satonobu & Samuel Jaberg, swissinfo.ch

En 2006, trois employés des chemins de fer travaillant au bord d’une voie ont péri suite à un accident entre deux trains.

En février 2002, deux personnes sont mortes à la gare de Chiasso lors du déraillement d’un train. Cinq autres ont été blessées dans l’accident.

En novembre 1999, deux trains sont entrés en collision dans la banlieue de Berne, tuant deux personnes et en blessant 51 autres.

En 1994, un train express a percuté une grue de chantier dans le canton de Soleure, tuant neuf personnes et en blessant une vingtaine d’autres.

La collision ferroviaire la plus meurtrière en Suisse a eu lieu en 1924 à Bellinzone (19 morts).

Le pire désastre des chemins de fer suisses s’est produit en 1891 quant un pont s’est effondré sous un train près de Bâle, tuant 71 passagers et en blessant 171.

Le Glacier Express est une ligne mondialement réputée. Le train relie Zermatt, au pied du Cervin à Saint-Moritz. Du Valais à l’Engadine, il traverse la Suisse profonde.

En été, il passe par le col de l’Oberalp, le plus haut point du parcours à 2033 mètres.

Les lignes de l’Albula et de la Bernina, du Chemin de fer réthique, qui traversent les Alpes sont également connues internationalement.

D’ailleurs, depuis l’été 2008, le trajet du Bernina Express de Thusis à Tirano, est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Seulement trois sites de chemins de fer au monde ont obtenu ce privilège.

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